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Une monnaie inédite de Julia Domna au type hilaritas 

| 05/03/2019
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Une monnaie inédite de Julia Domna au type hilaritas : genre et pouvoir politique

Serge Bardet de l'Université d'Évry a publié récemment dans le Bulletin Numismatique de CGB un article complet et détaillé sur une monnaie inédite de Julia Domna vendue dans notre Live Auction de janvier 2017. En voici l'intégralité !

La maison CGB Numismatique a vendu récemment un denier de Julia Domna au type Hilaritas qui semble constituer une variante inédite du type RIC IV 557 (C 79 ; BMC/RE 34 ; Sear 6587 ; https://www.cgb.fr/julia-domna-denier-sup,brm_417069,a.html). Il est aujourd’hui dans une collection particulière.
À l’avers, le portrait de Julia Domna à droite est accompagné de la légende IVLIA AVGVSTA, ce qui date nécessairement la monnaie postérieurement au début de l’année 193 ou 194 et probablement même après le début 1961, mais cela ne nous avance guère. Sa chevelure à chignon, à quatre rouleaux latéraux, avec une amorce de queue ramenée sous le chignon en un écheveau dont la statuaire nous dévoile la complexité2 et que l’on appelle en allemand Nestfrisur, ne permet pas non plus de dater précisément la monnaie : c’est un portrait des plus courants sur une période qui va, selon Ph. Hill3, des années 199 à 209.
Au revers, une figure féminine, campée de face, déhanchée, en torsion à gauche (de sorte que le visage est vu de profil), est accompagnée de la simple légende HILARI-TAS (sans épithète de type AVG[vsta]). On a pris l’habitude d’y voir l’allégorie d’Hilaritas, qui serait alors une virtus impériale4 ou, plus vaguement, une « déité mineure »5. Au contraire, W. Fröhner, dans une étude aujourd’hui ancienne6, conteste formellement qu’il puisse s’agir d’une divinité ou de la part divine d’une juno ou d’un genius impérial : il y voit une représentation mixte de l’Annone et de Pietas (qui sont assurément des allégories divinisées ou en tout cas objet de culte) ; et cela lui permet de relier l’émission de telles monnaies à d’importants arrivages pour l’annone romaine. F. Ghedini parle plus prudemment de « la personnification d’une entité abstraite7 ». Quoi qu’il en soit, elle est accompagnée, de part et d’autre, par deux silhouettes, qui évoquent de jeunes enfants, ce qui caractérise précisément le type RIC 557, que Hill8 date de l’année 208. De la main gauche, elle tient une corne d’abondance9.
Mais, sur l’exemplaire qui nous occupe, cette représentation a une particularité étonnante : au lieu de la palme longue tenue vers le bas qu’on attendrait, l’allégorie divinisée tient de la main droite ce qui est manifestement un foudre. De ce fait, l’enfant (?) de gauche, au lieu de se tenir à la palme absente, se tient à un motif serpentiforme qui s’élève depuis le sol et qui semble bien constituer un pan de sa toge, mal relié par le graveur à l’ensemble du vêtement10 (le même geste apparaît plus clairement pour l’enfant de droite). La présence de ce foudre jovien entre les mains d’une figure féminine est suffisamment étonnante pour justifier une étude approfondie de la question.
Pour cette étude, nous mettrons donc en regard trois données principales. On commencera par examiner les emplois et les significations du terme hilaritas dans les milieux cultivés et païens de l’époque impériale, pour en établir les différents champs d’application possibles ; puis l’on mettra en regard de cet examen la tradition et l’évolution des revers invoquant Hilaritas, et enfin des monnaies représentant le foudre. Cette triple enquête nous permettra d’émettre une hypothèse sur les circonstances possibles (sinon probables) dans lesquelles une pareille audace iconographique a pu être tentée.


Représentation de la même figure allégorique que pour Hilaritas

Hilaritas n’est pas notre hilarité moderne11. La traduction la plus commune de hilaritas par la gaîté ou l’allégresse n’est pas fausse ; mais elle est sommaire. Notons, pour commencer, que hilaritas est, certes, un mot latin, mais que c’est surtout une importation directe d’un mot grec (ἱλαρός) : au deuxième siècle philhellène et aux Julii d’origine syrienne, le vocable devait sembler parfaitement naturel.
Chez Pline l’Ancien12, c’est un terme technique : c’est la parfaite adéquation d’un écusson à recevoir le greffon qu’on lui destine. Retenons ce premier sens comme un arrière-plan sémantique constant : toutes les monnaies au type Hilaritas disent aussi l’adéquation de l’empereur ou de l’impératrice à sa tâche.
Si l’on serre de près la lettre III.23 de Sénèque à Lucilius (§ 3-4), dans la quasi-synonymie entre hilaritas et gaudium, la première est plutôt une sorte de processus dynamique et volatil qui déclenche le rire (hilaritates non implent pectus, leves sunt) quand le second est un état durable, une sorte de bonheur de vivre (nisi forte judicas eum gaudere qui ridet […] verum gaudium res severa est). Dans la lettre II.18 § 2, c’est ce qui égaie les soupers et, par conséquent, la gaîté qu’on y éprouve (hilarius cenandum13), la bonne humeur privée qui fait naître les rires ou les sourires. Ce n’est donc pas la joie de celui qui s’oublie : sentiment bien moins intense, selon Cicéron, que lætitia (qui donne le français liesse), c’est un degré supérieur à la simple sérénité heureuse14, qu’un homme bien élevé ne saurait confondre avec la vulgarité licencieuse15. Lorsque Macrobe explique que l’on ressent de l’hilaritas à recevoir certains reproches qui, devant des témoins qui les entendent et qu’on aime, deviennent des compliments16 (se voir taxer devant son épouse d’être sottement fidèle et pas assez dans l’air du temps, propose-t-il), la meilleure traduction en est l’expression classique et aujourd’hui vieillie d’être bien aise.
Plus prosaïquement, chez Pline l’Ancien17, c’est un degré inférieur de la securitas, et, a fortiori, de l’abondance (deliciæ), trois sentiments que Pline, dans son explication, indexe directement sur la hauteur de la crue du Nil quand on les applique à l’Égypte. Nous pourrions donc retrouver ici le champ sémantique de l’annone.
Enfin, chez un auteur du IIIe siècle comme Minucius Felix, c’est l’humeur enjouée, la bonne grâce que l’on met aux affaires les plus sérieuses (in seriis hilaritatem18).

Car Hilaritas est, d’une certaine manière, un mot d’ordre politique, une façon de se mettre en conformité avec les valeurs du régime. Toujours chez Apulée, c’est le visage plus souriant que prend la Fortune19 (Fortunæ nutus hilarior, VII.20.1) ou la tournure des événements, dont on invoque l’abstraction divinisée pour qu’elle soit « source de joies et de prospérités » (invocato hilaro atque prospero Eventu, ibid., IV.2.3). C’est aussi « l’espérance qui fait croître la joie » (spes hilarior, VII.16.2). Et, de ce point de vue, Hilaritas n’est pas sans similitude avec les revers Fortunae felici créés justement pour Julia Domna ou avec la Fortuna redux célébrée par tant de revers que les Sévères ne sont ni les premiers ni les derniers à avoir fait frapper. Cette parenté est même évidente dans les quatre émissions RIC 382-383 et 452-453 (frappées à Émèse dans les années 194-198), sur lesquelles, au revers d’un portrait de Septime Sévère, est représentée la même figure allégorique exactement que pour Hilaritas, avec palme et corne d’abondance, mais une légende Fortu[næ] Reduc[i]20.

C’est une émotion de l’âme21 et, à ce titre (ne déplaise à W. Fröhner), une virtus du numen impérial. C’est la joie douce que procure la clémence qu’on exerce22 ou qui cimente la concorde23, deux vertus impériales s’il en est depuis Auguste ; celle qu’on éprouve à venir à la rencontre d’un bon Prince, qui le rend à son tour à ses sujets par son enjouement, une joie propre à sa personne24, ou celle qu’on éprouve en échappant à une catastrophe ou un châtiment25.
C’est aussi, chez Sénèque, ce que nous appellerions aujourd’hui la fonction d’entretien du lien social, qui revenait autrefois aux législateurs et, à l’époque qui nous occupe, au pouvoir impérial26 : « les législateurs ont institué des jours de fête pour que les hommes soient rassemblés par l’action publique pour prendre part à l’allégresse, en les intercalant pour ainsi dire comme un correctif nécessaire aux peines du labeur » (legum conditores festos instituerunt dies ut ad hilaritatem homines publice cogerentur, tamquam necessarium laboribus interponentes temperamentum).
À ces divers titres, Sénèque le signale également, incarner et répandre l’hilaritas est un devoir fonctionnel du pouvoir : « Les grands chefs affaiblis par le cours des événements s’appliquent à sembler gais27 » pour soutenir le moral des troupes (Duces magni rebus adfectis ut hilaritatem de industria simulent…).
C’est surtout le bonheur, tant privé que public, du Prince et de sa famille, que Pline28, sous Trajan, ne manquait pas de souhaiter à l’empereur (Fortem te et hilarem, imperator optime, et privatim et publice opto).
 

Pour H. Mattingly, sur les monnaies, « Hilaritas réfère souvent, si ce n’est invariablement, aux réjouissances religieuses29 ». De fait, chez les auteurs chrétiens, c’est un état de l’être qui s’apparente à un degré inférieur de la béatitude et déjà, chez Ovide30, c’est la joie simple qu’on éprouve à manifester sa piété (Di quoque, ut a cunctis hilari pietate colantur…).
Mattingly cherche à voir en Hilaritas des allusions aux cultes de la Dea Syria (Atargatis) et de Cybèle31. Il fait remarquer que la grande fête des Hilaria s’insère, le 25 mars, dans les célébrations de la Grande Mère phrygienne (Cybèle) qui suivent de près l’équinoxe de printemps : au quatrième jour, les fidèles se réjouissent avec elle de la résurrection de son amant cosmique, Attis32. Il y avait aussi des Hilaria mineurs, le 3 novembre, liés au culte d’Isis. L’utilisation de la valeur d’hilaritas serait donc en parfaite cohérence avec l’origine sacerdotale de Julia Domna.
Chez Apulée, de fait, c’est en contexte cultuel, les « cérémonies joyeuses » (et peut-être un brin désordonnées) du culte isiaque33 ou du culte impérial34. Mais, sur une telle monnaie, la piste religieuse est à emprunter avec précaution : Dea Syria est assimilée parfois à Junon35, mais plus souvent à Vénus Aphrodite36 (qui n’est jamais associée au foudre).

Pour faire simple et rapide, les revers légendés Hilaritas remontent à l’empereur Hadrien, pour commémorer son pontificat, sa puissance tribunitienne (sans ordinal) et son consulat tertium, qui remontait à l’année 119 (denier de l’année 124, RIC 126). Hilaritas populi Romani fait explicitement référence au contentement qu’est censé en éprouver le peuple romain. C’est encore sous Hadrien qu’apparaît le type aux deux petits personnages enfantins ou nanifiés, avec la palme, la corne d’abondance et la même légende hilaritas P. R. (sesterce et dupondius de l’année 128, RIC 970 et 974). La légende Hilaritas sans autre précision apparaît avec Marc Aurèle. C’est seulement à partir de Faustine la Jeune qu’elle apparaît en association avec l’impératrice (sesterce et dupondius de l’année 161, RIC 1642-1643 ; denier des années 161-164, RIC 686). Le revers sert ensuite à Lucille, épouse de Lucius Verus ; à Commode autant qu’à son épouse Crispine ; à Didia Clara, brièvement impératrice en 193 (Hilaritas temporum, denier et sesterce, RIC 10 et 20). Autant dire que l’utilisation du type par Julia Domna s’inscrit parfaitement dans la tradition antonine à laquelle Septime Sévère essayait par tous les moyens de se rattacher. Par ailleurs, le type est en cours de légère féminisation, mais n’a jamais été et ne sera jamais réservé aux émissions des impératrices (on le trouve encore associé aux empereurs gaulois).

Le type Hilaritas est repris pour Julia Domna à une date qui est fixée, on l’a dit, à 208.
On considère souvent que les deux enfants sont Géta et Caracalla37 (sans que rien ne permette d’attribuer une identité distincte à l’un plus qu’à l’autre). Il se peut, en effet, que le type préexistant ait été détourné pour la propagande de la famille impériale. En réalité, Caracalla comme Géta ont revêtu la toge virile, l’aîné en 201 et le cadet l’année suivante, selon Hérodien et l’Histoire auguste38 ; et, en 208, Caracalla était coempereur et Geta César, l’un consul tertium et le second consul iterum : il semble hautement improbable qu’ils soient encore représentés sous forme de deux petits enfants et ce serait une régression iconographique par rapport aux monnaies émises à partir de 202 avec au revers les trois portraits (de taille comparable, se regardant mutuellement). Si la maternité est ainsi évoquée, le motif renvoie beaucoup plus à la felicitas et l’uberitas, vertus impériales, qu’à un édifiant tableau de famille. Il peut encore (c’est l’hypothèse de H. Mattingly) s’agir non d’enfants, mais de figures « nanifiées » par une représentation en perspective hiérarchique.
Il est beaucoup plus pertinent, sans doute, de remarquer l’extrême similarité avec la composition de trois émissions de Septime Sévère qui montrent au revers un Jupiter tenant le foudre de la même manière, par le même geste, pareillement entouré de deux figures « enfantines » se tenant à sa toge et à son sceptre39 (RIC 226, 233, 240 et 243 pour les 17e, 18e et 19e puissances tribunitiennes, de 209 à 211). L’émission de Julia Domna constitue certainement un pendant à celles de son impérial époux. On pourrait donc sans peine en repousser la date à 209.

Il convient donc, pour compléter cette enquête, de se pencher enfin sur la présence du foudre dans les monnayages grecs et romains. C’est un motif essentiellement masculin : dans le monnayage grec, il est très généralement associé à Zeus (ou son aigle), un peu plus rarement à Apollon/Hélios, à Héraclès, voire à Silène ou à des emblèmes civiques. Il y a néanmoins des exceptions : il peut être associé à Athéna Nike40 et dès le Ve siècle à Héra41. Le brandissement du foudre semble d’ailleurs apparaître en association avec Athéna Promachos au début du IIIe siècle42, avant même d’apparaître avec Zeus. Tous ces types iconographiques traversent l’époque hellénistique et la République romaine sans innovation particulière, si ce n’est l’association du foudre et de la corne d’abondance43. Encore sous le principat, il revient presque toujours à Jupiter de brandir le plus généralement le foudre et, très ponctuellement, à Minerve (sous Domitien)44, puis, dans une circonstance particulière du règne de Septime Sévère, à la Dea Cælestis de Carthage45.
Il semble associé directement à un souverain (à son portrait ou à son nom au revers) à partir d’Alexandre le Grand. De la même façon, l’association du foudre avec une souveraine est rarissime, mais pas impossible : en témoigne le cas de Cléopâtre Théa46.
Associé sous la république à la représentation de la puissance romaine, de la victoire, du char triomphal, puis des symboles de l’imperium, il est associé dès les lendemains de la prise d’Alexandrie à la personne d’Octave et, désormais, à la figure impériale garantie par Jupiter Custos ou Jupiter Tonnans. À partir de Titus, il est représenté de manière clairement allégorique ou métaphorique, sur un trône : c’est une métaphore du pouvoir impérial. Il lui arrive alors, une fois et une seule (avant cette monnaie), d’être associé à un membre féminin de la maison impériale : c’était sous Trajan, mais, même en ce cas, il reste tenu par l’aigle jovienne et impériale47.

Même si l’association du foudre et du féminin n’est pas impensable, il est donc, a priori, et surtout à Rome, un attribut purement masculin et ne devrait pas se trouver sur une monnaie de Julia Domna.
On ne peut pas retenir sérieusement l’hypothèse d’une erreur de compréhension ou d’une inadvertance du graveur. Pareille variation ne peut venir que d’une intention précise et elle n’a pas pu être adoptée en dehors d’une consigne impériale.
Il est tentant d’y voir une allusion aux pouvoirs dont on dit à l’envi qu’ils ont été exercés par Julia Domna. Certains historiens font mine d’en savoir beaucoup sur ce chapitre48. C’est plausible ; malheureusement, on ne peut s’appuyer sur aucune source positive et de telles supputations risquent fort de tenir plus du roman que de la méthode historique.
Il y a donc fort à parier que, plutôt que d’une délégation formelle ou informelle de l’autorité impériale qui aurait été confiée à Julia Domna par Septime Sévère, comme une préfiguration des régences modernes, il s’agit plutôt d’illustrer une association à l’empereur, à une monnaie illustrant la partie féminine du couple impérial comme conjointement dépositaire avec son époux d’un certain nombre de prérogatives ou de caractéristiques impériales.
Assurément, il est sans précédent qu’une impératrice soit aussi régulièrement incorporée dans la liste des coempereurs, au fil des inscriptions, jusqu’à partager le mérite et l’aura des victoires militaires49.
On a vu que la monnaie de Domna est émise aux alentours de 208 (terminus a quo ; peut-être un tout petit peu après si notre monnaie marque une variation sur le type RIC 557, et non une simple variante) et qu’elle fait vraisemblablement pendant à des émissions de Septime Sévère précisément datées des années 209 à 211.
Nous ne voyons alors qu’une circonstance possible : en 208, toute la famille impériale se rend en Bretagne, où Sévère a décidé de porter la guerre, en grande partie (selon Dion Cassius50) pour former Caracalla. L’impératrice réside alors à York/Eburacum avec Géta, lequel s’occupe de l’administration civile, et il est à la tête d’une partie de la chancellerie. Elle est avec lui et probablement pas inactive ; mais, encore une fois, aucune source ne nous le dit positivement. Ils y sont encore le 4 février 211, à la mort de Septime Sévère51.
Si l’on suit l’hypothèse émise par Ph. Hill dans un article sur le monnayage de Septime Sévère52, hypothèse qu’il émet à propos de la commémoration des Jeux séculaires, mais qui ne demande manifestement qu’à être généralisée, nombre de types connaissaient une seconde série d’émissions, non pas à l’identique, mais avec des variantes et des évolutions dans le style, la légende ou l’iconographie, à un an, puis à trois ans d’intervalle. Si la monnaie n’est pas strictement contemporaine de RIC 557 (datée, on l’a vu, de 208), ce pourrait donc être une réplique émise en 209 (à un moment où Julia Domna, installée à York/Eburacum avec Geta, assure une certaine activité de chancellerie), voire – mais cela me semble nettement moins vraisemblable compte tenu du portrait de l’impératrice, peu compatible avec une datation tardive – trois ans après, en 211, c’est-à-dire juste après la mort de Septime Sévère : Julia Domna pourrait très bien s’être vue alors destinée à partager avec son fils les attributs de la souveraineté, puisque (cela, au moins, on le sait), il lui a délégué un certain nombre de tâches de gouvernement53.
Si W. Fröhner avait raison de lier ce motif à l’annone (ce dont je ne suis pas pleinement convaincu, parce que la figure du revers n’est pas coiffée du modius, mais qui reste plausible), il est fort possible que, par délégation des pouvoirs de son impérial époux, pleinement occupé par les affaires militaires, Julia Domna ait assumé publiquement la responsabilité de ce devoir primordial des empereurs et qu’elle en ait audacieusement diffusé l’image.
Ph. Hill a émis jadis l’hypothèse que, dès le tournant du IIIe siècle, le monnayage de Julia Domna avait été confié à une officine spécifique qui aurait même été placée sous son autorité à elle54. Il n’est pas question de trancher la question ici. Selon le parti qu’on voudra prendre, on mettra au crédit de l’empereur ou au compte de l’impératrice l’audace que représentait une telle expérimentation iconographique. Une audace sans lendemain, en tout état de cause. Mais ce ne serait pas une audace sans autre exemple. Au contraire, on a là encore un exemple des inventions et transgressions opérées par la dynastie des Sévères (et elle seule) dans les représentations du couple impérial. La spécificité et l’inventivité de l’iconographie de Julia Domna, assez fortes et fréquentes pour que F. Ghedini parle d’une « pulsion innovatrice [dans] la personnalité de Julia Domna55 », se révèlent, par exemple, avec l’utilisation des motifs isiaques : sur ses monnaies au revers SAECVLI FELICITAS, alors que, en général, les graveurs représentent une figure féminine (l’allégorie de Felicitas ?) debout sur une proue de navire, tenant caducée et corne d’abondance, ceux de l’impératrice représentent une Isis lactans avec derrière elle un autel et un gouvernail. Une telle figure pourrait être un mixte d’Isis et de Fortuna56 (et, pour le coup, il s’agit très vraisemblablement d’une allusion au rôle de l’Égypte dans l’annone romaine, pourvoyant l’Italie de nourriture par la voie maritime). Ce motif est spécifique à l’épouse de Septime Sévère, très différent de l’Isis figurée sur le monnayage de Claude II (RIC 217 et 219). Pour trouver une inventivité comparable autour de la figure d’Isis, il faut se référer au monnayage de Caracalla (RIC 544, daté de 215).
Si l’on résume, le revers associe Julia Domna à une action (ou une occasion) qui, ca 209, a donné à Rome un sentiment de bien-être, moins important que celui d’une sécurité complète, moins véhément que celui de la liesse ; une douce joie garante de la concorde civile (de ce qu’on appelle aujourd’hui, dans la langue de bois sociologique en usage, « le lien social ») et assurée par la bienfaisance de l’impératrice ou du couple impérial, comme il en a le devoir. Le terme d’hilaritas suggère aussi, par connotation, que les choses étaient ainsi remises en conformité, en adéquation avec l’ordre des choses et que l’impératrice, si elle a eu un rôle actif dans l’affaire, l’a fait de bonne grâce. Si l’on retient l’hypothèse jadis émise par W. Fröhner d’une allusion à l’annone, Julia s’est occupée de bonne grâce (avec ou à la place de son époux) de mettre la situation du peuple romain en adéquation avec l’ordre du monde : peuple vainqueur, il peut compter sur la nourriture de l’Empire. Il se peut, si l’on suit l’interprétation de H. Mattingly, que l’émission d’une telle monnaie s’inscrive dans le cadre du culte impérial : ce n’est ni incompatible, ni — à mon avis — établi.
Les deux enfants qui s’accrochent à sa toge signifient qu’elle est une mère pour le peuple (elle en porte officiellement le titre : mater populi) et ils n’ont rien à voir avec Caracalla et Geta.
Le foudre jovien nous assure que, en l’occurrence, c’est bien elle qui a agi (avec son époux ou par délégation de son auctoritas : il ne faut pas demander trop de précisions à un petit motif qui tient en l’occurrence sur moins de 2 cm2).
« Elle était la figure visible de l’État », écrit P. Aguado García57  : une telle monnaie pourrait avoir visé à tester une façon de le montrer. Paradoxalement, la très faible attention aux impératrices, aux femmes en général, dans la doctrine du culte impérial et des relations entre l’empereur et le divin, donnait probablement une certaine marge de manœuvre dans les représentations : comme le souligne F. Ghedini à propos de Julia Domna précisément, « l’Augusta in forma deæ participe d’une surhumanité qui est déniée aux empereurs58 ». A fortiori, elle participait d’une nature impériale qui était auparavant plus ou moins déniée aux femmes.
La CGB donne cette variante pour inédite (peut-être faudrait-il en faire un type à part entière ? RIC 557bis), elle ne donne pas l’exemplaire pour unique : il serait intéressant, à l’avenir, que d’autres exemplaires puissent être identifiés pour affermir la valeur de l’exemplaire et de mon hypothèse.
Mais la cohérence iconographique, trop nette pour qu’on puisse étayer le soupçon d’une forgerie, et les probables jumelages avec des émissions de Septime Sévère trop rares et méconnues pour avoir inspiré des faussaires rendent improbable l’hypothèse d’un faux, même ancien.

Serge Bardet,
Univ Évry
ANHIMA (UMR 8210, CNRS, EHESS, Paris 1, Paris 7), 75 002, Paris

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1 - Harold Mattingly, dans sa préface au BMC/RE, p. xciii, note sans autre justification que la légende Julia Augusta remplace « certainement » la légende Julia Domna Augusta quand Caracalla devient César, c’est-à-dire en 196. HILL (1964), p. 171, rapporte le changement à l’élimination d’Albinus en 195, « although it cannot be proved » (on ne saurait, en effet, émettre moins de réserves sans faire preuve d’imprudence).

2 - Pour plus de détails, voir SALETTI, p. 22-29 et figures XI-XII.

3 - HILL (1977), p. 8.

4 - Voir LUSNIA, p. 121 ; LEVICK, p. 66.

5 - MATTINGLY (1927), p. 3.

6 - FRŒHNER, p. 359sq et 362.

7 - GHEDINI, p. 189.

8 - HILL (1977), p. 26.

9 - ROWAN, p. 250, estime la fréquence du type hilaritas (dans toutes ses variantes) à environ 8 % des émissions au nom de Julia Domna (estimation fondée sur l’étude des trésors).

10 - Ce constat de la maladresse du graveur est cohérent avec la remarque de HILL (1979), p. 40, que les portraits de Julia Domna, à cette époque, sont le plus souvent d’une assez pauvre qualité.

11 - Ou alors exceptionnellement : PÉTRONE, Satyricon, 113.

12 - N. H. XVII.26 § 118.

13 - cf. PÉTRONE, Sat., 23, 39, 49, 52, 60, 65, 74, 85 ; VALÈRE MAXIME, II.2.9 et VI.9 ext. § 1 ; SÉNÈQUE, Ad Luc. II.18.2, XVII.101.3 et Thyeste, 899 ; MARTIAL, Ép., VI.53 ; PLINE le J., Lettres, I.15.4 et VI.16.12 ; TACITE, Ann., XI.3 ; SUÉTONE, Aug., 98.5, Calig. 18.4 et 27.6 ; MINUCIUS FELIX, Octavius, 31 ; pour les usages du même mot en grec : D.S., III.17 ; ATHÉNÉE, Deipn., V.192d et X.432f ; HÉLIODORE, Théagène & Chariclée, III.10.

14 - CICÉRON, Tusculanes, IV.16 § 36 ; APULÉE, Métamorphoses, VIII.7.7 : vultu non quidem hilaro, verum paulo sereniore ; cf. AULU-GELLE, Nuits attiques, XVIII.2,1 : Saturnalia Athenis agitabamus hilare prorsum ac modeste ; et XX.8.1 : vindemiam agitare hilare atque amœniter ; PÉTRONE, Sat. 59 ; JUVÉNAL, Satires XI.178 dans un emploi très ironique ; XIII.52.

15 - QUINTILIEN, Institution oratoire, VI.28.

16 - MACROBE, Saturnales, VII.3. Dans le même ordre d’idée, le sage reçoit l’injustice des puissants oppresseurs hilari vultu (De ira, II.33,1). Chez Apulée encore, le dérivé hilaritudo désigne le «reflet d’allégresse» qui teinte le spectacle des objets quand, seize siècles et demi avant les romantiques, le narrateur croit voir dans le paysage un reflet qui exprime et partage son état de bonheur (pecua etiam cujusque modi et totas domos et ipsum diem serena facie gaudere sentirem, XI.7.3).

17 - N. H. V.10 § 58.

18 - MINUCIUS FELIX, Octavius, 4.

19 - Cf. VALÈRE MAXIME, II.6.8 ; AULU-GELLE, Nuits attiques, XV.9.1 et 3. Le terme s’applique aussi aux Parques (JUVÉNAL, Sat., XII.65).

20 - Une variante inédite de RIC 452 vendue par CGB : https://www.cgb.fr/septime-severe-denier-ttb,brm_273972,a.html. Mais on pourrait aussi signaler RIC 383, modèle très proche frappé au même endroit dans les mêmes années.

21 - SÉNÈQUE, Ad Luc., VI.59.1 : animi hilarem affectionem.

22 - MARTIAL, Ép., XII.6.3 à propos de Nerva.

23 - PÉTRONE, Sat., 109.

24 - PLINE le J., Panégyrique, 4 et 48.

25 - PÉTRONE, ibid., 102 ; SÉNÈQUE, Ad Luc. VI.54.2.

26 - SÉNÈQUE, De tranquillitate, 7. Il semble bien, à lire SUÉTONE, Claude, 21.9, que Claude ait sciemment, volontairement provoqué l’hilaritas du public : il faisait son métier d’empereur dans un régime éminemment populiste. Les emplois de ce terme, chez Suétone, sont fréquemment associés à des conduites trompeuses ou calculées.

27 - Consolation à Polybe, 5.4.

28 - Epist., X.1.2.

29 - BMC/RE, p. xliii. Il émet ainsi, p. cxxxv, l’hypothèse que la palme longue abaissée qui caractérise d’ordinaire le type pourrait servir à balayer un chemin processionnel.

30 - Pontiques, II.1.9.

31 - BMC/RE, op. cit., p. cxiii et cxxxiii ; mais surtout « Hilaritas », Op. cit.

32 - Voir aussi MACROBE, Saturnales, I.21 § 10.

33 - Hilares cærimonias, XI.6.4 ; cf. plus généralement ibidem, II.31.2 et JUVÉNAL, Sat., XV.41, ou VALÈRE MAXIME, II.1.8 ; en grec : D. S., IV.83. La connotation du désordre peut être induite de ce que, en contexte érotique, le terme désigne le « joyeux désordre de la chevelure » (crinibus dissolutis ad hilarem lasciviam ; cf. VII.11.3) qui fait monter le désir. Pour un emploi moins précis, cf. Métamorphoses, II.17.1.

34 - SÉNÈQUE, Apoc., 12 ; il est vrai qu’il s’agit là d’un ouvrage burlesque, d’une charge posthume contre Claude.

35 - LUCIEN, Dea Syr., 1.Ibid. § 6, 14 et 33, à comparer avec OVIDE, Métamorphoses, V, 331 et Fastes, II, 459-474.

36 - Ibid. § 6, 14 et 33, à comparer avec OVIDE, Métamorphoses, V, 331 et Fastes, II, 459-474.

37 - Récemment, ROWAN, op. cit. y a vu la figure, en perspective hiérarchique, des simples mortels représentant le peuple romain aux pieds de la déité Hilaritas. En tout état de cause, le motif des deux petits personnages existe déjà sur des monnaies du temps d’Hadrien (RIC 970 et 974) : il n’y a donc aucune raison que, sans aucune adjonction de motif complémentaire, reconnaissable et spécifique, il désigne particulièrement et brusquement les deux héritiers de Septime Sévère.

38 - Pour Caracalla : HÉRODIEN III.10.1 (très allusif) et H. A., Sévère, 16.8 (explicite). Pour Géta : H. A., Sévère, 14.8. Peu importe l’exactitude anecdotique de l’Histoire auguste : le fait est que, à la date de 208, ils sont des adultes.

39 - Voir MATTINGLY (1927), p.8. L’assimilation des deux petits personnages aux deux enfants impériaux est tout aussi improbable, s’agissant des trois dernières années, alors que Caracalla, coempereur, est associé par son père au commandement militaire en Bretagne insulaire.

40 - Par exemple dans un rare monnayage de Milet à la fin du règne d’Alexandre le Grand (voir PRICE, p. 275, no 2084 et THOMPSON, I, Miletus 19c), dans un rarissime monnayage en or d’Arados au nom de Philippe III (MÜLLER, 577) ou dans un monnayage peut-être légèrement antérieur de Locres Épizéphyrienne (MONTENEGRO, 3444).

41 - Par exemple, un rare monnayage d’Élis aux alentours de 404 (NICOLET, 2135). Puis on trouve un monnayage de Mytilène sous les premiers Attalides (PLANT, 2367).

42 - Sur un rare monnayage de Séleucie du Tigre au nom de Séleucos Ier (HOUGHTON & LORBER, 130). Quelques années plus tard, le même type se trouve sur un tout aussi rare monnayage syracusain de 279-276, au moment où Pyrrhos d’Épire contrôle la cité (MONTENEGRO, 5247-5252) ; puis à Amphipolis, sous le règne d’Antigone Gonatas (KRAAY, 3258-3262). Ménandre Ier de Bactriane a, au milieu du IIe siècle, beaucoup utilisé ce motif iconographique pour son monnayage.

43 - Dans le monnayage de la gens Fabia (CRAWFORD, I, 265/1, 371/1). La couronne d’épis qui entoure les deux motifs superposés paraît évoquer l’annone : le premier type, daté de 127, est émis en pleine crise gracquienne ; le second au moment de la seconde prise de pouvoir par Sylla.

44 - Sous Domitien : RIC 101, 109, 139, 154, 168, 188, 191-192, 521, 580, 669, 687, 721, 726, 741, 789 (autant de deniers), 238 (Dupondius) et 169 (as) ; plus un denier hors RIC (COHEN, 66).

45 - RIC 266 (denier frappé à Rome pour célébrer une remise d’impôt octroyée à Carthage en 204) ; type frappé également pour le jeune Caracalla (RIC 130).

46 - Un rare monnayage de Ptolémaïs de Phénicie au nom de Cléopâtre Théa et de son fils Antiochos VIII, où le foudre accompagne la coiffe d’Isis, ce qui tend à signifier la prééminence de la mère (reine séleucide, mais fille du Lagide Ptolémée VI) sur le fils (HOUGHTON & LORBER, 2274/3).

47 - Rarissime denier émis en 112 pour la mort et la consecratio de Marciane, sœur de Trajan (RIC 745).

48 - Voir par exemple AGUADO GARCÍA, p. 46-47.

49 - De simples exemples parmi d’autres : CIL VII 226, en Bretagne (Coccium) entre 208 et 211 ; CCID 616 en Tripolitaine (Thunadassa) ; HAJJAR, 1977, n° 3 et 58 (Héliopolis)… Partout le même formulaire pro salute et victoria imperatorum. Assurément, les divers éditeurs font des prodiges pour tordre la traduction et expliquer que la victoire est celle des seuls empereurs, que Julia Domna n’est complément que de salute, qu’elle « accompagnait » les vainqueurs. La vérité, c’est que rien dans le texte ne permet ces contorsions : Julia Domna est au génitif, exactement au même titre que les empereurs masculins, sans aucun élément syntaxiquement ou sémantiquement distinctif. Elle a part au prestige de la victoire, c’est sa victoire autant que celle des autres. Une inscription dédicatoire n’a pas pour fonction de dire qui assurait le commandement effectif : elle dit qui est légitime à en tirer gloire.

50 - DION CASSIUS, Histoire romaine, LXXVI.11.

51 - Il faut comparer HÉRODIEN, III.14 § 48 et 15 § 51 pour comprendre que la mère et le fils cadet y sont ensemble. Elle est également mentionnée par Dion Cassius, LXXVI.16 pour une anecdote qui correspond probablement aux premiers temps du règne de Caracalla.

52 - HILL (1964), p. 174-180.

53 - DION CASSIUS, Histoire romaine, LXXVI.16.5, à propos d’un rôle diplomatique (mais pas forcément plus qu’entre « premières dames », puisque l’anecdote l’oppose à l’épouse d’un roi local) ; LXXVII (LXXVIII).18.2, à propos de la responsabilité des bureaux ab epistulis et des affaires courantes.

54 - HILL (1964.), p. 171. ROWAN, p. 246, conforte l’hypothèse d’une officine spécifique, mais ne se prononce pas sur l’identité de la personne qui exerçait l’autorité sur les programmes iconographiques qui en émanaient.

55 - GHEDINI, p. 192 ; Pace LEVICK, p. 66 : Julia est juste « le glaçage sur le gâteau impérial » [sic] « un gracieux complément qui aide à créer la tonalité du règne, d’où HILARITAS et FORTVNA FELIX », simples allégories de cette atmosphère. Atmosphère, atmosphère ? Malgré la thèse constante de B. Levick, on peine à croire que Julia Domna n’ait pas eu d’autre rôle et n’ait pas construit avec constance le détournement et la modification du personnage traditionnel de l’impératrice.

56 - ROWAN, p. 252.

57 - AGUADO GARCÍA, p. 28.

58 - GHEDINI, p. 117

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