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UNE EXCEPTIONNELLE MONNAIE À RETROUVER : LE FLORIN D’OR À LA VIERGE DE VERDUN | 15/08/2021 Informations UNE EXCEPTIONNELLE MONNAIE À RETROUVER : Les Tarifs Verdussen de 1627 et 1633 sont des recueils officiels publiés par le roi d’Espagne Philippe IV à l’usage des changeurs en activité dans les Pays-Bas espagnols au XVIIe siècle. Ils font état respectivement p.109 (1627) et p.100 (1633) de l’existence d’un « florin d’or de Verdun » au motif de la Vierge Marie tenant dans ses bras l’enfant Jésus ; cette monnaie est anonyme et sans millésime. À ce jour, ce florin verdunois, dont apparemment Mory d’Elvange1 ne connaissait pas l’existence, n’a pas encore été retrouvé. Toutefois, sa présence dans les deux Tarifs Verdussen ci-dessus apporte la preuve formelle qu’il a bien été frappé et qu’il a réellement circulé : le dessin figurant dans ces Tarifs en fait foi. On devrait donc le retrouver un jour ou l’autre, comme on a retrouvé le florin d’or du prince-évêque de Verdun, Charles de Lorraine-Chaligny, frappé aux millésimes 1612 et 1613 (Verdussen 1627 p.103 et Verdussen 1633 p.95). Ce florin à la Vierge était resté ignoré de Dom Calmet lorsqu’il rédigea sa Dissertation sur les monnoies (1740). Cette absence ne doit pas surprendre : Dom Calmet n’a pas consulté les Tarifs Verdussen, ce qui est dommage car ces deux ouvrages incontournables, antérieurs d’un siècle à son étude et contemporains de la monnaie en cause, sont une « mine » de renseignements. En revanche, les deux remarquables auteurs du XIXe siècle qui ont étudié le monnayage épiscopal verdunnois, le polytechnicien académicien et officier général Pierre-Charles Robert en 1885 et l’archiviste archéologue verdunois Félix Liénard en 1889, ont publié ce florin à la Vierge en faisant référence au « tarif imprimé par Jérôme Verdussen », sans précision de date (Robert pp.79-80 n°180) ; Liénard reprend à son compte les informations publiées par Robert. Pour le classement, Robert hésite entre le prince-évêque Erric de Lorraine-Vaudémont (1593-1610) et son successeur Charles de Lorraine-Chaligny (1611-1622), son neveu ; finalement, il tranche en faveur de l’évêque Charles. Félix Liénard (p.164 n°387) s’aligne sur le choix de Robert. Les deux savants décrivent correctement la pièce, Robert commençant par le côté de l’écusson lorrain entouré de la légende « monnaie nouvelle de Verdun » et terminant par le côté de la Vierge ; Liénard fait l’inverse. Les deux auteurs présentent le dessin en commençant par le côté de la Vierge, comme sur les Tarifs Verdussen ; toutefois, leurs dessins, tant de l’un que de l’autre, ne sont que des médiocres copies des dessins des Tarifs Verdussen. En 2002, Dominique Flon publie également ce florin à la Vierge (tome II, p.799, n°6) dans la disposition adoptée par Liénard, c’est-à-dire d’abord côté Vierge puis côté écusson. D. Flon précise que la pièce n’a pas été retrouvée et que P. C. Robert reproduit la gravure du Tarif Verdussen de 1633. Le dessin qu’il publie est médiocre, comme les deux précédents. Reprenons donc la description de ce florin verdunois à la Vierge en utilisant les dessins des Tarifs Verdussen, bien meilleurs que ceux de ces trois auteurs. Nous décrivons toutefois l’avers à l’écusson avant le revers à la Vierge. L’usage en effet veut que figure à l’avers de la monnaie le nom de l’autorité émettrice, en l’occurrence VERDUN, sans précision particulière, avec seulement l’inscription MONETA NOVA VIRDUNENSIS signifiant MONNAIE NOUVELLE DE VERDUN. Toutefois, cette légende entoure un écusson aux armes des princes de Lorraine-Chaligny, analogue à celui qui figure sur les monnaies de l’évêque Charles de Lorraine-Chaligny. On peut donc penser que cet écusson est une forme de signature de l’autorité émettrice qui ne peut être qu’un des deux évêques de cette famille : Charles (1611-1622) ou son frère cadet François (1622-1661). Le motif à la Vierge est donc placé au revers de la pièce.
Av. : MONETA. NOVA. VIRDVNENSIS entre deux grènetis (Monnaie nouvelle de Verdun) Ecu aux armes pleines de Lorraine (9 quartiers) brisées d’un lambel à trois pendants (branche cadette de Lorraine-Chaligny) et timbré d’une couronne ducale. Rv. : SANCTA. MARIA. ORA. PRO. NOBIS entre deux grènetis (Sainte Marie priez pour nous). La Vierge Marie couronnée et nimbée, vue à mi-corps ; elle est posée sur un croissant2. Elle porte l’enfant Jésus sur le bras gauche et tient un sceptre de la main droite. Bien que cette monnaie soit apparemment anonyme, le mot VERDUN associé aux armes de la famille de Lorraine-Chaligny désigne comme émetteur de cette monnaie l’un des deux évêques de cette famille comme indiqué plus haut, soit Charles soit François de Lorraine-Chaligny. En ce qui concerne l’évêque Charles, il avait coutume de battre toutes ses monnaies à son nom et en sa double qualité de prince du Saint-Empire Romain Germanique et de Comte de Verdun ; en outre, son écusson est souvent accompagné de la crosse et de la mitre épiscopale. Ce fait et l’existence de la mention « monnaie nouvelle de Verdun » m’incitent à penser que l’émetteur de cette monnaie a plutôt été l’évêque François que l’évêque Charles. Le motif de la Vierge n’avait jamais figuré sur les espèces récentes de Verdun, frappées depuis 1593. Il avait toutefois inspiré dans le passé certaines monnaies médiévales. La Vierge Marie était en effet la protectrice de Verdun et un culte spécial lui était voué. Sa représentation, accompagnée de l’enfant Jésus et de la légende forte « Sainte Marie priez pour nous » laisse supposer que Verdun vit alors des heures graves justifiant l’émission de cette monnaie symbolique. Nous sommes donc en présence d’une monnaie à thème et de circonstance, émise à un moment historique difficile rencontré par la ville et l’évêché de Verdun. Cette monnaie n’a pu être frappée que dans l’atelier de l’évêché de Verdun, situé à Mangiennes, prévôté existante au nord-est de Verdun. On peut penser que si elle avait été frappée par l’évêque Charles de Lorraine-Chaligny, elle aurait été signée de son nom comme toutes ses autres monnaies. En revanche, on comprend que l’évêque François, s’il est l’auteur de cette monnaie comme je le pense, ne l’ait pas signée pour les raisons qui suivent et se soit contenté de faire inscrire « monnaie nouvelle de Verdun » accompagnée néanmoins de ses armoiries en guise de signature. En 1622, le prince-évêque Charles de Lorraine-Chaligny avait résigné son évêché de Verdun au profit de son frère cadet François. Le territoire de son évêché venait d’être ravagé et pillé par les bandes armées du comte de Mansfeld sans que la France fasse alors jouer sa protection militaire assurée depuis 1552. Cette épreuve survenait quelques mois après que ce prélat ait échoué dans sa démarche auprès de Louis XIII (janvier 1621) afin de faire reconnaître par le roi de France ses droits régaliens de prince-évêque, comte de Verdun : droits de rendre la justice, de battre monnaie, etc3. Le pape et Louis XIII étant d’accord, son frère François lui avait alors succédé, le troisième frère Henri, marquis de Mouy, étant alors le premier prince du sang de Lorraine4. On ne connaît pas de monnaies au nom de l’évêque François bien que Dom Calmet affirme, dans sa Dissertation précitée, que ce prélat a battu monnaie comme évêque de Verdun. Peut-être a-t-il continué la fabrication des gros d’argent créés par son frère en 1619, cette espèce n’ayant été décriée à Nancy qu’en janvier 1623. Peut-être a-t-il fait frapper d’autres monnaies d’argent qui seront retrouvées un jour. Pour ma part, je pense sérieusement qu’il a fait frapper ce florin d’or à la Vierge à un moment où il éprouva de graves difficultés avec la France. L’évêque François de Lorraine-Chaligny avait succédé à son frère Charles en 1622. En 1624, la mort du duc de Lorraine Henri entraîna des conflits et des perturbations dans l’espace lorrain. Son neveu Charles IV lui avait succédé mais en étant obligé de régner conjointement avec sa fille Nicole qu’il avait dû épouser. Dès 1625, Charles IV réussit à évincer Nicole, bien que protégée par la France, et la dégradation progressive des relations franco-lorraines conduira à l’invasion de la Lorraine ducale par la France en 1633. L’évêque François, dans cette période troublée, soutient activement son cousin Charles IV et s’engagera même militairement à ses côtés. Avec la France, l’évêque de Verdun entre en conflit dès 1624 lorsque Louis XIII et Richelieu, après le passage de Mansfeld et la mort du duc Henri, décident de renforcer le rôle stratégique de Verdun en y construisant une citadelle. L’évêque François s’oppose à cette construction, proche de sa cathédrale. Le conflit s’envenime jusqu’à ce qu’il excommunie les bâtisseurs de la citadelle au début de 1627. Devant la réaction de la France, François est obligé de s’enfuir et de se réfugier à Cologne jusqu’en 1629. Comme il combattra plus tard, à partir de 1633, aux côtés de Charles IV, son évêché de Verdun lui sera confisqué par la France et rendu seulement en 1648 par les traités de Westphalie pour le seul spirituel de l’évêché, le temporel n’existant plus du fait du rattachement définitif de l’évêché de France. Dans ce contexte, la frappe du florin à la Vierge, en 1624 ou 16255 et en tout état de cause avant 1627 puisque cette monnaie figure dans le premier Tarif Verdussen, prend toute sa signification. Elle est une marque d’opposition à la France au moment où celle-ci, par la construction de la citadelle de Verdun, réduit l’autonomie et les libertés de l’évêché de Verdun qui reste une terre d’Empire jusqu’en 1648. Elle rejoint la frappe du jeton des trois frères (cf. B.N. n°208) dont l’inspiration est la même, le jeton étant peut-être un peu plus tardif, vers 1627-1629. Mon hypothèse d’attribuer ce florin d’or non millésimé et en partie anonyme de Verdun à l’évêque François de Lorraine-Chaligny (1622-1661) est cohérente avec l’histoire de l’évêché de Verdun et son évolution au XVIIe siècle, ainsi qu’avec la composition de la monnaie et les motifs et légendes qui la composent. Je propose donc de la classer désormais, comme le jeton des trois frères de Lorraine-Chaligny, à l’épiscopat de l’évêque François (1622-1661), en espérant qu’on la retrouvera un jour ainsi que d’autres monnaies de ce dernier prélat autonome de Verdun avant le rattachement de cet évêché d’Empire à la France en 1648. PS. Dans le n°208 du Bulletin Numismatique j’ai indiqué par erreur Henri de Lorraine-Chaligny, marquis de Mouy, comme plus jeune que François, le second évêque. En fait, il était un peu plus âgé selon d’autres sources historiques, les auteurs anciens n’étant pas toujours d’accord entre eux. Selon le grand Dictionnaire historique de Moreri (édition 1732), Charles serait né en 1592, Henri marquis de Mouy en 1596 et François, le second évêque de Verdun, en 1599 ; j’adhère à cette information. Christian CHARLET BIBLIOGRAPHIE • CALMET 1740 : Dom Augustin CALMET, Dissertation sur les monnoyes, Nancy, 1740
1- Auteur d’un célèbre manuscrit du XVIIIe siècle décrivant les monnaies lorraines ; tous les auteurs ultérieurs s’en sont servis (Dom Calmet, de Saulcy, F. Clouet, P. C. Robert, F. Liénard, etc.)
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