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TRAJAN DÈCE DOUBLE SESTERCE OU MÉDAILLON
ET POURQUOI PAS LES DEUX !

Depuis la Renaissance, le sesterce (sestertius) fut très certainement la dénomination monétaire romaine la plus collectionnée et recherchée de par son aspect, son diamètre, son iconographie entre Auguste et Gallien bien que les « Antiquaires » ou collectionneurs s’intéressent plutôt au monnaies du Haut-Empire pendant les trois premiers siècles entre les Julio-Claudiens et les Sévères. Le sesterce, en orichalque (brillant comme l’or quand il n’est pas patiné) était le plus souvent frappé sur un flan dépassant les 30 millimètres avec une masse de 27,06 g (1/12 L. romaine de 324,72 g ou 24 scrupules ou bien encore 144 siliques poids). Sa valeur, relativement faible, deux dupondii, 4 asses, ne représentait que la vingt-cinquième partie du denarius argenteus (denier) ou le centième du denarius aureus (aureus). Le sesterce (HS) était aussi une unité de compte. Dès le règne de Commode, la masse du sesterce eut tendance à baisser, même si son poids théorique restait intangible. Le phénomène s’accéléra après Alexandre Sévère (222-235). Le sesterce se retrouva taillé au 1/14 L. (23,19 g) jusqu’au 1/18 L. (18,04 g) sous le règne de Trajan Dèce (249-251) qui nous intéresse ici. Pendant ce très court laps de temps entre septembre 249 et juin 251, l’empereur entreprit de grandes réformes afin de restaurer les finances, la cohésion sociale et la confiance. C’est lui qui instaura la première grande persécution contre les Chrétiens qui ne voulaient pas sacrifier au salut de l’Empire et de l’empereur. D’un point de vue monétaire, il restitua la mémoire des empereurs entre Auguste et Alexandre Sévère par une série d’antoniniens (Divo/Consecratio). Surtout, il créa une nouvelle dénomination monétaire, le double sesterce, pièce lourde qui comme l’antoninien et le dupondius avait la particularité de présenter une couronne radiée, signe du doublement de la valeur par rapport à la pièce de base, le sesterce, en l’occurrence. Il fit aussi frapper de rares semis ou demi-as qui n’étaient plus fabriqué depuis plus d’un siècle.

brm_568719 (36,34 g, 2500€)
Nous connaissons pour Trajan Dèce deux types de revers avec Felicitas et Victoria pour cette nouvelle dénomination qui semble avoir été frappée en assez grande quantité, au regard des exemplaires encore recensés aujourd’hui. Pour le droit, nous avons deux types de bustes, bien entendu radiés, le plus courant avec un buste cuirassé à droite, vu de trois quarts en avant et le second avec un buste drapé et cuirassé à droite, vu de trois quarts en arrière. Associés à l’Auguste, nous avons aussi des doubles sesterces pour son épouse, Herennia Etruscilla, beaucoup plus rares. En revanche, nous ne trouvons ni Herennius Etruscus, ni Hostilien associés à cette dénomination monétaire. Ce dernier élément semblerait placer la fabrication de cette dénomination au début du règne, entre la fin de l’année 249 et le début de l’année 250, sa fabrication s’interrompant avant la nomination d’Herennius Etruscus comme César en mai-juin 250.
Ces doubles sesterces s’intègrent dans un système monétaire comme la plus haute dénomination pour le monnayage de bronze. Cependant, dans de nombreux ouvrages, depuis la Renaissance, ils sont considérés comme des « médaillons », ces grands bronzes, souvent très lourds, moyens de propagande, réservés à un cercle restreint de récipiendaires, limités peut-être, à l’entourage impérial, offerts pour des donativa (distribution, ici restreinte) ou des cadeaux à l’occasion de l’année nouvelle ou bien encore des cadeaux diplomatiques.
Nous les rencontrons dans l’ouvrage de W. Frœhner, Les médaillons de l’Empire romain depuis le règne d’Auguste jusqu’à Priscus Attalus, Paris, 1878, p. 202-203, mais ils sont absents de l’ouvrage consacré au même sujet sous la plume de F. Gnecchi, I Medaglioni Romani, Milan, 1912. Dans l’ouvrage H. Cohen, encore utilisé, dans le volume V, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire romain communément appelées médailles impériales, Paris, 1885, p. 189, n° 39-41 pour le revers Felicitas (estimé 30 francs or) et p. 197, n° 113-114 pour le revers Victoria (estimé 30 et 50 francs or). Depuis, les ouvrages consacrés aux médaillons intègrent ou pas les doubles sesterces de Trajan Dèce et de son épouse Etruscille dans leurs colonnes.
Abordons maintenant notre exemplaire, en particulier, qui présente un poids exceptionnellement élevé. Pour la vingtaine d’exemplaires que nous avons pu proposer pour Trajan Dèce (20 ex.) ou Étruscille (1 ex.), leur masse pondérale fluctuait entre 27,70 g pour le plus léger jusqu’à 54,63 g pour notre exemplaire le plus lourd, soit le double exactement. Le poids théorique de ce type est de 36,08 g et les poids les plus souvent rencontrés oscillent entre 35 et 45 grammes. Avec notre exemplaire, nous sommes en face d’un véritable « mastodonte » (54,63 g) sur un flan large (39,50 mm) et épais, parfaitement centré des deux côtés avec les grènetis complets et visibles, un prototype, un « abschlag » comme aiment à les nommer les germanistes. Dans tous les cas, nous sommes en présence d’un hapax, exemplaire tout à fait exceptionnel, sortant de l’ordinaire des normes réglementaires, d’où le titre de notre article. Nous vous laissons libres de choisir l’appellation entre double sesterce ou médaillon et pourquoi pas les deux !
TRAJAN DÈCE (septembre 249 – juin 251)
Caius Messius Quintus Traianus Decius
Dèce naît en 201 en Pannonie inférieure. Après une brillante carrière qui lui ouvre les portes du Sénat, il est gouverneur de Mésie inférieure sous le règne d’Alexandre Sévère. À la fin du règne de Philippe, vainqueur sur le Danube de hordes barbares, il est proclamé auguste malgré son refus. Il l’écrit à Philippe qui ne le croit pas et marche contre lui. Philippe et son fils trouvent la mort dans la bataille livrée près de Vérone. Dèce joint à son nom celui, prestigieux, de Trajan. Après un passage à Rome, Dèce se rend sur le limes danubien. Déserté, le limes a laissé filtrer des Goths qui ravagent les provinces danubiennes, dont l’Empereur est originaire. Il ne parvient pas à endiguer l’invasion. À partir de 250, un nouveau fléau ravage l’Empire. La peste décime population et troupeaux et affaiblit encore le limes. Il entame une persécution contre les chrétiens en 250 (Polyeucte, Corneille). L’année suivante, il se porte sur le limes, bat les Goths, mais son fils est tué. Il trouve lui-même la mort en voulant le venger. Il est le premier empereur à tomber au combat contre les Barbares.
Double sesterce sur flan de médaillon, Rome, 250
(Æ 54,63 g, 39,50 mm, 12 h) taille 1/9 L., poids théorique : 36,08 g, 2 sesterces

A/ IMP C M Q TRAIANVS DECIVS AVG
« Imperator Caius Marcus Quintus Traianus Decius Augustus », (L'empereur Caius Marc Quintus Trajan Dèce auguste).
Buste radié et cuirassé de Trajan Dèce à droite avec pan de paludamentum, vu de trois quarts en avant (B01).
R/ FELICITAS SAECVLI/ S|C
« Felicitas Sæculi », (La Félicité du Siècle).
Felicitas (La Félicité) debout à gauche, tenant un caducée long de la main droite et une corne d’abondance de la gauche.
C 39 (30f. or) – RIC 115a – RCV 9385 (4000$)
Monnaie sur un flan très large, idéalement centré. Poids exceptionnel ! Joli buste de l’empereur. Revers agréable. Patine vert foncé.
Très Rare. TTB+/ TTB 6 000€
L’un des exemplaires les plus lourds connus au monde ! Rubans de type 3. Pour le double sesterce, nous avons deux types de bustes (A2) ou (B01). Ce type fut éphémère.
Trajan Dèce créa une nouvelle dénomination de bronze, le double sesterce, éphémère et qui ne lui survécut pas. Au XIXe siècle ces grands bronzes étaient considérés comme des médaillons.
Exemplaire provenant de la collection Michael Weber et de la vente CNG, Triton VIII, lot n° 1065
Avec son certificat d’exportation n°249027 délivré par le ministère français de la Culture.
Celui qui fera l’acquisition de cette pièce aura un objet de poids et pas uniquement au niveau de sa masse pondérale, un témoignage historique d’une réforme monétaire éphémère qui sera reprise dix ans plus tard par Postume et l’Empire gaulois, mais avec un succès limité dans le temps et avec des masses beaucoup plus légères, en pratiquant la surfrappe de sesterces afin d’en augmenter la valeur fiduciaire. Ce sesterce de Trajan Dèce reste un « poids lourd » de la numismatique romaine.

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Marie BRILLANT et Laurent SCHMITT

Lr 47 : 69€