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TRACE NUMISMATIQUE DE LA MORT D’HÉLÈNE (330 AP. J.-CH.) | 02/10/2023 Informations La date du décès d’Hélène fait débat : certains parlent de 328, le RIC retient 329, et d’autres tiennent pour le 18 août 330. Le lieu est aussi discuté : à Rome (sa résidence habituelle) ou à Nicomédie (entourée des siens). Son fils inaugura Constantinople le 11 mai 330 : nous pensons qu’il l’aura fait en compagnie de sa mère, et que celle-ci ne sera pas retournée à Rome avant sa mort. En effet, une rarissime folle - dont on ne connaît que deux exemplaires - fut émise pour elle à Constantinople, au droit anépigraphe et dont le revers présente Tyché assise sur un trône, tenant une corne d’abondance et un rameau, une proue de navire à ses pieds : cette représentation particulière de Tyché se voit aussi sur un médaillon constantinien d’inauguration de la ville, au droit anépigraphe également, réalisé dans le pur style des tétradrachmes du second siècle avant notre ère.
Le choix de Tyché pour cette dédicace rituelle de la ville tombait sous le sens dans ce monde oriental romain. Dans le mythe de la fondation de Byzance, Byzas aurait consacré Rhéa comme Tyché de la ville, les combinant toutes deux en une seule déesse dénommée Tyché Poliade. De façon plus générale, elle était la divinité de la Fortune, de la Prospérité et de la Destinée d’une cité. Il est intéressant de noter que la Tyché représentée sur ces deux témoignages numismatiques constantiniens est une synthèse de la Tyché Poliade (corne d’abondance) et de la Tyché d’Alexandrie (épi de maïs dans une main et proue de navire au pied) : peut-être Constantin aura-t-il ainsi voulu signifier que Constantinople devenait la capitale de l’Empire d’Orient, dépassant son statut antérieur de métropole provinciale. Nous apprenons par le Chronicon Paschale, dont l’auteur du VIIe siècle puisa ses informations dans des sources antérieures (dont Eusèbe de Césarée), que Constantin aurait consacré la ville à Tyché au cours d’un sacrifice non sanglant et qu’il émit un décret stipulant que lors des célébrations marquant l’anniversaire des premiers jeux dans le nouvel hippodrome, une statue de bois qui le représentait tenant une statue de Tyché dans la main droite devrait y être amenée en grande pompe dans un chariot qui ferait un tour de piste et s’arrêterait devant la loge impériale, où l’empereur du moment devait se lever et lui rendre hommage. Cette rarissime folle pour Hélène fut certainement émise au même moment que les émissions exceptionnelles d’inauguration de la ville. Nous retenons donc l’hypothèse de la présence d’Hélène à Constantinople en mai 330 et de son décès trois mois après au palais impérial de Nicomédie, mais toute autre date ou lieu ne modifierait en rien le raisonnement qui suit. Constantin n’élèvera pas sa mère au rang de diva, en dépit des liens qui semblent l’avoir lié à elle. A-t-elle voulu s’inscrire en rupture avec cette tradition païenne romaine, considérant qu’une chrétienne ne peut prétendre à la déification ? La conséquence en est qu’aucune monnaie de consécration à son effigie ne semble avoir été émise. Il faudra attendre 337 pour qu’une monnaie de restitution PAX PVBLICA soit émise par ses petits-fils. SÉRIES « PORTE DE CAMP » PROVIDENTIAE ET VIRTVS AVGG : En septembre 324, à la suite de sa défaite militaire contre Constantin, Licinius doit abandonner le pouvoir. Il perd son statut d’Auguste, son fils Licinius II perd son titre de césar, et tous deux sont envoyés comme simples particuliers à Thessalonique, où ils seront assassinés peu après. Demeurant seul Auguste pour la première fois depuis la tétrarchie, Constantin fait alors émettre de 324 à 330 dans tout l’empire le fameux type « porte de camp », que Licinius avait fait frapper dans le seul atelier d’Héraclée de 316 à 320, avec deux légendes : PROVIDENTIAE AVGG et VIRTVS AVGG. Pourquoi Constantin fait-il inscrire sur ces revers « AVGG » alors qu’il est l’unique Auguste de l’empire ? La seule explication plausible nous semble être qu’il y associe l’Augusta senior Hélène, dans la même période où il honore les deux Augusta par des émissions qui leur sont consacrées. On notera d’ailleurs un indice numismatique de la préséance d’Hélène sur Fausta par l’absence de bustes diadémés pour cette dernière (hormis quelques exemplaires à Thessalonique où le buste d’Hélène est associé à la titulature de Fausta). Les deux G demeurent présents au revers de 326 à 330, bien après le décès de Fausta. Il se peut toutefois qu’il ait associé les deux princesses sous un seul et même G qui aurait symbolisé un pluriel sans précision de nombre, de même que CAESS concernait ses trois fils. L’association Auguste / Augusta par « AVGG » dans une légende (en l’absence d’un second auguste) a des précédents sur des monnaies émises alors qu’un seul auguste « mâle » régnait : on la trouve sans surprise sur les CONCORDIA AVGG pour Julia Paula (RIC 216), Julia Mamaea (RIC 330), Orbiana (RIC 319 et 320), Tranquillina (RIC 249, 250, 252, 340a et b) et Severina (RIC 3, 16 et 17). De même pour les types CONCORDIA AVGG (RIC 119, 125) et PIETAS AVGG (RIC 120 à 122) d’Otacilia Severa émis de 244 à 246, avant l’élévation de son fils Philippe II au rang de second auguste en 248 (lors des jeux séculaires). De façon plus spectaculaire, l’usurpateur Regalianus éleva son épouse Dryantilla au rang d’Augusta pour asseoir sa légitimité pendant son très éphémère règne, émettant des monnaies aux revers CONCORDIA AVGG, LIBERALITAS AVGG, LIBERTAS AVGG, ORIENS AVGG et PROVIDENTIA AVGG pour lui, AEQUITAS AVGG, PROVIDENTIA AVGG et III COS PENTIA AVGG pour elle ! Cette émission porte de camp connaît sept phases à Arles. L’avant-dernière introduit de façon abrégée en exergue la nouvelle appellation d’Arles, CONSTANTIA (RIC 318). La dernière, frappée en 329 (selon le RIC), comporte les lettres T-F dans le champ (RIC 325 et 336). Hormis ces lettres de champ, elle diffère également des précédentes par le fait qu’elle ne mobilise que deux officines pour le prince, Hélène et les césars, contre quatre auparavant. Elle débute avec le buste diadémé (perles) lancé en 327 dans l’antépénultième phase (RIC 310), en rupture avec le traditionnel buste lauré :
Puis un tout nouveau buste est très vite introduit dans une seconde sous-phase, qui sera repris dans la série ultérieure GLORIA EXERCITVS : le buste est cuirassé et drapé, le diadème perles est remplacé par un diadème lauriers/rosettes. Ce buste très élégant, plus doux et probablement assez éloigné de la physionomie réelle du prince, avait été créé l’année précédente à Constantinople pour la superbe série CONSTANTINIANA DAFNE :
Dans cette dernière phase T-F, la production de l’officine S est nettement inférieure à celle de la 1re officine. Le recensement de Ferrando pour l’ensemble des 4 personnages donne 132 exemplaires pour la 1re officine (14 références) contre 38 pour la 2nde (6 références). Pour le seul Constantin I, on a 66 ex. de l’officine P (7 références) pour seulement 6 exemplaires de l’officine S (une seule référence). La seconde officine n’a pas émis le type T-F VIRTVS AVGG : elle aura donc été mise en sommeil au cours de la dernière émission « porte de camp ». AVGG PERD UN G EN FIN D’ÉMISSION ARLÉSIENNE ! Dans la dernière sous-phase, une singulière variante apparaît dans la seule officine P, où la légende « perd » un G :
Cette variante AVG apparaît cinq fois plus rare que la variante AVGG d’après les 101 exemplaires PROVIDENTIAE ou VIRTVS off. P examinés par Ph. Ferrando ou enregistrés dans la base nummus-bible II (constituée postérieurement à l’édition de l’A.M.A. de Ferrando) : Ce tableau peut comporter quelques doublons entre les recensements de Ferrando et de la base nummus-bible II, mais ceci n’affecte probablement pas le rapport de rareté relative des deux variantes. En revanche, le rapport des productions est en réalité probablement plus en faveur de la variante AVGG, dans la mesure où les collections tendent à sur-représenter les variantes rares. Les exemplaires AVG présentent une variété de coins de revers qui exclut l’hypothèse d’une double erreur de graveur (sur chacun des types PROVIDENTIAE et VIRTVS). Il convient donc d’en déduire que la disparition de ce 2nd G correspond à une décision officielle, excluant toute initiative de graveur. On observe par ailleurs – d’après les 13 exemplaires photographiés dans la base nummus-bible II – que ces monnaies AVG ont guère circulé et que leurs coins étaient souvent frais. Ceci nous conduit à conclure : - qu’elles ont été produites en toute fin d’émission. Les séries « porte de camp » furent remplacées par des séries de célébration (VRBS ROMA et CONSTANTINOPOLIS) et GLORIA EXERCITVS d’un poids réduit de 20% : ceci aura provoqué un retrait officiel massif et une rapide thésaurisation des « porte de camp » avant qu’elles n’aient beaucoup circulé, ce qui est particulièrement visible sur les AVG ; - qu’une proportion significative des coins de l’émission AVG n’ont pas été utilisés jusqu’à usure, ce qui atteste d’une courte série. SERAIT-CE LA SEULE TRACE NUMISMATIQUE DU DÉCÈS D’HÉLÈNE ? Le décès d’Hélène intervient au cours de cette phase T-F. Nous suggérons donc que le double G associait le prince et l’Augusta senior dans ces légendes et que la disparition du 2nd G serait directement liée à ce décès. L’absence de la 2nde officine dans cette variante AVG pourrait d’ailleurs s’expliquer par sa mise en sommeil dans l’attente de la série suivante, l’émission du type SECVRITAS pour Hélène étant arrivée à son terme du fait de la disparition de l’Augusta. La production de la variante AVG serait donc à situer dans une période transitoire de quelques mois séparant le décès d’Hélène de la première émission du nouveau type GLORIA EXERCITVS (datée de 330 par le RIC), la seule officine P étant alors en activité. Si Hélène est décédée en août 330, cette variante aura donc été produite au 3e trimestre de 330, les monnaies de célébration et GLORIA EXERCITVS apparaissant au dernier trimestre. Singulièrement, les autres ateliers de l’empire ne modifieront pas la légende des types « porte de camp » en fin d’émission : ils maintiennent AVGG jusqu’au bout. L’atelier arlésien aura-t-il achevé cette émission quelque temps après les autres ateliers, de sorte qu’il aura pu corriger la légende de ses derniers coins ? On sait que les émissions du IVe siècle ne suivaient pas un calendrier précis, mais collaient au besoin local en numéraire. Cette « disparition » du second G du fait du décès de l’un des conjoints impériaux eut un important précédent lors de l’interrègne assumé par Séverine en 275 : sur le type CONCORDIA émis de 270 à 274, le revers des monnaies affiche AVG car Séverine n’est pas encore élevée au rang d’Augusta. Après son élévation, Séverine apparaît au droit de monnaies, dont la légende de revers devient CONCORDIA AVGG. Enfin, lors de l’émission 7 d’Antioche consacrée à la seule Séverine (après le décès d’Aurélien), la légende de droit intègre les épiclèses P(ia) F(elix) – inhabituels pour une impératrice - et la légende de revers redevient CONCORDIA AVG, tandis que le personnage masculin a perdu ses attributs impériaux et que le personnage de Concordia voilée est remplacé par l’image de Séverine non voilée (1).
Cette rare variante AVG des émissions arlésiennes « porte de camp » nous semble donc porter la trace du décès d’Hélène en août 330 : de ce fait, elle revêt un intérêt historique certain. Olivier GUYONNET (1) Sylviane Estiot, Monnaies de l’Empire romain. XII.1 – D’Aurélien à Florien (270-276 après J.-C.), p. 123. |
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