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THE PETITION CROWN, SON HISTOIRE

| 18/05/2020
Informations

C’est sans aucun doute la monnaie anglaise en argent la plus convoitée par les collectionneurs du monde entier, et l’aura qui entoure cette pièce est unique, à tel point que cette monnaie a un nom propre, « the Petition Crown ».

Cette monnaie n’a pas été émise pour circuler, c’est un essai frappé par l’exceptionnel graveur Thomas Simon en 1663. La « Petition Crown » est vraiment magnifique et d’une qualité de frappe tellement exceptionnelle que même de nos jours on ne fait pas mieux, c’est-à-dire plus de 350 ans après !!

C’est la monnaie anglaise la plus chère et de loin devant la 5 pounds en or de la reine Victoria de 1839 ; il faut au minimum débourser un demi-million pour un exemplaire de qualité et il faut être très patient, car ce n’est pas tous les jours qu’un exemplaire apparaît sur le marché numismatique. Tous les exemplaires ont leur pedigree qui, en général, remonte jusqu’en 1800 et tous proviennent de collections illustres telles que celles de Hyman Montagu, John Murdoch…

Avant de vous présenter cette monnaie, il faut tout d’abord remonter dans le temps et comprendre le contexte historique très compliqué de l’époque et les évènements liés au graveur Thomas Simon, pour comprendre la raison pour laquelle il a frappé cette monnaie et quels ont été les moyens utilisés.

Tout d’abord, nous allons regarder comment les monnaies étaient frappées aux alentours de 1600 en Angleterre et pour cela, il faut chercher du côté de la France pour comprendre l’évolution.
En Angleterre comme en France, on utilise la frappe au marteau et Nicolas Briot (médailleur français) vers 1620, essaie d’introduire la frappe au balancier (dont des essais avaient été faits auparavant) en remplacement de la frappe au marteau. Se heurtant constamment au conservatisme de la Cour des Monnaies et au corporatisme des ouvriers de la frappe au marteau, il quitte la France pour l’Angleterre en 1625. Après quelques travaux pour la couronne d’Angleterre, il devient chef graveur en 1628 de l’atelier de frappe, dont Edward Greene est le graveur en chef. Vers 1630, il est nommé responsable par le roi d’Angleterre Charles I de la frappe des médailles et il installe ses machines à l’atelier de la tour de Londres. En 1634 et 1635, il est nommé graveur des coins et directeur de la fabrication des monnaies de l’Ecosse.

Maintenant, regardons de près le contexte historique en Angleterre qui à cette époque est très mouvementé.

Le décès en 1603 de la reine Elizabeth, qui n’a aucune descendance, met fin au règne de la Maison des Tudor en Angleterre, laquelle est remplacée par la Maison des Stuart.

En 1625, c’est Charles I qui est roi, mais le pouvoir étant partagé entre le roi et le Parlement, il y a de nombreux conflits et à partir de 1629, Charles I décide de gouverner sans le Parlement.
En 1642 la guerre civile éclate et le Parlement s’empare de l’atelier de la Tour de Londres ; le personnel qui y travaille doit faire son choix entre le Parlement ou le roi. Le graveur en chef Edward Greene choisit d’être du côté du Parlement et Nicolas Briot, soi-disant fidèle au Parlement, fournit secrètement des poinçons au roi et cela jusqu’à sa mort en 1646 à Londres.
Charles I est fait prisonnier et il est condamné pour haute trahison, il sera exécuté en janvier 1649.
Un gouvernement se crée en 1649, connu sous le nom de Commonwealth jusqu’en 1653. À partir de cette date est créé un Protectorat avec Oliver Cromwell à sa tête et jusqu’à la mort de celui-ci en 1658 ; le Commonwealth prend fin en 1660 lors de la restauration de la royauté avec Charles II (fils aîné de Charles I), qui règnera jusqu’à sa mort en 1685.

Après cette brève introduction historique qui est nécessaire afin de situer les différents différents protagonistes de ce sujet, on revient à la frappe des monnaies.

Thomas Simon est né à Londres en 1618 et grâce à son talent artistique, il devient apprenti d’Edward Greene, le graveur en chef de l’atelier de frappe de la Tour de Londres en 1635. Bien qu’il travaille directement sous les ordres de Greene, son apprentissage est plutôt dû à Nicolas Briot qui travaille également à l’atelier de frappe. Il est logique de penser que Thomas Simon se rend compte de l’importance des machines de Nicolas Briot et donc de la frappe au balancier.

Le premier travail reconnu de ce jeune graveur est une médaille de 1639 qui commémore le traité de Berwick.

Au début de la guerre civile en 1642, Simon restant loyal au Parlement, continue à travailler à l’atelier de la Tour. Simultanément, le roi Charles I nomme Thomas Rawlins (toujours loyal au roi) comme graveur en chef pour tous les ateliers de frappe de sa majesté. En 1644, Greene décède, laissant donc le poste de graveur en chef disponible et Thomas Simon, ainsi qu’un autre graveur, Edward Wade, partagent le poste de graveur en chef à la demande du Parlement.

Nicolas Briot décède en 1646, ainsi qu’Edward Wade en 1648, et Thomas Simon devient alors graveur en chef en 1649.
Le roi Charles I est exécuté en 1649 ; le Parlement décide alors d’enlever le portrait royal, ainsi que son blason sur le monnayage, ce qui donne naissance à une nouvelle monnaie, celle du « Commonwealth », qui est techniquement et artistiquement loin d’être une réussite.

À l’époque, en raison principalement du fait que les monnayeurs s’opposent à tout changement, la frappe des monnaies se fait encore au marteau, avec les nombreux défauts que suppose ce type de frappe.
Le Parlement ayant connaissance des techniques modernes de frappe utilisées en France par Jean Warin pour la frappe des monnaies de Louis XIII, décide alors de faire appel à Pierre Blondeau.

Pierre Blondeau est un ingénieur qui travaille à l’atelier de frappe de Paris depuis 1640. Il a conçu et amélioré la technique d’inscription des lettres sur la tranche. Blondeau arrive en septembre 1649 et présente les techniques visant à améliorer la frappe des monnaies, à partir de la frappe au balancier.
Il y a, selon lui, deux méthodes d’inscription des lettres sur la tranche afin de décourager la contrefaçon et le rognage ; la première est celle que l’on appelle la virole brisée, avec l’inconvénient que la monnaie doit être plus épaisse ; et la seconde, sa propre méthode, inconnue auparavant et applicable à une monnaie standard.

Durant l’année 1650, Blondeau fait plusieurs propositions au Parlement, mais il se heurte aux monnayeurs qui « défendent » la frappe au marteau qui est soit-disant supérieure sur biens des points à celle au balancier. Finalement au deuxième trimestre de 1651, le comité de la frappe chargé de l’étude de la fabrication des monnaies décide, afin de départager les opposants, de réaliser un concours et des échantillons doivent être présentés. Les monnayeurs travaillent à l’atelier de frappe de la Tour, tandis que Blondeau travaille chez Thomas Simon et peut utiliser les équipements appartenant à celui-ci.
Les échantillons (patterns) de Blondeau sont de qualité supérieure et l’inscription sur la tranche de la monnaie est bien plus longue, mais il faut se rappeler que Blondeau est un ingénieur et, en fait, le graveur c’est Simon. Cependant, aucune décision n’est prise, le système de Blondeau n’est pas adopté et celui-ci se « contente » de petits travaux jusqu’en 1656, où patronné par Oliver Cromwell, un nouveau monnayage est envisagé.

À partir de 1649 Thomas Simon, en tant que graveur en chef de l’atelier de la Tour, voit sa réputation grandir et il s’affirme dans son poste. Vers 1651, une médaille en l’honneur de Cromwell, le Lord Protector, est commandée à Simon et Cromwell est tellement satisfait du résultat que Simon produira d’autres médailles à son effigie.

À l’été 1656, le Gouvernement décide de réaliser des frappes expérimentales en or et en argent, à l’effigie du Lord Protector et Pierre Blondeau est recruté à l’atelier de la Tour afin d’assister Simon dans la réalisation du nouveau monnayage. Une frappe courante est entreprise en 1658, mais Oliver Cromwell décède cette même année, et leur circulation n’étant pas actée par le Parlement, leur vie est de courte durée.

 

 

La mort de Cromwell a des conséquences importantes qui donnent lieu à une crise politique qui mènera à la restauration de la monarchie.

Charles II monte sur le trône et devient roi d’Angleterre en mai 1660. Thomas Simon demande au roi de le maintenir à son poste en tant que graveur en chef, mais sa requête est rejetée car Thomas Rawlins qui avait été nommé graveur en chef par Charles I en 1644 conserve son titre de chef graveur, Charles II considérant qu’il lui était redevable à l’égard de sa fidélité envers son père Charles I.

En août 1660 le roi donne des instructions à Simon pour l’élaboration de coins à son effigie, le plus rapidement possible, afin de remplacer les monnaies du Commonwealth, qu’il désire démonétiser.
Entre temps, Blondeau est rentré en France et seule la frappe au marteau est possible. Simon montre peu d’enthousiasme face à l’élaboration de coins aboutissant à une frappe au marteau, retardant ainsi la frappe des monnaies.
Finalement les premiers échantillons font leur apparition à la fin de 1661, mais étant donné la qualité moyenne de la frappe, le roi ordonne que les monnaies soient frappées au balancier aussi tôt que possible. Pour cela, il faut l’aide de Blondeau qui est reparti en France et Thomas Simon part pour la France à sa recherche.
Afin d’accélérer le procédé de fabrication, les frères Roettiers qui demeurent aux Pays Bas, sont invités à exercer leurs talents dans l’élaboration des coins à l’effigie de Charles II.

Étant donné l’urgence d’émettre une nouvelle monnaie, l’idée de Charles II est que Thomas Simon et les frères Roettiers travaillent ensemble pour aller plus vite, mais Simon interprète ce geste comme un manque de confiance à son égard et des problèmes font surface rapidement.
Dans le but de mettre fin au conflit, il est demandé en février 1662 aux Roettiers et à Simon de présenter des échantillons à sa majesté le roi, début mai. Les frères Roettiers présentent un essai daté de 1662, mais Simon n’en présentant aucun, Charles II accepte l’essai proposé et il est demandé à John Roettiers de préparer les coins pour frapper les monnaies. Il est nommé chef graveur.


Essai de 1662 des frères Roettiers

Pierre Blondeau arrive à Londres en début d’année 1662, pour prendre en charge la frappe des monnaies à l’atelier de la Tour.
Simon accepte mal la décision du roi de choisir si rapidement l’essai présenté par les Roettiers, car selon lui il n’a pas disposé d’assez de temps pour présenter son essai.
Une fois sa décision prise, difficilement le roi fera marche arrière, mais en avril 1663, Charles II ordonne de faire de légères modifications au revers de la monnaie. Simon voit cela comme l’opportunité de présenter son essai au roi pour lui démontrer que celui-ci est supérieur en tout point à celui des Roettiers.
Le résultat de cet essai est la « Petition Crown » qu’il présente en avril 1663 afin de faire changer le roi d’avis.


Essai de 1663 de Thomas Simon

Le travail de gravure de cette pièce est supérieur en tout point à celui des Roettiers et cette monnaie a la particularité d’avoir une pétition sur deux lignes sur la tranche qui a une largeur de 3,5mm et qui dit textuellement :
Thomas Simon most humbly prays your majesty to compare this his tryall piece with the dutch and if more
Truly drawn & embossed more grace fully ordered and more accurately engraven to releive him

Thomas Simon très humblement prie votre majesté afin qu’elle compare cet essai avec le hollandais et si
il est mieux dessiné et frappé avec plus de grâce et avec plus de précision, de le relayer.

Malgré une gravure et une frappe beaucoup plus belles que celles de l’essai des Roettiers, l’essai de Thomas Simon, sa « Petition Crown », n’est pas adopté comme type courant et demeure ainsi comme un essai.

Thomas Simon décède en aout 1665, sans avoir été nommé à nouveau graveur en chef. Quant à Pierre Blondeau, il meurt en mars 1672, après avoir travaillé pendant plusieurs années avec Simon et Roettiers.

Thomas Simon demeure dans l’histoire du monnayage britannique comme un des plus grands graveurs de tous les temps grâce à sa « Petition Crown ».

Bibliographie : Thomas Simon his life and work 1618-1665 By Alan Nathanson

Yves BLOT

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