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QUAND UN DENIER CHANGE L’HISTOIRE... | 29/06/2021 Informations
Le 24 août 79, l’éruption du mont Somma (le Vésuve n’existant pas encore) détruisait Pompéi, Stabies et Herculanum. La date de ce fait historique est rapportée par Pline le Jeune dans une lettre adressée à Tacite, dans laquelle il décrit la disparition de son oncle Pline l’Ancien lors de la catastrophe. Depuis quelques années, cette date est sérieusement discutée.
Les archéologues ont retrouvé sur le site de Pompéi de nombreux « braceri » remplis de cendres et de charbon. Ces espèces de marmites, semblables à des brasero, souvent faits de cuivre, contenaient des cendres qui, en se consumant, réchauffaient ceux qui se tenaient autour. Le moulage des corps des victimes fait apparaître des écharpes, et des vêtements d’étoffes plus lourdes que celles habituellement portées en été. Ceci laisse à penser qu’il faisait froid. La nécessité de se réchauffer en plein mois d’août dans le sud de l’Italie peut soulever sinon quelques sourires, au moins quelques doutes. La découverte de noix, de châtaignes, de figues et de dattes séchées, de grenades, de suzines (petites prunes locales), de sorbo (espèce de nèfle), habituellement récoltés ou consommés entre septembre et octobre contribue à situer l’éruption du Vésuve plutôt en automne.
Des dolia fermées, remplies de vin, découvertes dans la villa Regina, démontrent précisément que les vendanges étaient terminées. Les dolia étaient des amphores en terre cuite, de grande taille, presque entièrement enterrées, d’une capacité allant jusqu’à 1 200 litres, que l’on remplissait avec le jus du raisin, fin septembre. On les laissait ouvertes pendant 30 jours… Donc ceci nous situerait aux alentours de la fin du mois d’octobre.
Il semble que la récolte de canapa (chanvre) était terminée, or la récolte de chanvre se faisait exclusivement en septembre. À cette époque, cette culture était commune autour du bassin méditerranéen. Le chanvre servait à produire de l’huile, des voiles pour les bateaux, du papier, des cordes et servait de fourrage pour le bétail. Pourtant, Pline le Jeune indique clairement que l’éruption survint le 9e jours avant les calendes de septembre, soit le 24 août : « nonum kal. Septembres hora fere septima mater mea indicat ei apparere nubem inusitata et magnitudine et specie. » Clairement ? Non, pas si clairement, car aucun document original ne nous est parvenu, seulement des copies produites au Moyen Âge par des moines copistes dans les manuscrits. L’étude de ces manuscrits montre de nombreuses variantes liées simplement à des erreurs de transcription que le texte a subies au travers des siècles. C’est ainsi que sont rapportés, kl. novebris, (1° novembre) III kal. novebris soit le 30 octobre… La destruction de Pompéi semble donc être survenue en automne.
C’est grâce à la découverte d’un denier d’argent que cette hypothèse a pu sérieusement être entérinée. Le 7 juin 1974 est exhumé, près de la maison dite des bracelets d’or, dans l’insula occidentalis, un denier de Titus portant au revers : « IMP TITVS CAES VESPASIAN AVG PM TR P VIIII IMP XV COS VII PP ». Il est évident que l’éruption survint après l’émission de cette monnaie. Titus entra dans son septième consulat (COS VII) en 79 ; il accéda pour la 9e fois à la puissance tribunitienne (Tribunicia Potestate VIIII) le 1er juillet. En effet, au British Museum est conservé un diplôme militaire (CIL XVI, 24) publié par A.H Smith dans le journal of Roman studies en 1926. Sur ce diplôme découvert en Egypte, on peut lire qu’il a été rédigé sous la XIVe acclamation de Titus et décerné le 8 septembre. Au musée provincial d’Archéologie de Séville est conservée une copie sur bronze d’une lettre adressée par l’empereur Titus à la ville de Munigua. Dans cette lettre, Titus se décrit comme empereur pour la XIVe fois, et cette lettre est datée du 7 septembre. En octobre 2018, après près de 20 siècles, l’exploration de la casa del Giardino dans un nouveau secteur de fouille, la Regio V de Pompéi, exhume quelques mots tracés au charbon, un graffiti commun laissé peut-être par un ouvrier sur un mur en restauration quelques jours avant l’éruption. Cette phrase sans prétention n’avait pas pour vocation de passer à la postérité. Mais la voici : XVI K Nov inulsit pro masumis esurit. soit XVI (ante) K(alendas) Nov(embres) in[d]ulsit pro masumis esurit[ioni]. qui se traduit par le 17 octobre il s’est empiffré. S’il n’y a aucune référence à l’année, les inscriptions au mur réalisées au charbon, matériel fort périssable, ne peuvent avoir été tracées que quelques jours avant l’éruption, et non pas dix mois avant, soit aux environs du 24 octobre.
Il semble donc que l’éruption du Vésuve ne soit pas survenue le 24 août 79 mais plus tard, en automne, probablement aux alentours du 24 octobre 79. Un philosophe a dit : l’homme ne progresse pas de l'erreur vers la vérité, mais de vérités en vérités, d'une vérité moindre à une vérité plus grande. RÉFÉRENCES • Gaius Plinius Caecilius Saecundus, epistularum liber VI, 16, C. Plinius tacito Suo S. SFERRAZZA Agostino J’adresse un vif remerciement à Madame Grete STEFANI qui m’a aidé pour la réalisation de cet article. |
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