QUAND MAGNÉSIE DU MÉANDRE ROULAIT POUR ALEXANDRE LE GRAND

Le statère d’or qui est proposé dans la prochaine Live Auction du 23 septembre 2025 peut sembler commun, mais est en fait beaucoup plus rare que ne le laisse supposer l’ouvrage de référence, Martin J. Price, The Coinage in the Name of Alexander the Great and Philip Arrhidaeus, A British Museum Catalogue, BM/ SSN, Zurich/ London, 1991. L’atelier de Magnésie du Méandre y occupe les pages 264-274, n° 1917-2062.

Faut-il rappeler que Magnésie avait été fondée par les Magnètes, originaires de Thessalie. La cité, baignant aux pieds du Méandre, était célèbre pour son temple d’Artémis Leucophyrène, construit par Hermogène vers 190 avant J.-C. et dont on peut encore admirer aujourd’hui les restes.

M. J. Price s’est livré à une étude poussée du monnayage au nom et au type d’Alexandre, complétée par des monnaies au nom de Philippe Arrhidée, son demi-frère et son successeur. Pour ce dernier, le monnayage au nom d’Alexandre ne débuterait pas avant 325 avant J.-C. L’atelier semble avoir fonctionné sans discontinuité entre 325 et 297 avant J.-C., au nom d’Alexandre III, puis de Philippe III et d’Alexandre IV. Après la mort d’Alexandre à Babylone en juin 323 avant J.-C., la satrapie de Lydie dont dépend Magnésie du Méandre tombe sous l’administration de Ménandre jusqu’en 321 avant J.-C., puis passe entre les mains de Cleitos le Blanc (320-318 avant J.-C.) avant d’échoir à Antigone le Borgne comme stratège d’Asie (317-310/309 avant J.-C.). La cité reste sous la domination Antigonide jusqu’à la bataille d’Ipsos avant de passer sous le contrôle de Lysimaque. Ce dernier remplace les types alexandrins en y substituant les siens jusqu’à sa mort à la bataille de Couroupedion. M. Price situe la reprise du monnayage au nom et au type d’Alexandre après la disparition du Diadoque vers 282/1 avant J.-C., et la chute sous la domination séleucide. Le monnayage au nom du conquérant décédé est encore frappé jusqu’au début du II^e siècle avant J.-C., jusqu’en 196 avant J.-C. environ, lorsque Antiochus III perd la région au profit des Attalides. Une ultime frappe, civique cette fois-ci, débute après la paix d’Apamée (188 avant J.-C.) et semble prendre fin définitivement au tournant des années 170 avant J.-C.

Le monnayage de l’atelier de Magnésie du Méandre du vivant d’Alexandre le Grand (c. 325-323 avant J.-C.) ne comprend que des statères d’or (Price, n° 1917-1918, 1920, 1923-1925 et 1928, pl. VII) et des drachmes (Price n° 1919, 1921-1922, 1926-1927, 1930-1935, pl. CXXIX). Si la tête de bélier semble avoir été l’un des principaux symboles, représenté, sur les monnaies, soit en type unique ou principal, ou associé à d’autres symboles ou monogrammes, celui-ci disparaît à la mort du conquérant. La tête de bélier peut être tournée à droite ou à gauche, ou plus rarement, figurée de face comme sur notre exemplaire. Cette représentation est en fait la moins courante : Price 1918 et 1920, pl. VII pour l’or, 1919 et 1921, pl. CXXIX pour l’argent.

Parmi les deux statères d’or, M. Price a signalé que les deux exemplaires avec la tête de bélier de face (Price, n° 1918 et 1920, pl. VII) qui sont de mêmes coins de droit et de mêmes coins de revers, mais pour le n° 1920, le monogramme a été rajouté sur le coin original du premier statère, ce qui semble confirmer la rareté du type. Le monogramme du revers ne se retrouve que sur des statères d’or (Price n° 1920 et 1928, pl. VII) et des drachmes (Price 1921 et 1922). Notre exemplaire est de mêmes coins que l’exemplaire du Price 1920 qui provient du trésor de Lanarca, Chypre (n° 46) (HGCS 1472), découvert en 1870, connu par les acquisitions des musées de Berlin et de Londres et dont la date d’enfouissement est fixée autour des années 300 avant J.-C. (TPQ).

Les deux exemplaires appartenant au British Museum proviennent de la collection du Grand Duc Michailovich et de Gulbekian (Price 1918) et de la collection Lang (1872) pour notre type (Price 1920). Ces deux exemplaires sont déjà illustrés dans l’article de P. V Hill, Greek Coins acquired by the British Museum in 1927, NC 1928, p. 1-15, pl. I-II.

Statère d’or, Ionie Magnésie du Méandre, 325-323 avant J.-C.
(Or, 8,47g, Ø 19,50 mm, 6 h, ± 980 ‰) étalon attique, poids théorique 8,60 g, 2 drachmes d’or ou 30 drachmes d’argent ; ratio 1 : 15.

A/ Anépigraphe
Tête casquée d’Athéna à droite, coiffée du casque corinthien à aigrette, orné d’un serpent ; les cheveux tombant sur la nuque en mèches mêlées.

R/ AΛEΞANΔPOY
(d’Alexandre).
Niké debout à gauche, les ailes déployées, tenant de la main droite une couronne et de la gauche la stylis ; dans le champ à gauche, une tête de bélier de face et un monogramme.

Müller – Price 1920, pl. VII

Monnaie idéalement centrée des deux côtés. Très beau portrait d’Athéna, bien venu à la frappe. Joli revers. Patine de collection

Très rare. SUP/ TTB+   3 800€/ 5 500€

Mêmes coins que les exemplaires du British Museum n° 1918 et 1920, pl. VII, mais pour le n° 1920 (notre type), le monogramme a été rajouté sur le coin existant.

Cet exemplaire provient de la collection d’un Mentor et de la vente NAC du 30 septembre 2024, n° 253.

Un statère d’or qui pouvait paraître banal au premier abord, s’avère rare et nous montre un cas intéressant de regravure de coin par ajout d’un monogramme sur un type préexistent. Il nous permet de vérifier le postulat de départ que chaque monnaie doit être soigneusement examinée et reprendre chaque fois que cela est possible l’ensemble des informations à notre disposition.

Marie BRILLANT & Laurent SCHMITT