le blog numismatiquele blog numismatique
Dans tout le blogDans ma sélection

M. SCHLUMBERGER, LE FAUSSAIRE PRESQUE MALGRE LUI

| 01/02/2021
Informations


Reconstitution du Rose et Bleu
Un des 3000 exemplaires de provenance belge non saisi par le parquet de Paris

Quand la Banque de France conçut et mit en circulation à la fin du 19e siècle les billets de la série dite BLEU ET ROSE (50, 100, 500 et 1000 F), elle pensait que ces billets étaient inimitables. Nous sommes au début de la photographie et la fabrication d’un billet avec deux passages avec le Bleu et le Rose, par ailleurs peu « impressionnables » sur la pellicule photo, devait rendre ceux-ci infalsifiables. L’histoire suivante prouvera le contraire, et d’autres faussaires continuèrent avec plus ou moins de bonheur. Celle-ci concerne un chimiste : M. SCHLUMBERGER.

MONSIEUR SCHLUMBERGER ET LA BANQUE DE FRANCE

C’est un savant chimiste jouissant d’une grande notoriété puisqu’il est accrédité auprès de l’administration des Postes et Télégraphes. Les ennuis commencent pour lui lorsqu’il se rend au siège de la BDF et déclare : « Vous croyez qu’on ne peut pas falsifier vos billets ? Voici la preuve du contraire ». Il sort alors de sa poche un paquet de billets faux (NDLR : certainement des 50 F Type 1889 Bleu et Rose) disant que ces billets sont de sa fabrication et que la BDF peut les soumettre à ses experts en défiant de les distinguer des billets authentiques. Les experts, à première vue, les déclarèrent excellents (authentiques ?). Il fallut une série de vérifications pour s’apercevoir qu’ils étaient faux. Notre faussaire, pour la bonne cause, apportait aussi à la BDF la manipulation chimique à l’aide de laquelle on pouvait instantanément reconnaître un faux billet d’un vrai.
La suite est moins glorieuse.
Certes on trouva l’expérience très « jolie » et très ingénieuse, mais la loi est la loi. La BDF déposa plainte contre lui en fabrication de faux billets. Ce crime était puni, à l’époque, des travaux forcés à perpétuité. Il eut d’ailleurs toutes les peines du monde à se sortir de cette justice qui, bien que reconnaissant que sa probité et sa bonne foi étaient au-dessus de tout soupçon, ne se départit pas de cette devise : la loi est formelle. Cette version (Journal le PETIT HAVRE de 1892) peut être complétée par le procès-verbal de la séance du comité BDF des livres et portefeuilles du 19 janvier 1891 qui a une autre version antérieure strictement professionnelle et technique.

Voici quelques passages édifiants :
M. Schlumberger était venu nous voir pour exposer qu’il avait trouvé un moyen photographique de reproduire les différents dessins de nos billets avec leurs couleurs et leurs teintes.

NOTA : je pense que son procédé permettait de reconstituer les plaques couleur en séparant les superpositions. D’un billet terminé il pouvait reconstituer la plaque bleue et la plaque rose.

M. Schlumberger était sur la voie de découvrir un procédé de fabrication de billets multicolores dont la reproduction présenterait de grandes difficultés. Il demanda une subvention qu’il obtint. La BDF, après avis de la commission spéciale d’études, s’occuperait des améliorations à introduire dans sa confection des billets.

NOTA : est-ce ce procédé de « faussaire » qui nous donna les premiers billets en quadrichromie (1000 F et 5000 F Flameng et 100 F LOM) ? M. Schlumberger voulait peut-être aussi « rentabiliser » au maximum son invention en s’adressant au vice-consul d’Autriche pour communiquer ses procédés, mettant ainsi fin à sa collaboration avec la BDF.


Planche de la couleur Rose


Planche de la couleur Bleue
Epreuve de la séparation des couleurs en format réduit

MONSIEUR SCHLUMBERGER ET LA BANQUE NATIONALE DE BELGIQUE

Nullement échaudé par son aventure française, c’est vers la Banque Nationale de Belgique que notre inventeur-faussaire se tourne avec son procédé chimique pour reconnaître les faux billets des vrais. La BNB, tout en reconnaissant que son invention était intéressante et pratique, répondit superbement qu’il n’avait jamais été découvert un seul billet belge faux. Affirmation désastreuse lorsque déferle sur la Belgique (simple hasard) une nuée de faux billets en provenance d’Allemagne. Persévérant et un peu provocateur, M. Schlumberger écrivit au gouverneur de la BNB qu’il était très facile de falsifier les billets belges et de reconnaître ces falsifications. Il joint à son courrier un faux billet… autrichien. En guise de réponse, notre chimiste reçut la visite de M. Cochefort, commissaire aux délégations judiciaires, avec mandat d’amener du juge d’instruction avec perquisition qui ne donnera rien. Une fois de plus, M. Schlumberger était passible de la cour d’Assises…. et des travaux forcés à perpétuité. Furieux, il déclare : « Je comprends la mauvais humeur des chimistes attachés aux diverses banques quand ils apprennent que l’on falsifie sans difficultés les billets qu’ils déclaraient absolument infalsifiables. Ils devraient toutefois, me semble-t-il, tourner leur colère contre les faussaires non contre les savants qui leur indiquent les moyens de reconnaître la fraude, mais la nature humaine est ainsi faite, que l’on pardonne guère au concurrent qui vous fait la leçon » (à méditer).

MONSIEUR SCHLUMBERGER : LA PREUVE

Il aurait pu en rester là. Fort de ses 2 condamnations, il veut apporter la preuve aux yeux de tout le monde que les billets de la BDF sont falsifiables. Pour cela, il s’adresse au journal belge « LE MONITEUR INDUSTRIEL » pour faire publier un article concernant la fabrication actuelle des billets de banque et des procédés nouveaux permettant d’éviter les faux. Là, il expose ses théories et procédés chimiques et autres pour reproduire un billet conforme aux authentiques. C’est ainsi que dans ce journal, nous trouvons les reproductions successives pour arriver au billet définitif du 50 F Bleu et Rose de la BDF :
• le résultat de la plaque du rose et celle du bleu
• le résultat de la combinaison des 2 plaques pour obtenir le billet définitif (avant numérotations et signatures).

Certainement pour ne pas être inculpé de faux-monnayage, notre chimiste a volontairement supprimé les noms des dessinateurs (DUPUIS et DUVAL), du graveur (ROBERT), le titre BANQUE DE FRANCE, ainsi que les signatures du caissier principal et secrétaire général. Ce billet n’est pas daté ni numéroté. Le billet est de 50 Liards (ancienne monnaie de cuivre royale valant 1/4 de sous) au lieu de 50 Francs. Il a aussi pris la précaution d’indiquer la mention SPECIMEN dans les 2 cercles réservés aux allégories et le tarif des abonnements au journal dans la réserve du filigrane (voir la reproduction).

Mais encore une fois, la loi est la loi, et les reproductions de ce billet tombent sous le coup de la loi du 11 juillet 1885 résumée ainsi : Il est interdit de fabriquer, vendre, colporter ou distribuer tous imprimés ou formulaires simulant les billets de banque et autres valeurs fiduciaires.

Plainte a donc été déposée au parquet par la Banque, avec saisie de 1500 exemplaires de reproductions, mais 3 000 autres exemplaires étaient déjà en Belgique. Le tribunal correctionnel condamnera notre incorrigible à 500 F d’amende pour avoir imité les billets de la BDF. Sanction légère confirmée en appel certainement à cause du peu de danger que représentait cette imitation. Le danger étant plutôt provoqué par la publicité de cette affaire et des doutes en découlant sur l’inviolabilité des billets de la BDF. Il fut également poursuivi en Belgique pour le même motif (5 F d’amende).

Cinq condamnations pour avoir fait avancer les procédés de fabrication, sans même avoir mis en circulation un seul faux billet, on comprend l’amertume de M. Schlumberger, ce faussaire presque malgré lui. Mais la loi est la loi.

Yves JEREMIE
Club Auvergne Papier-Monnaie Chamalières

BIBLIOGRAPHIE

  • Journal belge : le « MONITEUR INDUSTRIEL » du 15 janvier 1891
  • Journal le « PETIT HAVRE » du 5 octobre 1892
  • Cahiers anecdotiques BDF n° 51
  • Billet de CINQUANTE LIARDS et épreuves (collection personnelle)
  • Causerie au club du 22 septembre 2018
  • Vente EBAY d’une épreuve bleue novembre 2020
facebooktwitter
A-
A+
L'équipe cgb.fr - contact@cgb.fr
La boutique des monnaies et billets cgb.fr
Les boutiques cgb.fr

Des dizaines de milliers de monnaies et billets de collection différents disponibles. Tous les livres et fournitures numismatiques pour classer vos monnaies et billets.
Les live auctions de cgb.fr
Les live-auctions cgb.fr

Découvrez les nouvelles live auctions de cgb.fr !
Les e-auctions de cgb.fr - prix de départ 1
Les e-auctions - cgb.fr

Prix de départ 1 Euro, pas de frais acheteur, les collectionneurs fixent le prix de l'article !
Le Bulletin Numismatique
Le Bulletin Numismatique
Retrouvez tous les mois 32 pages d'articles, d'informations, de photos sur les monnaies et les billets ainsi que les forums des Amis du Franc et des Amis de l'Euro.
Le e-FRANC
Le e-FRANC

Retrouvez la valeur de vos monnaies en Francs. De la 1 centime à la 100 Francs, de 1795 à 2001, toutes les cotations des pièces en Francs.
La boutique des monnaies françaises 1795-2001
cgb.fr - 36,rue Vivienne - F-75002 PARIS - FRANCE - mail: blog@cgb.fr
Mentions légales - Copyright ©1996-2014 - cgb.fr - Tous droits réservés

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de Cookies et autres traceurs afin de vous offrir une expérience optimale.

x