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L’INCARNATION DU PROJET DE DUPRÉ - PARTIE 2

| 24/12/2019
Informations

L’INCARNATION DU PROJET DE DUPRÉ POUR CE QUI AURAIT DÛ ÊTRE LA PREMIÈRE PIÈCE EN OR DU SYSTÈME DÉCIMAL - PARTIE 2

Dans une première partie (voir BN N°191), nous avions décrit le projet de Dupré de ce qui aurait dû être la première pièce en or de notre système décimal. Ce projet n’ayant pas abouti, probablement à cause des difficultés dans l’établissement d’un système bimétallique, les collectionneurs n’ont pas le plaisir de pouvoir l’observer dans leurs médailliers.

Enfin jusqu’à présent ! En effet, l’Association des Amis du Franc a décidé de créer une médaille à partir du dessin de Dupré qu’elle possède et de permettre ainsi à ses adhérents mais également à tout collectionneur de l’acquérir.


Dessin de Dupré acquis par l’association des Amis du Franc

Nous relatons dans cet article les étapes d’élaboration de cette médaille.
Nous avons choisi de confier la création et la réalisation des matrices à Nicolas Salagnac, graveur médailleur, Meilleur Ouvrier de France. À l’époque de Dupré, les gravures auraient été faites en taille directe sur acier à l’échelle. Aujourd’hui, des techniques modernes facilitent la mise en œuvre : sur les établis des graveurs, clavier et souris prennent la place des échoppes, burins et marteaux… À cette extrême, la qualité de la gravure et l’âme des médailles y perdent beaucoup !
Pour respecter l’œuvre de Dupré, nous avons préféré l’approche de Nicolas Salagnac qui, bien qu’employant aussi des techniques plus modernes que Dupré, reste dans une démarche d’artisan et d’artiste.

MISE EN PLACE

La première étape consiste à réaliser un dessin des contours de la future gravure sur ordinateur via un logiciel.

À ce stade, les traits peuvent paraître grossiers mais cela a peu d’importance, comme nous le verrons par la suite.
Via logiciel toujours, le graveur définit des profondeurs de reliefs liées aux contours.

USINAGE

À partir de ce modèle 2,5 D informatisé, un usinage est réalisé en creux à l’échelle 3 sur une matière synthétique dite « médium ».


Empreinte en creux sur « médium »

SCULPTURE DU MODÈLE

Cette empreinte usinée en creux est retravaillée par le graveur pour apporter un complément aux volumes, les passages et le drapé principalement. Utilisée comme moule, elle permet de produire une première empreinte en plâtre, un positif en relief. C’est sur ce moulage, encore grossier que la sculpture manuelle va pouvoir démarrer pleinement. Le graveur affine ici tous les détails et amène chaque relief, le plus subtilement possible, avec une exigence particulière pour rester fidèle à ce dessin hors norme. Le format agrandi permet plus d’aisance sur les détails les plus fins, mais la tâche reste des plus délicates. L’aide du microscope n’est pas un luxe pour atteindre ce niveau d’exigence.

Une autre façon de travailler des graveurs consiste à créer le modelage avec une pâte à modeler particulière appelée plastiline®. En sortie, un plâtre est également moulé.

    

 


Plâtre de la médaille à l’échelle x3

La sculpture en plâtre est finalisée après plusieurs échanges entre l’artiste graveur et l’Association des Amis du Franc. Une sauvegarde est réalisée par le moulage d’une empreinte en élastomère.

PRODUCTION D’UN GABARIT DU MODÈLE EN DUR POUR LA REPRODUCTION

Sur le modèle en plâtre est coulée une résine dure pour son usage au « tour à réduire ».
Auparavant, ce gabarit devait être métallique et était alors produit :
• soit par fonte ;
• soit par galvanoplastie à partir d’un moule obtenu par le procédé Gutta-Percha ou plus récemment par l’emploi de résine.
La technique de fonte consiste, à partir du plâtre, à produire une empreinte en sable réfractaire afin d’y couler du bronze. La galvanoplastie est, quant à elle, un procédé d’électrolyse qui permet de recouvrir d’une couche de métal un objet. Le modèle ainsi produit est nommé galvano.
Les résines sont devenues au fil du temps tellement performantes que l’étape de galvanoplastie est finalement devenue inutile, permettant ainsi un gain de temps très important.
Dans le cas qui nous concerne, c’est une résine qui est produite.

TOUR À RÉDUIRE

Pour cette étape, le modèle en résine est placé sur un pantographe ou tour à réduire. Le tour à réduire est une machine dont le principe a été inventé au XVIe siècle. Un palpeur transmet les reliefs du modèle à un outil coupant, la fraise, pour l’usinage dans l’acier. L’usinage se fait de manière circulaire en partant du centre. La restitution commence avec un gros palpeur de dégrossissage et une fraise en conséquence en fonction du rapport de réduction, ici 3.


Usinage par le tour à réduire

Cette étape de réduction a pris environ 24 heures par modèle.

FINITIONS

Il convient de corriger les imperfections produites par les passages de la fraise. Cette étape manuelle réalisée par le graveur est donc essentielle pour la qualité du résultat final.
C’est ici que le graveur main reprend tout, pour souligner des détails, polir ici, satiner là. La surface de jeu est ici réduite… un disque d’un diamètre de 35 mm. Le graveur doit être zen, tous ses gestes calibrés et ad hoc. Avec toujours du coin de l’œil le dessin de Dupré, pour rester fidèle. C’est ici que le graveur donne sa touche finale et son coup de patte, c’est ici qu’il rend son travail unique et cela nous importe dans un monde qui se standardise par facilité ou commodité.


Matrice d’avers en cours de finition


On peut voir sur cette photo la complexité
et la multitude des reliefs de la médaille (ici en creux)
.

Afin de tester l’avancement de son œuvre, le graveur effectue des empreintes. À cette étape de finalisation de la gravure, et pour voir où il va, le graveur relève au marteau des empreintes en plastiline sur une pièce de bois et en phase finale les empreintes sont faites avec du plomb.
Se reporter au descriptif de ces prises d’empreintes fait par JL Maréchal dans notre ouvrage Le Franc, les Monnaies, les Archives (pages 27 et 28).


La matrice et empreintes en pâte à modeler effectuées à différentes étapes de la finalisation


Empreintes de la médaille


Zoom sur une empreinte en plomb effectuée depuis la matrice

PRODUCTION DE LA MATRICE DU REVERS

Le même processus est suivi pour la production de la matrice du revers. Le travail est néanmoins beaucoup plus rapide car la composition du revers ne possède pas la même complexité.
Nous ne disposons pas de dessin de Dupré sur le revers visé. Grâce aux descriptions textuelles du revers présentes dans les archives de la Monnaie de Paris (voir partie 1 de l’article), nous savons qu’initialement (loi du 28 thermidor An III) et à l’instar des 5 Francs Union et Force, c’était une couronne entrelaçant une branche de chêne et une branche d’olivier qui était prévue mais qui a été remplacée en l’an 5 par une simple couronne de chêne. La valeur faciale n’est pas exprimée en francs mais en poids : 10 grammes. Sur la médaille, outre une couronne de chêne et un texte descriptif de la raison de cette médaille, nous avons décidé de faire figurer (en creux) cette valeur faciale et l’année où elle aurait pu/dû être frappée : l’An 5. Sur le dessin de Dupré (et la médaille) la date est présente à l’avers mais il est plus que probable qu’elle aurait été déplacée sur le revers à l’instar de ce qui s’est fait pour les monnaies de cuivre et d’argent.


Matrice du revers en cours de gravure

FRAPPE DES MÉDAILLES

L’édition a été confiée à la Maison Mauquoy, atelier de frappe Belge. Elle se charge de l’usinage des matrices transmises par le graveur et la mise aux cotes, avant la trempe.
Les monnaies sont produites en une seule frappe. En revanche les médailles nécessitent souvent plusieurs frappes pour faire sortir pleinement les reliefs et offrir une qualité esthétique optimale. Après chaque frappe de médaille, le flan est recuit, c’est-à-dire chauffé à haute température et refroidit lentement, puis il est replacé sur la matrice pour être refrappé. L’opération est répétée plusieurs fois selon la profondeur des reliefs.
Pour rester dans l’esprit originel, celui de l’incarnation d’une monnaie, nous avons opté pour une frappe en virole, avec une frappe unique, comme pour les monnaies. Nicolas Salagnac a d’ailleurs gravé la matrice de cet avers dans cet esprit en évitant des reliefs trop prononcés.

CARACTÉRISTIQUES DES MÉDAILLES ET MODALITÉS D’ACQUISITION

Vous connaissez tout ou presque sur l’origine de cette médaille et son processus de création. Voyons maintenant ses caractéristiques et son prix de vente.
Tout d’abord intéressons-nous à son diamètre. Dans le processus de création de cette médaille, nous nous sommes attachés à donner le rendu le plus proche possible du projet visé pour cette première pièce en or de notre système décimal. Les caractéristiques du diamètre ne sont pas fournies dans le texte de loi de l’an III. Mais via le poids cible en or de 10 grammes, il est possible de le déduire. À cette époque, les différents modules variaient entre eux proportionnellement à la racine cubique de leurs volumes (i.e. leur poids divisé par la masse volumique du métal les composant). Ce qui dans notre cas donnerait un diamètre entre 24 et 25 mm. Soit un diamètre compris entre celui des pièces actuelles de un et de deux euros. Afin de pouvoir profiter beaucoup mieux de l’esthétique du motif de Dupré, nous avons décidé de nous écarter de la cohérence historique et de la produire au diamètre de 35 millimètres.
Pour le métal cible de cette médaille, nous le déclinons en quatre options : en bronze florentin, en bronze plaqué or, en argent et en vermeil (argent plaqué or).
Si les variantes en plaqué or sur bronze et en vermeil donnent bien évidemment le rendu le plus proche de ce qu’aurait dû être cette pièce, la version en bronze florentin permet, de par sa proximité visuelle avec l’or, d’en offrir à moindre coût un rendu déjà très intéressant.
Les frappes de prestige en argent et en vermeil sont de surcroît les premières à être frappées avec le coin neuf et sont donc dans l’état Fleur De Coin au sens strict !
Les prix de vente sont les suivants (les membres de l’Association des Amis du Franc disposant d’un prix réduit) :

Au moment où vous lirez cet article, les matrices auront été reçues par l’éditeur et nous espérons que les médailles finalisées (dorure incluse faite par un autre artisan spécialisé) seront disponibles vers mi-décembre ce qui devrait permettre aux acquéreurs d’en profiter pour les fêtes de fin d’année.Pour bénéficier du prix réduit, les membres doivent passer par l’association. Pour les autres, le canal de vente est notre partenaire CGB.

Ces médailles étant principalement dédiées aux collectionneurs, il nous a paru peu opportun d’en augmenter le prix en diffusant la médaille dans un écrin. Elles trouveront leur place naturellement dans les médailliers existants des collectionneurs. Aussi, nous les commercialisons dans une simple capsule de protection.


Plombs finaux de la médaille

À travers l’acquisition de cette médaille, les collectionneurs pourront soutenir notre action associative de protection et de diffusion de notre patrimoine culturel numismatique et encourageront également le difficile mais beau métier d’artiste graveur médailleur. À ce titre, nous remercions Nicolas Salagnac de tous ses efforts pour la réussite de ce projet et nous lui laissons le dernier mot :


Nicolas Salagnac © Mathieu Cellard

« Ce projet, ou plutôt cette belle aventure commence le 20 novembre 2017, par un mail de Christophe Charve, un premier contact, conseillé par mon ami maître graveur Jean-Luc Maréchal (merci).
L’association des Amis du Franc vient d’avoir 20 ans, et graver une médaille monnaie avec le dessin de Dupré serait la base.
Plusieurs visites à l’atelier, à la découverte de mon univers, de mes outils, de mes histoires, de mon parcours, de mon apprentissage, permettent d’échafauder ce projet. Projet repris en 2019, par Philippe Théret, Xavier Bourbon et Franck Perrin, pour le conduire à son terme, car le temps passe toujours trop vite, et nous sommes à l’aube de 2020.
J’ai pris un plaisir particulier à graver ces deux matrices. Le dessin de Dupré est un modèle du genre. Sa réalisation semble facile, équilibrée et posée, cette femme en impose. Le drapé court sur son corps et ses jambes, et là est une des difficultés, respecter les lignes, le sens, les reliefs, les creux, et les passages… Mais quand on est en négatif, il faut voir à l’envers.
Faire une empreinte en plâtre est simple, de l’eau du plâtre et on coule dans l’empreinte. Oui mais avec tous ces détails, comment ne pas avoir de bulles, de micro bulles… Il y a toujours des soucis techniques qui contraignent, mais il faut faire avec…
J’ai pris un grand plaisir à traduire le plus fidèlement possible l’œuvre d’Augustin Dupré.
Un bel exercice pour moi, une sorte de Prix de Rome1 pour continuer mon apprentissage et me mettre au service d’un artiste. Je n’ai pas compté mon temps, un luxe pas simple aujourd’hui dans un monde qu’il faudrait rentable.
J’aime mon métier et mon énergie est la passion, merci de m’avoir confié cette création d’après Dupré. Je vous laisse profiter de cette pièce de métal, issue du travail d’une belle chaîne humaine, où chacun a fait de son mieux - merci à tous. 
»

Nicolas Salagnac
Graveur médailleur - Meilleur Ouvrier de France
Membre des Grands Ateliers de France
www.nicolas-salagnac.com

Le bureau des Amis du Franc
contact@amisdufranc.org


1 - Le prix de Rome était un concours organisé par l’Académie Royale puis l’Institut de France, qui avait lieu dans différents domaines artistiques, et dont les gagnants recevaient une pension pour passer de 2 à 4 ans à Rome, pour s’améliorer au contact des modèles de l’Antiquité et de l’Italie moderne.
À partir de 1791, le poste de graveur général était censé être attribué sur concours spécifique. Dupré remporta le premier et dernier concours de ce genre. Après Dupré, le graveur général sera dans un premier temps, directement nommé puis, à partir de 1880 et le changement de statut en régie, le graveur général sera choisi parmi les anciens gagnants du prix de Rome en gravure de médailles.

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