
UN CAS D’ÉCOLE : CELUI DES ÉPREUVES EN ÉTAIN DU CONCOURS CHARLES X
Lorsque l’on observe les prix obtenus par les essais en or, il ne fait pas de doute qu’ils sont inaccessibles pour la très grande majorité d’entre nous et de loin !


Fabuleux essai de tranche ornementale provenant de la Collection Richard Margolis gradé SP65+ Cameo par PCGS et vendu 198 000 dollars (frais inclus) lors de la vente Stack’s & Bowers du 16/08/2024. © Stack’s Bowers
Ceux en argent réalisent en général des prix élevés mais, bien qu’à rareté souvent égale avec certains exemplaires en or, ils atteignent des prix nettement plus faibles, que la différence de valeur de métal n’explique pas. Bien que très rares ils peuvent être acquis par un plus grand nombre de collectionneurs. Pour autant, même à ces prix plus attractifs que ceux des exemplaires en or, ils sont inaccessibles pour la plupart des collectionneurs.
Faut-il se résigner et abandonner l’idée d’acquérir des essais ? Faut-il se contenter d’acheter quelques essais qui ont été produits à l’origine en très grand nombre ? Est-il encore possible d’acquérir des essais rares à prix accessibles ? On pourrait craindre que non et pourtant il suffit de se tourner vers des métaux moins « voyants » que l’or ou l’argent : le cuivre, le bronze ou le métal blanc (alliage d’étain, plomb…).
Prenons l’exemple concret des essais des concours du XIXe siècle. Ces concours ont été lancés à chaque fois pour choisir les nouvelles effigies des monnaies. En général le concours comportait deux compétitions : une pour les monnaies d’or et une pour les monnaies d’argent. Pour le concours de 1848, on notera une troisième compétition : celle pour les monnaies de cuivre. Les frappes du concours en métal cible sont pour la plupart inaccessibles voire non retrouvées. En effet la plupart ont été refondues ou se trouvent dans des musées. La série quasi complète des frappes de concours de l’An XI de la 5 Francs en argent à l’effigie de Napoléon Bonaparte est à la BnF et pour l’instant nulle part ailleurs. Un seul exemplaire en or de la 40 Francs est connu et il est également à la BnF. Pour le concours de Louis XVIII, on connait très peu d’exemplaires en argent et encore moins en or. Ils ne sont pas dans des musées mais pour la plupart dans la collection de Richard Margolis qui a été dispersée en janvier dernier chez Stack’s & Bowers.

Épreuve de concours en argent, très probablement Dubois (et non de Montagny) pour le concours de Louis XVIII. L’exemplaire provenant de la collection Margolis et gradé SP64 par PCGS a été vendu 66 000 dollars (frais inclus) lors de la vente Stack’s&Bowers du 19/01/2025. © Stack’s Bowers
Il existe des exemplaires intéressants en cuivre plus faciles à trouver mais qui restent rares. Nous n’avons pas eu d’éclairage d’archives sur ces exemplaires. Pour le concours de Charles X, les archives nous apprennent que les frappes d’épreuves en or et en argent étaient censées être refondues. Cela semble bien être le cas car aucun exemplaire n’a été retrouvé ! Pour la première fois, il est décidé qu’avant de détruire également les coins des candidats il soit frappé un ensemble de clichés.
Dix-neuf graveurs ont participé à la première phase du concours (soit pour une seule faciale soit pour les deux i.e 5 Francs et 40 Francs): Ameling, Barre, Barye, Caqué, Caunois, Depaulis, Desboeufs, Diffloth, Domard, Dubois, Dubour, Gatteaux, Henrionnet, Leclerc, Montagny, Peuvrier, Salmson, Tiolier et Tournier. Dans une deuxième phase du concours Gayrard et Michaut (possiblement Galle mais cela reste à confirmer) rejoignent les 3 graveurs retenus à l’issue de la première phase : Barre, Gatteaux et Tiolier.
Avant la difformation des outils (qui eut lieu le 30/09/1825), le graveur général tire ainsi au balancier le 18/07/1825 « environ 2,000 clichés de toutes les pièces d’or et d’argent qui ont été soumises au Concours, ou exécutées en dehors du Concours par ordre de Son Excellence le ministre des Finances ».
Ces clichés sont en métal blanc à base d’étain. Rapporté à chaque projet soumis on obtient un chiffre de fabrication d’environ seulement 65 ! Pour autant les cotes de ces exemplaires restent modestes. Dans notre ouvrage dédié à Charles X, nous les avons établies à 150 euros en TTB, 300 euros en SUP, 500 euros en SPL et 700 euros en FDC. Elles reflètent une moyenne du marché actuel mais il est même possible parfois d’en acquérir à des prix nettement moins élevés comme l’illustrent les deux ventes ci-dessous.

Épreuve de Depaulis pour le concours de la pièce de 5 Francs, gradée SPL par CGB, estimée 500 euros par CGB mais vendue 250 euros hors frais avec une seule offre lors de la Live Auction de CGB du 04/06/2019.

Épreuve de Caqué pour le concours de la pièce de 5 Francs, gradée SP63 par PCGS et vendue 220 euros hors frais lors de la vente e-auction n°10 de MDC Monaco le 22/06/2024.
Voici donc un thème de collection particulièrement intéressant car il allie l’esthétisme, le caractère abordable et la rareté intrinsèque. 65 exemplaires par variante, c’est en effet peu. Si les prix réalisés sont encore abordables, c’est que les collectionneurs de ces essais sont manifestement encore moins nombreux et qu’il n’y a donc pas d’effet de concurrence… Mais pourquoi sont-ils si peu nombreux ? Possiblement parce que l’image des essais reste encore élitiste et fait un peu peur. Mais c’est plus probablement le manque d’informations à leur sujet et notamment leurs chiffres de fabrication qui expliquent qu’ils restent un peu « boudés » par les collectionneurs. C’est une aubaine pour ceux qui cherchent à s’informer et qui considèrent les livres comme des outils pour bâtir leurs collections et non comme un coût inutile. Nous espérons ainsi que notre série d’ouvrages sur les essais monétaires de Napoléon Ier à Napoléon III, avec un nombre important d’informations inédites, aura le mérite de créer des vocations pour de nouvelles collections et de susciter plus globalement l’intérêt pour les essais monétaires qui sont des témoins historiques et qui apportent un éclairage passionnant sur nos monnaies circulantes. Venez nous rejoindre comme lecteur et pourquoi pas membre actif de notre association « Les Amis du Franc » pour partager les connaissances sur l’histoire du Franc !

Philippe THÉRET