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LES ESSAIS EN ALUMINIUM AU MILLÉSIME 1909

| 29/07/2019
Informations

Nous vous invitons à découvrir la vaste enquête menée par Xavier Bourbon sur les essais en aluminium datés de 1909. Article précédemment paru dans l'édition estivale 2019 du Bulletin Numismatique.

De longue date, un essai, dont on trouve majoritairement des exemplaires en aluminium datés de 1909, est attribué à Rude. Le premier à le mentionner comme tel est semble-t-il Mazard, le référençant comme un « essai au type de Rude », sous les N° 2279 à 2288 (Mazard, 1969). Le rapport de la commission de la monnaie d’aluminium (1910), pour laquelle ces essais ont été frappés, nous livre une vision différente des choses et par la voix même de ceux qui y ont travaillé, permet de réattribuer cette gravure à son auteur.

La commission de la monnaie d’aluminium est mise en place par décret, en date du 27 août 1909. Elle a pour objectif, entre autres choses, d’évaluer les possibilités de substitution du bronze par l’aluminium ou l’un de ses alliages pour la monnaie du quotidien. Elle est composée de dix membres, MM. Violle, Le Chatelier, Schloesing, Hanriot, Bordas, Badin, Coez, Mannheim, Guillet et Matignon, qui travaillent pendant près d’un an sur le sujet. La dernière des dix réunions de cette commission s’est tenue le 8 juillet 1910 dans la salle des commissions de l’Hôtel de la Monnaie. Le rapport final est édité à l’issue de ces travaux.

Le remplacement du bronze par l’aluminium ne devait pas se faire au détriment de la qualité des monnaies et de leur tenue dans le temps, compte tenu de ce que la manipulation quotidienne impose. Différents métaux et alliages ont ainsi été testés dans des conditions d’usure mécanique (chocs et frottements) et d’usure chimique (agressions par différents environnements courants : savons, acides ou bases, solutions salines).

Les tests ont tout d’abord été faits avec des pièces de 5 et 10 centimes au type « Dupuis » frappées dans un premier temps par la Monnaie, avec de l’argent monétaire, de l’aluminium « pur », du bronze monétaire puis avec deux alliages d’aluminium (dits « R4 » et « A5 » – cf. tableau 1). Ce type étant en circulation, il n’était pas question d’utiliser les coins au millésime en cours. C’est la raison pour laquelle on le trouve au millésime de 1908, avec le ré-emploi d’outils existants (ayant récemment terminé leur service) avec la mention « essai » au revers, sous la valeur faciale.

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Essais au type Daniel-Dupuis, 1908, en aluminium et en argent

Un autre type de monnaie a été employé pour ces tests, une monnaie non circulante et frappée exprès pour ces travaux. Elle est dite « au type de Rude » depuis que J. Mazard l’a appelée comme telle, sans qu’il soit possible aujourd’hui d’en indiquer clairement la raison. Guilloteau ne les référence que sous le vocable « essai » sans plus de précisions, si ce n’est qu’elles ont été frappées en aluminium comme en bronze, sans signature (N° 4635 à 4640 ; Guilloteau, 1943). Depuis que Mazard a décidé de les attribuer à ce sculpteur, certains utilisent un raccourci en parlant de l’essai de Rude, voire indiquent que le graveur est François Rude (Taillard & Arnaud, 2014).
Le rapport de la commission nous éclaire sur ce qui a effectivement été employé puisque comparativement à la monnaie au type ‘Dupuis’, une autre, au type « Dubois », est indiquée. Elle est décrite comme ayant un module de 21 mm et présentant à l’avers une tête de femme dans une cavité circulaire, protégée par un large listel ; sur le revers la marque 10 centimes.
François Rude n’y est ainsi pour rien et c’est bien Henri Dubois, fils et petit-fils de graveur, graveur en médaille lui-même, qui est à l’origine de cette gravure. Henri Dubois, pendant un temps élève de son père, Alphée Dubois, n’est pas sans avoir connaissance des contraintes liées à la production d’une monnaie par rapport à une médaille (Martin, 1898). En effet, son père et son grand-père ont tous deux participé aux concours monétaires de la première moitié du XIXe (Louis XVIII et Louis-Philipe). Second grand prix de Rome en gravure de médaille et pierre fine en 1878, il se trouvait tout à fait en mesure de fournir rapidement un projet pouvant être frappé et utilisé par la commission mise en place. Il semble que pour cela, il se soit inspiré d’une médaille qu’il avait déjà gravée (cf. toute fin de cet article).

Cette pièce d’essai, frappée pour les tests des alliages monétaires à base d’aluminium et millésimée « 1909 », a donc été gravée par H. Dubois. Son attribution à F. Rude (1784-1855) est ainsi à ranger en de mauvaises lectures.

Dans le rapport final de la commission, trois masses sont indiquées comme ayant été utilisées : des pièces d’environ 2,48 g ; 1,80 g et 0,93 g qui, si elles sont en aluminium, correspondent aux trois modules de 24, 21 et 19 mm. La faciale n’est à cet endroit pas indiquée dans le rapport. On peut de prime abord penser aux trois pièces de 25, 10 et 5 centimes. On connaît toutefois une pièce de 10 centimes avec un module de 24 mm.
La pièce de 25 centimes est la plus rare des trois. Elle ne semble pas avoir été employée de manière significative lors des tests, au profit des deux autres faciales. On gardera en mémoire que la pièce de 5 centimes au type gravé par JB. Daniel-Dupuis a un module de 25 mm pour une masse de 5 g dans sa version en bronze monétaire et entre 1,5 et 2,3 g en alliage d’aluminium, donc très proche de cette pièce d’essai de 25 centimes.

COMPOSITION DES MÉTAUX ET ALLIAGES UTILISÉS POUR LES ESSAIS 
DE LA COMMISSION DE LA MONNAIE D’ALUMINIUM

Trois de ces compositions n’ont pas été frappées avec les pièces au type « Dubois » (aluminium pur, argent monétaire et alliage A5). Il est ainsi possible de trouver cet essai dans 16 compositions différentes, dont 12 sont en aluminium avec un titre supérieur ou égal à 900 ‰. Dans ces conditions, il est difficile de faire la différence sans procéder à une analyse chimique exacte de l’alliage. Celles de 10 centimes que l’on trouve aujourd’hui dite « en aluminium » ont un poids compris entre 1,82 et 2,01 g et celles de 5 centimes entre 0,93 et 1,09 g. Il ne s’agit pas de frai ou d’usure (ces pièces n’ont pas circulé et celles ayant subi les tests ont très certainement été détruites ensuite), mais de la variation inhérente à la nature même de l’alliage employé.
Si l’on se base sur les masses volumiques théoriques de ces différents alliages, on peut toutefois avoir une idée de ce qui nous est parvenu. Avec un petit pointage rapide sur une trentaine d’exemplaires de 10 centimes, ce sont 6 à 8 alliages qui peuvent être distingués ; pour la vingtaine de 5 centimes passées en revue, ce sont probablement 3 alliages qui peuvent être identifiés.Trois de ces compositions n’ont pas été frappées avec les pièces au type « Dubois » (aluminium pur, argent monétaire et alliage A5). Il est ainsi possible de trouver cet essai dans 16 compositions différentes, dont 12 sont en aluminium avec un titre supérieur ou égal à 900 ‰. Dans ces conditions, il est difficile de faire la différence sans procéder à une analyse chimique exacte de l’alliage. Celles de 10 centimes que l’on trouve aujourd’hui dite « en aluminium » ont un poids compris entre 1,82 et 2,01 g et celles de 5 centimes entre 0,93 et 1,09 g. Il ne s’agit pas de frai ou d’usure (ces pièces n’ont pas circulé et celles ayant subi les tests ont très certainement été détruites ensuite), mais de la variation inhérente à la nature même de l’alliage employé.
Les alliages de masses volumiques les plus élevées semblent avoir été privilégiés pour les petits modules. On retrouve en effet majoritairement des pièces avec une mase volumique faible (des teneurs en aluminium entre 955 et 995 ‰) pour les 10 centimes, contre des pièces majoritairement avec des masses volumiques les plus élevées (des teneurs en aluminium inférieures à 950 ‰) pour les 5 centimes.
De la même manière, celles que l’on retrouve en bronze sont difficilement discernables les unes des autres si ce n’est par leur couleur, permettant une distinction entre des bronze-Alu et des bronzes monétaires. Celles-ci sont beaucoup plus rares que celles en aluminium.

Dans certains cas on trouve aujourd’hui des exemplaires avec des annotations griffées sur les tranches, des poinçonnements. Ces indications, qui peuvent paraître disgracieuses, sont toutefois essentielles pour attribuer les exemplaires à tel ou tel alliage, provenant de tel ou tel essai. Ces informations sont contemporaines des essais et ont été faites à dessein. Elles correspondent à une numérotation permettant d’identifier, après test, les pièces dont il s’agit.

La Monnaie avait réalisé en propre, avant l’établissement de cette commission, un certain nombre d’essais. On trouve ainsi de manière beaucoup plus rare des essais datés de 1905 en nickel ou en maillechort. A noter que ces pièces ne portent pas la mention ‘essai’ et que le visage féminin est légèrement différent. Trois de ces pièces ont été employées à titre comparatif lors de tests d’usure dans le cadre des travaux de la commission de la monnaie d’aluminium. Leur masse et une réaction à l’aimant permettent de les distinguer très facilement. Pour le reste des monnaies au type « Dubois », elles ont été frappées exclusivement dans le contexte de ces travaux.
Le rapport de la Commission de la Monnaie d’Aluminium ne donne pas d’indications sur les quantités totales qui ont été frappées pour l’ensemble de ses travaux. On relèvera toutefois que quatre groupes de tests ont été réalisés avec les alliages d’aluminium et de cuivre. Les trois premiers ont utilisé le type 5 centimes gravé par J.B. Daniel-Dupuis ; le quatrième groupe de tests n’a employé que le type gravé par H. Dubois.
Les trois premiers groupes ont testé au moins 467 pièces contre 368 pour le quatrième. Un cinquième groupe d’essai a été réalisé spécifiquement sur l’alliage Br-Al. Un total de 120 flans ont été commandés à sept entreprises différentes, soit un total de 840 flans en bronze-alu. Le nombre exact testé et donc ce qu’il a pu rester de ces 840 flans à l’issue des essais, n’est pas mentionné.
Concernant plus particulièrement l’essai de Dubois, un minimum de 368 pièces en aluminium et alliages ont été testées. Les alliages sont issus de huit entreprises différentes. On peut raisonnablement imaginer qu’un nombre de frappes équivalent à ce qui a été fait pour les Br-Al ont été faites dans les différents alliages d’aluminium pour avoir les quantités suffisantes pour les essais (Guilloteau (1943) ne mentionne aucun chiffre de fabrication). Soustraction faite des 368 pièces soumises aux tests, ce serait donc vraisemblablement un total de 350 à 400 pièces qui subsisteraient encore aujourd’hui, dans les différents alliages testés.

ON TROUVE AUJOURD’HUI CES ESSAIS…

En aluminium (compositions variables) (fichier monnaie fmd_313114).

En bronze-alu (fichier monnaie fmd_313115).

En bronze monétaire (fichier monnaie v14_1112).

Aux trois modules (fichier monnaies fmd_405232).

S’il était besoin de signer cette gravure et d’apporter une preuve supplémentaire, je ne renverrais qu’à une médaille, qui elle est signée…

Xavier BOURBON

SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES

Commission de la monnaie d’aluminium (1910) Rapport final. Paris.
- Guilloteau V. (1943) Monnaies Françaises. Colonies 1670-1942 - Metropole 1774-1942. VG Numismate, Versailes 1937-1942.
- Martin J. (1898) Nos peintres et sculpteurs, graveurs, dessinateurs. Tome II. E. Flammarion Ed. Paris.
- Mazard J. (1969) Histoire monétaire et numismatique contemporaine. Tome II : 1848-1967. Bourgey Ed. Paris.
- Taillard M. & Arnaud M. (2014) Essais monétaires et Piéforts français. Editions Victor Gadoury.

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