Retrouvez ci-dessous l'intégralité de l'article de Jean-Baptiste Storz (ADF 41) et du Dr François Sikner consacré aux 2 francs et 5 francs Cérès sans légende frappés à la monnaie de Bordeaux
COMBINAISONS DE COINS ET VARIÉTÉS
Après épuisement des coins de 2 et 5 francs fournis par la Monnaie de Paris, Henri Archange Delebecque obtient finalement l’autorisation d’ouvrir un atelier de fabrication de coins et viroles. On connait précisément l’inventaire du matériel nécessaire et des dépenses effectuées en 1870 : « Achat d’un balancier pour l’enfonçage des coins munis de tous les accessoires nécessaires à ce genre de travail tels que, tas supérieur et inférieur en acier, avec virole de centrage, tours pour tourner l’acier, bacs à tremper, fourneaux à faire chauffer les coins pour les tremper et les recuire, installations diverses telles que maçonnerie, charpenterie, établi du graveur, établi de ses aides et tous outils accessoires. 3 837,20 fr ».(1)
Les barres cylindriques d’acier de monnaie nécessaires pour la fabrication des coins pourraient provenir de la maison Petin-Gaudet de la Loire, fournisseur habituel de la Monnaie de Paris à cette époque.(2)
Delebecque recrute donc un graveur local, Bertrand Marchais, qui met au point une méthode originale de duplication des coins. Aucune matrice n’a été fabriquée. Des poinçons de tête et de couronne sont récréés à partir des coins encore intacts fournis par Paris comme l’atteste un courrier du commissaire des Monnaies(3).

Centre des archives économiques et financières,
Fonds d’archives de la Monnaie de Paris, série F9
D’autres poinçons de lettres et de différents complètent la réalisation des coins bordelais. Cette technique de fabrication ne permet pas d’obtenir des coins identiques les uns aux autres, d’où la diversité des pièces retrouvées et la possibilité de définir quelques variétés principales. On notera également des variations plus importantes sur les 3 premiers coins de revers mis en service dans la période des premiers tâtonnements. Au total pour les 2 et 5 F sans légende,13 poinçons de tête et de revers et 10 poinçons de lettre monétaires et différents seront difformés en août 1871 (se référer à la rubrique vie des coins du site www.ceres-bordeaux.net).
Ces pièces sont répertoriées dans les ouvrages de référence, mais sans distinction concernant l’utilisation des coins fabriqués à Paris ou à Bordeaux. Ces combinaisons et variétés sont détaillées ci-après, en se basant sur les références de l’ouvrage Le Franc(4).
5 FRANCS 1870 K
La principale différence entre les coins d’avers fournis par Paris et ceux fabriqués à Bordeaux se trouve au niveau de la signature, la typographie de forme romaine est remplacée par celle à bâtons.

Les coins de revers fabriqués à Bordeaux ont une étoile dans laquelle est placée la lettre M (différent de Marchais) à la place de l’ancre (différent de Barre) sur les coins fournis par Paris. Ce M se trouve avec différentes orientations.

Les caractéristiques des principales variétés sont résumées sur la photo ci-dessous.
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F.332/2 – correspond aux premières pièces frappées avec les coins fournis par Paris.
F.332/2var – utilisation d’un coin d’avers fabriqué à Bordeaux et d’un coin de revers provenant de Paris, cette combinaison n’avait pas été répertoriée précédemment, trois exemplaires retrouvés.
F.332/3 – pièces frappées avec des coins d’avers et de revers fabriqués à Bordeaux, avec M orienté à 16h00.
F.332/3var – pièces frappées avec un coin d’avers de Paris et celui de revers fabriqué à Bordeaux, avec M orienté à 16h00. Les références F.332/3 et F.332/3var semblent se trouver dans les mêmes proportions.
F.332/4 – pièces frappées avec des coins d’avers et de revers fabriqués à Bordeaux, avec M orienté à 11h00. On distingue une étoile sous la croix de Delebecque, certainement dû à une erreur de poinçon corrigée sur le coin.

F.332/4var – pièce frappée avec des coins d’avers et de revers fabriqués à Bordeaux, avec M orienté à 10h30, qui présente la caractéristique d’avoir une inversion des segments de virole avec une tranche LA * FRANCE / *PROTEGE * / ***** DIEU. Répertoriée par le Dr F. Sikner dans son étude (5), un exemplaire complet et un revers recensé dans un catalogue de vente en 1972.

F.332/5 – pièces frappées avec les coins d’avers et de revers fabriqués à Bordeaux, avec M orienté à 13h30.
F.332/5 var – avec trois feuilles sur le sixième groupe de feuilles extérieures du rameau de droite au lieu des quatre habituelles. Cela a été constaté sur plusieurs exemplaires, dont certains en très bon état, il ne s’agit donc pas d’une frappe faible ou d’un coin bouché mais probablement d’un coin mal poinçonné.
F.332/6 – pièces frappées avec les coins d’avers et de revers fabriqués à Bordeaux, avec M orienté à 11h45. Cette pièce a été répertoriée pour la première fois dans Le Franc en 2007. Il s’agit d’une monnaie difficile à trouver et, détail intéressant, son coin d’avers 5BA0-07 n’a été utilisé que pour cette F.332/6 et la F.332/2var où il s’est cassé. Douze exemplaires recensés.
F.332/7 – il s’agit d’une variante de F.332/5 avec inversion des initiales de la signature répertoriée depuis Dewamin en 1893 (6). Le Dr F. Sikner en a recensé 45 exemplaires. Se méfier des faux pour collectionneurs (voir le Bulletin Numismatique n° 26).
Nous sommes intéressés par les photos de vos exemplaires F.332/2var, F.332/4var, F.332/6 et F.332/7 afin de compléter le recensement de ces variétés peu courantes.
5 FRANCS 1871 K
Dans son étude le Dr F. Sikner a identifié une variété de coins de revers concernant le deuxième groupe de feuilles extérieures du rameau de droite(5).
Ces feuilles sont au nombre de quatre sur les coins fabriqués à Paris, mais on trouve des variantes à trois ou quatre feuilles sur les coins de revers fabriqués à Bordeaux en 1871.

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2 FRANCS 1870 K
Tout comme pour les 5 francs, il existe des combinaisons de coins en 1870 pour les 2 francs.
Les coins de revers fabriqués à Bordeaux ont également une étoile dans laquelle est placée la lettre M (différent de Marchais) à la place de l’ancre (différent de Barre) sur les coins fournis par Paris.
Les coins d’avers sont plus difficiles à différencier que sur les 5 francs, se référer à la page « Identification » du site www.ceres-bordeaux.net pour plus de détails.
Deux variétés de revers existent pour la disposition des feuilles du quatrième groupe extérieur du rameau de gauche :
- type 1 : la feuille centrale se trouve sous les deux autres feuilles, comme sur les coins fournis par Paris ;
- type 2 : les feuilles sont posées les unes sur les autres (la feuille centrale est sur la feuille de gauche et sous celle de droite).
Du fait de l’usure sur cette partie du relief, il est parfois difficile de déterminer si il s’agit d’un type 1 ou 2.
Sur le premier groupe de feuilles du rameau de gauche, on trouve une feuille du bas beaucoup plus longue, pour l’instant cela n’a été observé que sur le coin 2BR0-02.

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Il s’agit du même coin de revers 2BR0-02 utilisé pour F.264/3 var.PL et F.264/3 var.L.
2 FRANCS 1871 K
Tout comme pour 1870, nous trouvons des revers de type 1 et type 2 en 1871, dans des proportions égales.

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RÉFÉRENCES
(1) Expertise de 1875 avec détail des dépenses effectuées en 1870 afin de remettre en état les ateliers. Centre des archives économiques et financières , Fonds d’archives de la Monnaie de Paris, série F9-0000002/5
(2) L’Hôtel des Monnaies de Paris et la fabrication des espèces monétaires - Maxime du Camp - La Revue des Deux Mondes (2e période, tome 78, 1868)
(3) Centre des archives économiques et financières, Fonds d’archives de la Monnaie de Paris, série F9
(4) Le Franc, les Monnaies Françaises - éditions Les Chevau-légers - CGF - Paris (2014, 2017)
(5) La Cinq Francs Cérès sans légende - Dr François Sikner (2000, 2011)
(6) Cent ans de numismatique française de 1789 à 1889 - Emile Dewamin (1893)
Jean-Baptiste STORZ (ADF 41)
Dr François SIKNER