LE GADOURY 2021

Bien que je n’aie pas de cheminée chez moi, le Père Noël m’a cependant apporté la dernière édition du Gadoury, c’est à dire celle de 2021 qui vient de paraître en décembre dernier.
À mon avis, le Gadoury ne cesse de s’améliorer, avec de belles images, des domaines qui ne sont pas présents dans le catalogue Le Franc, ce qui est toujours intéressant pour un bon nombre d’amateurs. Le prix de 29€ de ce catalogue est largement justifié et reste à la portée de nombreux collectionneurs. Je le recommande sans l’ombre d’un doute ; il reste une référence incontournable pour les personnes qui collectionnent ou qui s’intéressent aux monnaies françaises. 
Je constate cependant que certaines informations font défaut ; en France on trouve de plus en plus de monnaies gradées et il n’y a aucune référence à cette réalité dans le catalogue. Il devrait au moins figurer un tableau de correspondance et, pourquoi pas, pour les différents états de cotation à savoir B, TB… FDC. Il serait intéressant d’avoir le grade équivalent indiqué. Je pense également que des commentaires de type historique qui retraceraient la raison d’être de la série ou sa rareté, ou certaines particularités seraient un plus. 

Avant d’aborder le sujet des cotations de cette nouvelle édition, je vous rappelle que les cotations sont tout d’abord des estimations qui comportent une certaine marge d’erreur. Par ailleurs, il convient de prendre en compte la marge des professionnels (cette marge inclut les différentes charges et taxes à acquitter). Enfin, des fluctuations dépendent de facteurs divers, comme l’évolution du niveau économique, la variation du nombre d’amateurs d’une série ou d’un domaine spécifique, la découverte de stocks et sa dispersion sur le marché numismatique.
Pour résumer, une cotation ne reflète pas toujours le prix du marché. D’ailleurs, un prix de marché, qui se calcule à partir de la moyenne de prix réalisés, doit pour être valable être actualisé constamment, ce qui est impossible. 
Autant il est simple de faire l’estimation d’un bien immobilier, autant il est difficile de faire de même pour les monnaies. Ce n’est pas la première fois que j’écris cela et j’insiste sur ce point car pour moi il n’y a rien d’étonnant à voir une monnaie partir lors d’une enchère à un prix deux, trois ou quatre fois supérieur à la cote correspondante. Bien évidemment, cela arrive pour des monnaies très particulières et heureusement c’est loin d’être le cas généralement. 

Maintenant, revenons aux cotations du catalogue à propos desquelles je souhaiterais développer quelques observations.

En tout premier lieu, je ne partage pas le fait de continuer à coter les monnaies dont les états de conservation sont B et TB pour les monnaies postérieures à 1900. En outre, pour celles antérieures, l’état B n’a pas raison d’être. Il suffit éventuellement d’indiquer un coefficient (pourcentage) à prendre en compte pour calculer la cotation correspondante. À part les grandes raretés pour lesquelles ces états peuvent se justifier, pour la grande majorité des monnaies, elles sont pratiquement invendables aux cotes indiquées et se trouvent fréquemment dans des lots vendus au kilo (dans le cas des modernes). Faire croire à un collectionneur que sa collection a une valeur de 1 500€ car elle est constituée de 300 pièces avec une cote moyenne de 5€ est illusoire. De nombreuses monnaies en argent de qualité moyenne ont de la valeur à cause de leur teneur en argent et rien d’autre, comme par exemple la 5 francs Semeuse, la 50 francs Hercule.
Un autre aspect qui me « chagrine » dans ce catalogue est l’absence de grade intermédiaire entre le SUP et le FDC, c’est-à-dire le SPL, qui correspond en réalité au SUP à FDC. Pourquoi cela me dérange-t-il ? Tout simplement à cause de l’écart de prix entre le SUP et le FDC qui est dans de nombreux cas de plusieurs milliers d’euros. 

Maintenant, je vous présente quelques cotations qui ne correspondent pas à la réalité du marché et j’explique pourquoi. 

A -10 centimes 1914 Lindauer avec un tirage de 3 972 pièces cote en FDC 5 000€.

CGB a présenté cette pièce à la vente 19 fois, généralement des monnaies SPL ou FDC et avec en moyenne un prix de l’ordre de 3.000€ en FDC. Il y a en tout 39 monnaies gradées FDC par NGC et PCGS, ce qui montre bien qu’ayant pourtant une frappe très faible, cette monnaie n’est pas très rare de nos jours et se trouve assez facilement. Il y a des années, la rareté de cette pièce était réelle, on ne la voyait pas souvent sur le marché numismatique, mais il s’avère qu’au moins un rouleau (ou deux) de monnaies neuves est apparu, faisant alors chuter la rareté de cette pièce et bien évidemment le prix. 
Étant donné les résultats obtenus lors d’enchères récentes, je pense que la cote actuelle de cette pièce est de l’ordre de 3 000€ en FDC. 

   
Images courtoisie de Heritage Coins

B- 5 francs 1806A Napoléon I^er 826 362 exemplaires frappés cote en SUP 1 100€ FDC 3 600€

CGB a présenté il y a 22 ans un exemplaire SPL, celui de la collection Alain Davis, et depuis rien d’autre dans cette qualité. Quant à NGC et PCGS, elles ont gradé en tout et pour tout deux exemplaires en FDC et cinq exemplaires en SPL. La société Héritage aux États-Unis a vendu il y a respectivement 8 ans et 5 ans les deux exemplaires FDC connus à 13 000€ chacun. Au vu de la cote et de la quantité frappée, on pourrait penser que finalement cette monnaie est assez courante, mais la réalité est très différente car elle est en fait très rare en très belle qualité, et la cote en FDC devrait être au minimum de l’ordre de 8 000€. 

Image courtoisie de Alde enchères Coins

C- 5 francs 1859A Napoléon III 3.365 monnaies frappées cote en FDC 9.000€.

CGB a vendu un seul exemplaire SPL de cette pièce il y a 13 ans. Un autre exemplaire a été vendu lors de la dispersion de la collection Patrick Guillard en 2018 avec un prix de 27 500€ en FDC, et l’exemplaire vendu par CGB a été proposé chez MDC en SPL 42 000€ en 2017. Finalement deux exemplaires ont été gradés FDC et trois exemplaires SPL. Au bas mot, la cote de cette monnaie devrait être de 20 000€, très loin de la cote indiquée. 

D - 100 francs 1855A Napoléon III 50 901 monnaies frappes, cote en FDC 5 000€
CGB a proposé 64 fois cette pièce, MAIS aucune en SPL ou FDC. Un seul exemplaire gradé FDC par PCGS qui vient d’être vendu par Heritage pour la coquette somme de 37 000€, sans commentaire !

Les trois premières monnaies présentées précédemment ont des cotes similaires dans le catalogue le Franc 2019. Je pense honnêtement que certaines cotes sont à revoir, mais je ne jette pas non plus la pierre car il y aura toujours des cotations qui ne seront jamais d’actualité, ce qui est souvent le cas pour les monnaies rares en qualité FDC. Il faut juste en être conscient. Il y a également un phénomène très particulier qui est apparu récemment et qui s’est accéléré dans le courant des deux dernières années : les prix ont littéralement explosé pour certaines monnaies et il est impossible de mettre une estimation sur ces pièces, surtout en sachant que ces monnaies sont connus à quelques exemplaires. 

Quoi qu’il en soit, lors de la séance d’exposition des monnaies préalable à la vente aux enchères, les amateurs constateront l’état de conservation des pièces. Avec ces informations et à partir de quelques recherches, ils auront une idée de jusqu’où ils peuvent enchérir, et cela sans tenir particulièrement compte des cotes.

Les catalogues de cotation permettent d’avoir une estimation, et celles-ci sont cohérentes. Mais dans le cas de monnaies chères, je conseille fortement de réaliser des recherches plus approfondies quant à la rareté, la qualité, les prix réalisés lors d’enchères récentes, etc. Cela vous permettra d’estimer en toute connaissance de cause ce que vous désirez acheter ou vendre. 

Un dernier mot pour rappeler que le Gadoury n’est pas seulement un catalogue de cotation, mais aussi une petite encyclopédie de numismatique avec de nombreuses sections très intéressantes comme les monnaies commémoratives, les frappes de Monaco, les napoléoniennes, les monnaies de la Corse… Un très beau et très bon catalogue, avec beaucoup de travail de recherche, de mise en page… à ne pas rater !

Yves BLOT