LE CONCOURS DE LA 10 FRANCS 1987 POUR LE MILLÉNAIRE CAPÉTIEN - 1re PARTIE

Pour la pièce commémorative de 10 francs 1987, c’est le millénaire de l’avènement de Hugues Capet qui est mis à l’honneur. Le concours a réuni 133 projets qui ont été adressés avant la date limite fixée au 1^er septembre 1986. La procédure de vote du jury (composé de 13 personnes) se déroule de manière habituelle en trois tours :
• 1^er tour : les dessins ayant obtenu au moins une voix sont retenus pour le deuxième tour ;
• 2^e tour : les dessins ayant obtenu au moins 3 voix sont retenus pour un 3^e tour ;
• 3^e tour : vote à bulletin secret pour le choix des 3 meilleurs projets.

À l’issue du vote, le classement du jury est :
• 1^er : Hervé Duetthe (63) ;
• 2^e : Edmond Hubschwerlin-Chevalier (40) ;
• 3^e : Gérard Baldrati (51) ;
• 3^e ex-aequo : Georges Yoldjoglou (89) ;

Jean Belaubre, membre du jury et conservateur à la Monnaie de Paris, écrit au directeur de la Monnaie, le 10 septembre 1986, la lettre suivante :
« A la suite de la réunion du jury, j’ai eu des doutes sur la validité du type monétaire choisi par l’artiste pour figurer au droit de la future pièce de 10 francs.
J’ai donc effectué une recherche et il m’est apparu que le droit du denier représenté avec la titulature GRATIA DI REX n’est qu’un démarquage des deniers ducaux de l’atelier de Paris portant GRATIA DI DUX. Or, un habile faussaire du début du siècle, nommé Farigault, s’est autorisé cette licence pour « émettre des faux deniers d’Hugues Capet roi, auxquels tous les grands numismates de l’époque se sont laissés prendre et, après eux, Lafaurie qui les a dûment accueillis dans son catalogue scientifique des monnaies de rois de France. C’est dire que consacrer un tel faux sur une pièce de la République serait pour le moins osé et entraînerait automatiquement des critiques des spécialistes.
On peut donc demander à l’artiste de substituer DUX à REX. 
Ce genre de mésaventure suscite de prendre des mesures pour qu’elle ne se reproduise pas. Il faudrait, lorsqu’un sujet comporte des aspects d’ordre scientifique, que les projets des artistes soient d’abord passés au crible de spécialistes avant d’être soumis au jury. Un délai de 24 heures précédant la réunion m’aurait permis de mener cette petite enquête avant la présentation du projet et d’informer le jury de ces résultats.
Cela méritait un examen plus approfondi que celui qu’on a pu accorder à chacun des 130 et quelques projets qui ont défilé sous nos yeux dans un temps si court qu’il était impossible de critiquer chacun d’eux dans les détails. » [MEF-MACP, SAEF/RG6].

De ce fait, le directeur de la Monnaie, Jacques Campet, adresse le 3 octobre 1986, au ministre des Finances, le classement du jury avec cette mention :
« En ce qui me concerne, je tiens à indiquer au Ministre d’Etat qu’un membre du jury a fait observer que le sceau reproduit sur le dessin classé n°1 est un faux. En outre, tant pour des motifs esthétiques que pour des raisons d’ordre commercial (frappe de monnaies de collection), je me permets d’attirer l’attention du Ministre d’Etat sur l’intérêt que me paraît présenter le projet de M. Gérard Baldrati. » [MEF-MACP, SAEF/RG9].

Le ministre des Finances écoute le directeur de la Monnaie et le classement officiel final devient :
• 1^er : Gérard Baldrati 
• 2^e : Hervé Duetthe 
• 3^e : Edmond Hubschwerlin-Chevalier
• 3^e ex-aequo : Georges Yoldjoglou 

Le type mis en production sera légèrement modifié par rapport au dessin, avec notamment le déplacement de la légende « REPUBLIQUE FRANCAISE » de l’avers vers le revers. En voici le descriptif officiel :
• « Avers : Représentation en pieds de Hugues capet (inspiré du gisant de la Basilique Saint-Denis (93)). De part et d’autre du personnage, constellation de 39 « croisettes » (forme de croix de Malte), croisettes que l’on peut trouver sur les deniers parisis en argent de l’époque de Hugues Capet. Sur le pourtour de la pièce les inscriptions sont les suivantes : en partie haute à gauche du visage de Hugues Capet le mot « MILLENAIRE » et à droite du visage « CAPETIEN ». Le bas des lettres de ces deux mots est tourné vers le centre de la pièce. En partie basse à droite des pieds de Hugues capet l’inscription 987 séparée du mot « MILLENAIRE » par une croisette, à gauche des pieds l’inscription 1987 séparée du mot « CAPETIEN » par une croisette. Le haut des chiffres 987 et 1987 est tourné vers le centre de la pièce. Toutes les inscriptions de l’avers sont des lettres capitales du type « Egyptienne anglaise » nommée « Proteus médium ».
• Revers : Au centre est inscrite la valeur de la pièce « 10 » en chiffres et le mot « Francs » (en toutes lettres) inscrit en dessous. Dessous encore et centré, le millésime « 1987 », de part et d’autre du millésime se placent les deux « différents » de l’Administration des Monnaies et Médailles et du Graveur Général des Monnaies. Sur le côté droit, la signature de l’auteur « G.BALDRATI ». Sur le pourtour en partie haute par rapport à un diamètre horizontal l’inscription « REPUBLIQUE FRANCAISE » le bas des lettres tourné vers le centre de la pièce. Sur le pourtour de la pièce en partie basse, l’inscription « LIBERTE EGALITE FRATERNITE », le bas des lettres tourné vers le centre de la pièce. Les deux groupes de mots sont séparés par des « croisettes ». Un filet circulaire sépare cette couronne de lettres, des inscriptions du centre de la pièce. Toutes les inscriptions du revers sont en lettres capitales, sauf le mot « Francs » (F capitale et le reste bas de casse). Lettres de type « Egyptienne Anglaise » nommée « Proteus médium » » [MEF-MACP, SAEF/RG9].
La modification du positionnement de la légende « REPUBLIQUE FRANCAISE », de l’avers vers le revers, est dû au commentaire d’un conseiller technique du Ministre : « C’est une gravure type « image d’Epinal », moins originale que la précédente. Le fait que l’inscription « REPUBLIQUE FRANCAISE 987-1987 soit présentée sur une même ligne laisse à penser que la République a été fondée en 1987. » [MEF-MACP, SAEF/RG9].

Normalement la pièce aurait dû être produite au nouveau format de la 10 Francs République, i.e. en nickel et au diamètre de 21 mm, mais le rejet par la population de ce nouveau format a poussé à revenir en arrière et reprendre le format et la composition de la 10 Francs « Mathieu ».

Dans les registres des archives [MEF-MACP, SAEF / RG9] figurent 108 dessins sur les 133 candidats enregistrés. Sur les dessins ne figurent pas les noms mais des numéros afin de ne pas influencer les membres du jury. Nous avons retrouvé également la liste de correspondance entre les numéros et les noms. Nous n’avions pas la place dans Le Franc, les monnaies, les archives de publier tous ces dessins. 

Nous le faisons à travers le Bulletin Numismatique. Vous pouvez ainsi vous mettre à la place du jury : auriez-vous fait les mêmes choix ?

Philippe THÉRET
ADF 481 - unionetforce@free.fr

Références :
[MEF-MACP, SAEF / RG6&RG9] Le concours monétaire de la 10 Francs 1987 pour le millénaire capétien.