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ITALIA, VITULIA, NAISSANCE DU NOM D’UNE NATION | 09/09/2019 Publications Découvrez ci-dessous l'article de M.Sferrazzainitialement paru dans le Bulletin Numismatique 189. Au-delà des Alpes, une péninsule en forme de botte plonge dans la Méditerranée. Bien avant l’avènement de Rome, elle était habitée par de nombreux peuples que l’on pense indo-européens. Rome, dans son expansion, devait s’allier à tous ces peuples ou les soumettre. Les richesses, le droit profitaient essentiellement aux Romains sous le couvert d’une « citoyenneté » que le Sénat de Rome refusait aux peuples alliés. Cette exclusion de la « providence nationale » avant l’heure, cette arrogante discrimination de Rome devaient soulever toutes ces « tribus » disparates dans une insurrection générale inscrite dans l’histoire sous le titre de « Bellum Sociale ». Picéniens, Vestins, Péligniens, Marses, Sabins, Samnites, Marrucins, Frentans, Lucaniens, Apuliens, Ombriens, Osques, Messapes, Grecs, Sicules, et autres péninsulaires entendent signifier à Rome leur souveraineté et fondent en 90 acn le principe d’un État. Ces gens élisent un Sénat de 500 membres, 2 Consuls et 12 préteurs ; constituent une armée. Ils battent monnaies et se choisissent une capitale en la Cité de Corfinium qu’ils rebaptisent ITALICA. L’émission d’une monnaie commune est un élément fondateur et fondamental dans la naissance et l’existence d’une communauté constituée en État et en Nation aspirant à la souveraineté, à la liberté et à la prospérité. C’est aussi un moyen de propagande !
Notons que ces premières monnaies « italiennes » figurent au droit un visage de femme lauré. Ce profil serait peut-être celui de la déesse ITALIA. Ce mot en Latin apparaît avec ce qui serait son équivalent en langue « locale » soit VITULI. Notons que sur ces monnaies nous ne lisons qu’un alphabet latin. L’absence de l’alphabet « Osque » s’expliquerait-il par une évolution du langage et de l’écriture ou par un principe de soumission culturelle que nous appellerions aujourd’hui « phénomène d’intégration et d’adaptation » ? Quoi qu’il en soit, nous pourrions deviner que la Ligue italique prétendait plus à l’acquisition de la citoyenneté romaine qu’à l’indépendance nationale. Au revers, on décrirait une scène initiatique, probablement une cérémonie, peut-être militaire, un « serment de fidélité » ou plutôt « une prestation de serment », dans ce cas à la Ligue italique… quatre personnes de chaque coté, au centre une personne agenouillée tient un porcelet qui devrait avoir les pattes en l’air. Les huit personnes pointent leur épée vers le porcelet et échangeraient leurs promesses. Certains pensent que cette scène se réfère au premier pacte scellé entre Romulus et les Sabins, soit un premier serment formulé et accepté entre Rome et ses alliés. On observe un étendard à l’arrière. Nous lisons sur celui-ci l’inscription : VITVLI VIΓVLI Ce mot, ce « concept », serait en rapport avec des veaux, des bovidés, des taureaux. Animaux symboliques, totems d’un peuple, les VETULI, d’une terre, la VETULIA, ou encore emblèmes de la Confédération italique. L’autre monnaie représente une déesse casquée et armée assise sur des boucliers, couronnée par la victoire - déjà la représentation de la nation victorieuse. La Ligue semble avoir donné du fil à retordre aux Romains. Maintenant nous lisons : ITALIA IΓΛLIΛ Il semblerait qu’il s’agisse de la première apparition épigraphique d’ITALIA dans l’histoire. Pour les Etrusques, le mot « italos » signifierait : taureau. Dans ces conditions l’appellation viendrait du Nord pour se répandre ver le Sud et pas l’inverse. Cette théorie est défendue par le Professeur Massimo Pittau. Selon lui, les Etrusques appelaient peut-être « bœufs » tout ce qui n’était pas de leur « stripe », et peut-être pas gentiment, un peu à la façon des Grecs qui ne voyaient chez les « autres » que des barbares… Dans cette vision, le terme « italos » désignerait des gens, pas un pays… Je me souviens que Mommsen rapportait que les étrusques appelaient « Ram », « ceux qui sortent des bois » les hommes qui devaient devenir les Romains… Héraclès volant les cent quinze bœufs de Géryon, il mène le troupeau le long des côtes de la péninsule. Un taureau s’échappe jusqu’en Sicile, Héraclès l’y retrouve et appelle le pays Italia, de « italos » qui en dialecte grec local aurait signifié « taureau ». Certains entendent dans un grec ancien les mots « oi (v)italioi », OUITALIA , OUITALIOS, WETALON qui signifient TAUREAU ou PAYS DES VEAUX. Un peuple a-t-il suivi cet animal jusqu’au lieu de son installation pour ensuite en prendre le nom ? Les peuples qui habitaient ces régions étaient peut-être des grands éleveurs de veaux, à moins que les Grecs aient trouvé dans cette région un nombre remarquable de bovidés. Ce peuple, ces VITULI, avaient-ils choisi comme symbole, comme emblème, comme Dieu un taureau ? Nous n’en savons rien.
Du centre au sud de la péninsule on essayait de s’opposer à l’expansion romaine. L’emblème de ces peuples, on s’en étonnerait… était le taureau. Lors des guerres civiles un certain monnayage proposait un taureau italique en train d’encorner une louve romaine. Notons sur cette monnaie le maintien de l’alphabet « osque ». Au Ve siècle acn, Antiochos de Syracuse situe l’« ITALIA » dans le sud ouest de la péninsule. Il appelle ses habitants les Italos. Au IIe siècle acn, Polybe étend le territoire de l’ITALIA du détroit de Messine aux Apennins septentrionaux alors qu’à la même époque Caton l’Ancien englobe sous l’appellation toute la péninsule jusqu’à l’arc alpin. Au Ier siècle acn, Auguste rend officielle la vision de Caton, et ce ne sera qu’au IIIe siècle sous Dioclétien que la Sicile, la Sardaigne et la Corse intégreront l’entité. Au Ve siècle acn, l’appellation « Italiotai » indiquait les Grecs installés avec leurs colonies (Reggio, Sibari, Thurii, Crotone, Hipponion, Poseidonia, Skylletion) en Calabre. Dans L’Eneide de Virgile, seize générations avant la guerre de Troie, ITALOS, fils de Telegonos et de Pénélope, règne sur les Oenôtres. Son royaume couvre une partie de la Calabre et de la Basilicate et va jusqu’à Tarente. Ce roi avait sédentarisé son peuple et installé sa capitale à Pandozia Bruzia, probablement la ville actuelle de ACRI. « Italos devint un législateur si apprécié pour sa justice et sa manière de gouverner que son peuple appela ses territoires du nom d’Italie en son honneur, en sa mémoire ». Mais j’ai pu lire encore que le peuple des Sicules établi en Calabre dut quitter cette région pour se réfugier en Sicile, île à laquelle il aurait donné son nom. Le roi de ces Sicules se serait appelé Italo et ce serait ce roi sicilien qui aurait alors donné son nom à l’Italie… Quelques siècles plus tard, ce sera encore de cette île qu’émergera la langue italienne… Dionysius, Halicarnasse, Aristode, Thucidite évoquent une contrée qu’ils nomment ITALUS… Une hypothèse que j’aime beaucoup tient compte du fait que les Grecs qui colonisent la Sicile et le sud de la péninsule, arrivant de l’Est, voient le soleil couchant rougeoyer et brûler l’horizon à l’endroit du sud de la péninsule et de ses îles. Sans parler de l’activité volcanique. IT associé à AITHO en grec, signifie « brûler ». Nous pourrons entendre AITHNAEST, AITNA pour l’ETNA et AITHALIA, AιθαλÍα pour le lieu de leur implantation dans le sud de la péninsule. VITELIU pourrait trouver son origine au sein du peuple Osque implanté en Campanie, pour lequel il signifiait « Terre des veaux ». Les Grecs l’auraient entendu et l’auraient à leur tour cédé aux Latins après que ce langage en ait perdu le « V ». Dans cette langue, taureau ce serait dit « uitllu » ou « uitlo », qui deviendra en latin « uitellus » puis vitello en italien, veau en français. En sicilien, les Italiens, « ITALIANI » se dit, souvent « TALIANI », le I se perd dans la prononciation. Gian Domenico ROMAGNOSI pensait que les Italiens provenaient d’une cité en Afrique qui s’appelait TALA. Ce peuple « Talien » venu d’Afrique serait passé par la Sicile avant d’essaimer dans toute la péninsule et de s’implanter particulièrement dans le Sud… Un théorie récente avancée par M. Giovanni Semerano suggère que ITALIA dérive du mot « ATALU » provenant de l’Akkadien, langue sémitique proche du phénicien. Atalu voudrait dire « Terre du coucher de soleil »…
Cette monnaie m’intrigue. Le soldat pose son pied gauche sur un objet. De toute évidence, il foule au pied un symbole romain, signe de victoire et de suprématie. Certains voient un étendard romain, d’autres la carcasse d’une louve, d’autres plus prudents décrivent un objet non identifié. De plus, le Taureau semble présenter un singulier « tramage ». Ne porterait-il pas un vêtement ? Ce taureau ne serait-il pas togé en signe de dérision ?
https://www.coinarchives.com/01da2047ea5c4dd99d53a851209de7b4/img/palombo/017/image00026.jpg En 1899, le linguiste Eugenio Malgeri présupposait déjà que la recherche de l’étymologie du mot ITALIA serait difficile, et finalement impossible à établir. Personne ne saura jamais comment est né ce mot. Il en est souvent ainsi en matière d’œuvre divine, même si en même temps il créa les Italiens. En voyant cette monnaie la première fois, j’ai tout de suite été interpellé par cette disposition des lettres. L’écriture latine se lit de gauche à droite et l’écriture « osque » se lirait de droite à gauche. Ici, nous n’observons que des lettres de l’alphabet latin. Sur cette monnaie, il m’apparait une bizarrerie, qui me semblerait bien volontaire. Selon le sens de lecture, apparait VITULI ou ITALIA. Il s’agit en fait d’un ambigramme, d’une inversion. La représentation graphique du mot avec une rotation donne soit le même mot, soit un autre mot qui dans ce cas est un équivalent. VIΓVLI = IΓΛLIΛ = VITVLI = ITALIA A. SFERRAZZA RÉFÉRENCES
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