
DEUX NOUVEAUX JALONS DES TRANSITIONS DES Xe ET XIe SIÈCLES
MIS EN VENTE ET DONT L’UN EST INÉDIT
Le Xe siècle est la période de transition entre la période carolingienne et féodale. Les monnaies y sont encore très rares et des exemplaires inédits restent à découvrir.
Un exemple en est l’évolution des types imités des monnaies d’Eudes (888-898) dans la vallée de la Loire au cours du Xe siècle.
Le monnayage d’Eudes présente dans la vallée de la Loire des légendes intérieures circulaires (exemplaire de Tours, figure 1, et d’Angers, figure 2).

Figure 1 : Denier d’Eudes de Tours.
D) + MISERICORDIA DH autour d’un monogramme R◊DO [R]X dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
R) + HTVR◊NES CIVITAS autour d’une croix.

Figure 2 : Denier d’Eudes d’Angers.
D) + GRATIA D-I REX autour d’une légende intérieure circulaire ◊DO X dans le sens des aiguilles d’une montre autour d’un point (de centrage ?)
R) + ANDECAVIS CIVITAS autour d’une croix.
Une série angevine connue par moins de dix exemplaires reprend, en la stylisant, cette légende. Cette série, toutes variantes et émissions confondues, est composée de deux oboles (Legros 941 et l’exemplaire vendu par CGF = figure 3) et sept deniers à la croix non cantonnée (Legros 640, Legros 642, Legros 643, Bernard réf. 1 p. 61 et réf. 2 p. 66, un exemplaire trouvé dans les fouilles de la motte de la chapelle à Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire) et un exemplaire vendu par CGB = bfe_458300 = figure 4) et l’unicum inédit portant un annelet en cantonnement vendu prochainement (figure 5).

Figure 3 : Obole d’Angers de transition, 0,45 g,
15,5 mm, 1 h, bca_874882 = bca_894420
D) + GRATIA D-I REX autour d’un monogramme d’origine odonique en trois lignes : une croisette / deux croisettes encadrant un point / deux annelets.
R) + ANDECAVIS CI[VITA]S autour d’une croix.

Figure 4 : Denier d’Angers de transition, 1,17 g,
19,5 mm, 10 h.
D) + CRRATIA D-I REX autour d’un monogramme d’origine odonique en trois lignes : une croisette / deux croisettes encadrant un point / deux annelets encadrant un I.
R) + ANDEGAVIS CIVITAS autour d’une croix.
Le nouvel exemplaire vendu est un unicum. En effet, il porte un cantonnement d’un annelet de la croix du revers en 3.
L’exemplaire en vente ici est donc une nouvelle émission encore inédite (bca_1015299).

Figure 5 : Unicum, 1,09 g, 19,5 mm, 1 h.
D) + GIAVTAI-I DIIX autour d’un monogramme d’origine odonique en trois lignes : une croisette / deux croisettes encadrant [un annelet] / deux annelets.
R° + VDIDIVDCVTA[S] premiers V et D liés, autour d’une croix cantonnée d’un annelet en 3.
Cette stylisation continuera sur une émission angevine célébrant probablement la conquête de la Touraine vers 1050 (figure 6).

Figure 6 : Denier de Loches, 1,09 g, 20 mm, 7 h.
D) + LOCAS CASTRO autour d’un motif central formé de trois globules sur une barre, deux annelets au-dessous.
R) + LOCAS CASTRO autour d’une croix.
Cette émission n’était connue que par deux exemplaires publiés au XIXe siècle, un denier et une obole (Legros 763 et 764). Les deux exemplaires vendus par CGF, ainsi que quelques autres exemplaires en collection privée, sont à y rajouter.
La découverte en fouille archéologique en 1987 à la collégiale Saint-Mexme de Chinon (Indre-et-Loire) d’un trésor composé de ces monnaies a permis de prendre conscience de la complexité de cette émission. Les ateliers contenus dans ce trésor étaient Loches, l’abbaye de Beaulieu-lès-Loches, Amboise, la cité de Tours, l’abbaye Saint-Martin de Tours et la cathédrale Saint-Maurice de Tours.
Un des problèmes posés par cette série est que si certains de ces ateliers sont des possessions angevines (Loches, l’abbaye de Beaulieu-lès-Loches et Amboise), la cité de Tours n’est prise qu’en 1044 après un siège d’un an. L’abbaye Saint-Martin de Tours et la cathédrale Saint-Maurice de Tours ne sont pas censées, elles, avoir été possédées par les Angevins ! Néanmoins, les bénéfices semblent entre les mains de familles tourangelles pro-angevines vers 1052-1056. L’existence de ces monnaies montre soit une prétention angevine sur ces lieux, soit, plus probablement, qu’ils ont été contrôlés de façon fugace par eux au milieu de Xe siècle.
Cela explique probablement l’extrême rareté de ces monnaies dont seuls quelques exemplaires sont connus en-dehors du trésor de Saint-Mexme de Chinon car elles furent retirées de la circulation et démonétisées par l’abbé laïc de Saint-Martin de Tours, le roi des Francs !

Ces très rares monnayages sont des jalons de l’histoire ligérienne de l’expansion angevine ainsi que les références carolingiennes qui perdureront plus d’un siècle.
Philippe SCHIESSER
numismate@yahoo.fr
Bibliographie
BERNARD 2023 : Éric BERNARD, Monnaies féodales d’Anjou du Xe au XIVe siècle, Éditions du Petit Pavé, Les Garennes sur Loire, 2023.
DUMAS-DUBOURG 2006 : Françoise DUMAS-DUBOURG, Une bourse du XIe siècles : 119 monnaies poitevines et tourangelles, dans Élisabeth LORANS (dir.), Saint-Mexme de Chinon, Ve-XXe siècles, Paris, CTHS, 2006, p. 395-408.
LEGROS 1984 : Dominique LEGROS, Monnaies féodales françaises, volume 1, D. Legros éditeur, 1984.
SCHIESSER à paraître : Philippe SCHIESSER, Une nouvelle émission d’un rare type angevin du Xe siècle, Actes du colloque de la SENA, La Numismatique en Anjou et autour des bords de Loire de l’antiquité à nos jours, du jeudi 10 avril au samedi 12 avril 2025, RTSENA.