COMMENT ESTIMER LA VALEUR D’UNE MONNAIE FRANÇAISE... (par Yves BLOT)

COMMENT ESTIMER LA VALEUR D’UNE MONNAIE FRANÇAISE
RARE OU PAS COURANTE DU XIX^e OU XX^e

Je pensais à tort lorsque j’ai commencé à rédiger cet article, qu’il serait assez court, mais je me rends compte que finalement, il y a beaucoup de choses à expliquer, que faire une estimation prend du temps et que ce n’est pas si simple ; MAIS d’une part la démarche est intéressante et peut rapporter ses fruits et d’autre part, vous aurez la conscience tranquille ayant estimé la valeur de votre collection. Un appartement sera bien plus simple à estimer, il suffit de connaître la surface, le prix du mètre carré dans le quartier et de prendre en compte l’état général de l’appartement, l’étage, la vue, la terrasse, le box.

Combien de fois n’ai-je pas lu ou entendu : « je connais la valeur de ces monnaies, je ne vais pas les brader, ces monnaies sont très anciennes et par conséquent très chères… »

Il m’est arrivé de voir des offres de monnaies décrites comme étant très anciennes et qui datent de 1960 !

Dans de nombreux cas, cela est en vérité très éloigné de la réalité, mais les vendeurs sont convaincus qu’ils détiennent un trésor, alors qu’ils n’ont jamais ouvert un catalogue de numismatique.

La science infuse n’existe pas et pour savoir il faut en tout premier lieu apprendre !

Faire une estimation précise pour une monnaie exceptionnelle ou une monnaie très rare de très belle qualité est impossible, car il suffit de deux amateurs avec des moyens importants pour arriver à un résultat délirant et inimaginable. L’explication est simple : généralement l’argent arrive avec l’âge, l’argent à la banque est un gage de sécurité mais cela n’apporte aucune satisfaction particulière, alors que vous pouvez contempler un objet d’art tout le temps et l’émotion est toujours présente et impérissable. N’étant pas éternel, c’est un plaisir que l’on peut s’offrir à différentes échelles !

Dans la grande majorité des cas, réaliser une estimation est « relativement » simple, bien que cela puisse prendre un certain temps et en particulier quand vous ne l’avez jamais fait auparavant. Comment font les experts et les professionnels ? Et bien, d’abord cela fait plusieurs années qu’ils travaillent dans ce domaine et ils ont acquis une certaine expérience et des connaissances qui sont indispensables dans tous les domaines et tous les métiers. D’autre part, il y a une certaine façon de procéder qui bien évidemment nécessite préalablement des connaissances minimales. Par exemple, supposons qu’un vendeur propose à un professionnel un lot de monnaies du XX^e siècle. Il y a en réalité très peu de monnaies correspondant à cette période qui ont une cote élevée. Une douzaine au plus, donc la recherche du professionnel va se focaliser sur ces douze pièces principalement et aussi sur les pièces neuves. Des monnaies qui ont une cote de l’ordre de 20€/30€ ont très peu d’intérêt pour les professionnels, car elles sont en général très courantes. Il y a très peu de marge et ce que recherche le professionnel en tout premier lieu n’est pas d’avoir du stock, mais plutôt d’acheter des pièces qui vont se vendre rapidement avec une marge correcte. Une collection de 100 pièces avec une cote totale de 2 000€ sera bien plus difficile à vendre qu’une seule belle pièce à 2 000€ qui par contre se vendra très rapidement. Pour les monnaies antérieures disons à 1900, l’estimation est bien plus compliquée, car il existe bien plus de monnaies « intéressantes » en termes de prix et il faut donc réaliser une certaine démarche, qui est l’objectif de cet article.

Bien que les catalogues de cotation soient en général assez précis, en tout premier lieu, rappelez-vous que les catalogues de cotation ne sont pas imprimés toutes les années et bien qu’en temps « normal » les cotes varient faiblement, ce n’est pas le cas lors d’une forte croissance économique ou au contraire lors d’une récession. De plus, il faut savoir que les cotes sont valables si et seulement si : il existe d’une part une quantité suffisante d’exemplaires proposés et d’autre part un certain nombre d’acheteurs potentiels. Dès que vous sortez de ce cas de figure, les cotes peuvent varier dans des proportions très importantes. Dans le cas des monnaies françaises, les cotes pour la grande majorité des monnaies postérieures à 1900 correspondent à ces critères. Quant aux monnaies plus anciennes, il faut prendre en considération trois paramètres pour arriver à estimer une pièce en particulier :
- La qualité est fondamentale, que la monnaie soit courante ou pas.
- La rareté est un paramètre essentiel à prendre en compte.
- La quantité d’amateurs intéressés par cette monnaie.

Vous allez en tout premier lieu commencer par trier vos monnaies en mettant de côté les plus belles, c’est-à-dire celles qui ont un potentiel de valeur. Ensuite vous allez regarder à nouveau le lot mis de côté et pour cela il vous faut obligatoirement une loupe X10 afin d’évaluer la qualité des monnaies. Si votre monnaie a de nombreux petits coups ou des signes d’usures (des petits plats) sur une grande partie de la surface, ce n’est pas une monnaie de qualité. Vous vous apercevrez à ce moment qu’il ne reste pas beaucoup de pièces du lot. Une fois cette opération réalisée, vous allez faire deux lots en séparant les monnaies par période, c’est-à-dire XX^e ou XIX^e siècle et vous allez vous intéresser en priorité aux monnaies du XIX^e siècle. Il existe des pièces très rares qui ont une cote élevée ou très élevée pour des états de conservation « assez bas », par exemple la 5 francs 1807A au type transitoire dont la cote en TB est de 2 000€ ou la 5 francs 1814CL qui en TB a une cote de 7 500€. C’est un fait que ces deux monnaies sont très rares, mais en réalité, il n’y a pas beaucoup d’amateurs disposés à payer ces prix car elles ne sont tout simplement pas belles et l’esthétique est la première chose que l’on voit, que la monnaie soit rare ou pas !

Pour savoir si une monnaie est rare ou pas très courante, il suffit de regarder la cote correspondante dans un catalogue de cotation ou sur le site internet de CGB www.lefranc.net. Si la cote la plus élevée qui correspond à l’état FDC est par exemple de l’ordre de 100€/200€, la monnaie n’est pas rare ; par contre si la pièce n’est pas cotée pour l’état SPL ou FDC ou la cote est élevée, alors il faut faire des recherches plus approfondies et pour cela, il faut être certain de la qualité réelle de la monnaie.

Cette étape est assez simple. Il faut faire grader la pièce, c’est mon conseil. Ce n’est pas parce qu’une monnaie est brillante qu’elle est neuve, ou qu’elle n’a pas été retouchée, nettoyée… et cela peut conduire dans le cas d’une monnaie non gradée à des erreurs d’appréciation très importantes quant à la qualité. Cela peut coûter très cher ! De nombreux collectionneurs font entièrement confiance aux professionnels ou aux experts pour des monnaies non gradées, MAIS ce n’est pas le cas pour tous les collectionneurs dont je fais partie. Vous ne pouvez pas prétendre vendre une monnaie à plusieurs centaines ou milliers d’euros sur des sites comme Ebay ou le Boncoin avec uniquement votre évaluation personnelle, les pigeons ne volent pas si bas !

Une fois votre monnaie rare gradée, vous pourrez alors rechercher à nouveau la cote correspondante à la qualité réelle de votre pièce. En absence de cote ou pour la qualité FDC, je recommande vivement de regarder sur les sites de NGC et PCGS (les deux plus importantes maisons de grading) le nombre d’exemplaires gradés qui correspondent à votre monnaie.

Le troisième point est plus « délicat » à évaluer. Cependant il y a toujours façon, mais cela demande du temps et des recherches. Il faut regarder du côté des maisons de ventes les résultats obtenus pour des monnaies équivalente à la vôtre tout en comparant ce qui a été proposé et votre pièce. Est-ce que la patine est plus belle, la frappe est meilleure, il n’y a pas de stries d’ajustage… Il est très difficile cependant une fois la comparaison faite de déterminer avec précision quelle va être la valeur réelle de votre pièce, mais vous aurez une idée actualisée et plus proche du prix du marché. Il faut toujours avoir à l’esprit lorsqu’on analyse des résultats de différentes maisons ou sites de ventes, de bien comparer ce qui est comparable : toutes les maisons de ventes n’ont pas la même notoriété, ni la même importance et par conséquent la même pièce vendue à travers deux maisons différentes ne donnera JAMAIS la même enchère ! Les résultats que vous allez récupérer vont vous donner deux types d’informations :
• La monnaie est recherchée ou pas, selon le prix atteint.
• Le prix réalisé pour un état de conservation précis.

Plus le nombre de résultats sera important, plus fiable sera votre estimation. Il peut y avoir le cas de figure de très peu de résultats ou aucun pour une qualité spécifique, mais il y en aura toujours pour d’autres qualités et celles-ci servent de base.

Il y a en réalité dans le domaine de la numismatique, des monnaies qui sont très courantes et très chères comme par exemple la 2 euros de Monaco Grace Kelly de 2007 dont le prix est de l’ordre de 2 800€/3 000€ alors que 20 001 monnaies ont été frappées et que la grande majorité de ces monnaies est en qualité FDC. L’explication est très simple : le nombre d’amateurs qui désirent cette monnaie. Par contre, il y a actuellement en vente sur le site CGB une monnaie de un franc au type Semeuse de 1906 en FDC (4 exemplaires gradés dans cette qualité et aucun au-dessus) au prix de 1 500€ ; cette monnaie se trouve sans trop de difficulté dans des états de conservation moyens, mais dans la qualité proposée elle est introuvable !
Ceci étant dit, il est rare qu’une monnaie récente ait de la valeur, ce qui est le cas de la 2 euros de Monaco de 2007.
L’apparition d’internet et son évolution ont bouleversé la façon de collectionner, car de nos jours, vous pouvez assister en direct et enchérir à des milliers de kilomètres de chez vous. De nouveaux amateurs sont apparus sur tous les marchés parfois dans des domaines très spécifiques. Par exemple en France les monnaies et essais de Napoléon III sont très recherchées par les collectionneurs japonais. Ces derniers ayant apparemment plus de moyens que les amateurs français, les prix flambent ! J’explique cela pour indiquer qu’il ne faut pas se cantonner aux ventes réalisées en France qui finalement ne représentent qu’un petit pourcentage mondial des ventes, il faut regarder au moins les ventes qui ont lieu aux États-Unis et on trouve du matériel très intéressant en Suisse, au Japon…
Si après avoir effectué ces recherches la conclusion est que votre monnaie est assez rare ou rare, dans une très belle qualité et qu’elle est recherchée par les collectionneurs, vous aurez donc une estimation plus précise de sa valeur et dans ce cas il vous sera très facile de vendre la pièce à un très bon prix et surtout en connaissance de cause.
En général, ce n’est pas vous qui faites le choix de la maison de vente (ou de l’acheteur), c’est elle qui le fera à votre place. Si votre pièce intéresse le professionnel ou l’expert, il vous fera tout de suite une proposition : soit l’inclure dans une prochaine vente, soit l’acheter pour l’inclure dans son stock. Par contre si elle présente peu ou pas d’intérêt il vous dira poliment que ce n’est pas le genre de matériel qu’il recherche !

Voici un exemple concret : Vous avez trouvé dans une boite oubliée quelques monnaies, dont une 5 francs 1936 qui a l’air « neuve » et en consultant le site www.lefranc.net, vous constatez que la cote varie entre 1 400€ et 2 500€, ce qui est une jolie somme. Deuxième étape, vous passez par CGB pour faire grader votre pièce par PCGS ou GENIE. La monnaie vous revient avec un grade de MS63, vous ne savez pas du tout ce que cela signifie, mais ce n’est pas important de ne pas savoir, ce qui est intéressant est la conséquence de ce résultat. Afin d’avoir plus d’informations, vous pouvez regarder les sites de NGC et PCGS et il existe jusqu’à présent deux exemplaires gradés MS62 et aucun au-dessus et par conséquent votre exemplaire est le plus beau connu à ce jour. De façon générale, lorsqu’il n’existe pas de cote pour un état de conservation donné, il faut au minimum, multiplier la cote antérieur par deux. Dans ce cas précis, la cote pour cette monnaie dans le site indiqué précédemment est en SUP58 (qui correspond à un état de conservation inférieur) de 2 500€ et par conséquent en passant à SPL63, la cote devrait être au minimum de 5 000€. Maintenant que vous savez que votre monnaie est rare et qu’elle est gradée MS63, il vous faut chercher des résultats de ventes. Vous allez consulter en tout premier lieu la partie archive de la CGB et dans les résultats obtenus pour des monnaies de la même année et même valeur faciale, vous trouvez qu’en l’espace de 20 ans, CGB a vendu deux monnaies gradées AU55 à 2 000€ et 2 500€. Sachant qu’une monnaie AU55 est de qualité très inférieure à une gradée MS63, la valeur de votre pièce est bien supérieure à 2 500€, sachant d’autre part que cette monnaie ne figure pas dans de très nombreuses collections. C’est une monnaie très rare en cette qualité et lorsque je vois sur internet des estimations pour cette même pièce et qualité à 500€, cela me dépasse ! La monnaie choisie pour l’exemple est particulière et il est très peu probable que vous trouviez cette pièce, mais la démarche est exactement la même pour les autres monnaies.

Lorsque vous proposerez la pièce à un professionnel, vous connaîtrez grâce aux démarches effectuées précédemment la valeur du « marché ». Par conséquent, vous pourrez négocier un prix correct, sachant que le professionnel a une certaine marge qui est relativement importante étant donné les multiples charges dont il doit s’acquitter. Je le dis et le répète toujours, la meilleure affaire est lorsque tout le monde est content ! Dans le cas d’une vente aux enchères, je conseille vivement de fixer le prix de départ avec l’expert.

Finalement, parmi les trois paramètres à considérer pour établir la « valeur » d’une monnaie, les deux premiers sont pratiquement invariants, c’est-à-dire qu’une monnaie rare continuera d’être rare, même lors de la découverte d’un trésor, car en général les monnaies retrouvées ne sont pas rares et d’autre part, la qualité ne va pas évoluer avec le temps. Par contre le nombre de collectionneurs intéressés par un domaine spécifique est variable dans le temps, or c’est un des facteurs déterminants pour établir la valeur d’une monnaie et il est possible que ce qui est collectionné de nos jours, le soit beaucoup moins dans quelques décennies.

J’ajoute une petite note informative sur l’absence de cote dans un catalogue et en particulier le Franc :
Dans le cas de pièces rares et très belles, ainsi que pour celles de qualité exceptionnelle, il arrive qu’il n’y ait pas de cote pour les plus hauts états de conservation. En effet, les personnes qui établissent les cotes préfèrent ne pas donner de cotes pour des monnaies dans une qualité qui n’existe peut-être pas ou du moins qu’ils n’ont jamais vue. Je partage pleinement cette décision qui me semble très logique.

Pour conclure, à moins qu’elles ne soient neuves et brillantes deux monnaies sont rarement identiques, comme vous pouvez le voir ci-dessous et établir un prix est un vrai défi !

  
  
Images courtoisie de HERITAGE

Yves BLOT