ATHÈNES : UN TÉTRADRACHME PEUT EN CACHER UN AUTRE

ATHÈNES : UN TÉTRADRACHME PEUT EN CACHER UN AUTRE

La fortune d’Athènes au V^e siècle repose en grande partie sur la récupération du trésor de la Ligue de Délos qui contenait pas moins de cinq mille talents d’argent et qui servit à enrichir et embellir Athènes en opprimant les Alliés. La guerre du Péloponnèse (431-404 avant J.-C.) mit fin à l’hégémonie athénienne. Périclès (449-429 avant J.-C.) ne vécut pas assez longtemps pour assister à la chute de la cité. Thucydide a immortalisé ce conflit dans son ouvrage consacré à la guerre du Péloponnèse dont il fut l’un des acteurs avant d’être lui-même ostracisé, c’est-à-dire exilé.

En trois décennies, nous vous avons proposé à la vente plus de 800 tétradrachmes de la cité d’Athènes, la plupart d’entre eux frappés au V^e siècle avant notre ère, dont les deux tiers fabriqués dans une période chronologique assez courte dans la seconde moitié de ce fameux siècle, celui de Périclès ou de Socrate entre 449 avant J.-C. (paix de Callias) et la défaite de la cité face à Sparte (404 avant J.-C.) qui met fin à la guerre du Péloponnèse. Le tétradrachme d’Athènes semble figé dans le temps et dans l’espace à l’image du sourire qui orne la tête d’Athéna au droit. Sous un seul numéro de l’ouvrage d’Oliver D. Hoover, The Handbook of Greek Coinage Séries, volume 4, Handbook of Coins of Norther and Central Greece, Achaia, Phtiotis, Ainis, Magnesia, Malis, Oitia, Perrhaibia, Thessaly, Akarnania, Aitolia, Lokris, Phokis, Boiotia, Euboia, Attica, Megaris, and Corinthia, Sixth to First Centuries BC, (HGCS 4/), CNG, Lancaster/ London, 2014, le n° 1597, vous avez la page la plus spectaculaire et glorieuse de l’histoire d’Athènes.

Cependant, à y regarder de plus près et en jetant un coup d’œil en arrière, nous pouvons découvrir une quantité d’expression du visage de la fille de Zeus qui font que chaque monnaie est une histoire différente, et c’est à ce travail que nous vous proposons de nous atteler avec cinq tétradrachmes différents de la Live Auction du 23 septembre 2025.

bgr_994954 (TTB, 350€) en vente sur notre site

bgr_994930 (500-480 av. J.-C., 5500€) en vente sur notre site

bgr_933045 (SPL, 2200€) - VENDU

Aujourd’hui, vous avez 38 tétradrachmes d’Athènes de cette période en vente sur la boutique dont les prix sont compris entre 350 et 2 200€. La monnaie la plus chère que nous ayons proposée à la vente, l’a été à 5 000€ (bgr_1010820) sous « slab ». Le prix d’un tétradrachme d’Athènes de cette période va varier en fonction de plusieurs critères. Le premier est la qualité de conservation de la pièce. Plus elle sera belle, plus son prix sera élevé. Le deuxième tient au centrage de la pièce des deux côtés. Frappées sur des flan irréguliers, il est très difficile, pratiquement impossible, de trouver un tétradrachme avec un centrage parfait de chaque côté et le prix pour un tel exemplaire devient alors stratosphérique. Si en plus il est complété par une iconographique irréprochable, une expression du visage d’Athéna ou bien encore par le style de la chouette au revers où toutes les plumes de l’oiseau sont visibles, où l’animal semble prêt à s’envoler, les prix suivent. L’ensemble de ces critères plus celui qui ne peut s’exprimer, « le coup de cœur », fait que le ratio 1 à 10 voire 1 à 20 suivant les exemplaires, peut être dépassé !

bgr_1010820 (5000€) - VENDU

Mais ce ne sont pas les seuls critères à prendre en compte. Le monnayage d’Athènes est peut-être le plus difficile aussi à dater et à apprécier chronologiquement. Nous avons actuellement un très bon outil pour ce faire. C’est l’ouvrage récent de Christophe Flament, Le monnayage en argent d’Athènes, de l’époque archaïque à l’époque hellénistique (c. 550 – c. 40 av. J.-C.), Association Marcel Hoc, Louvain-la-Neuve, 2007. Pour le monnayage glaucophore (à la chouette) entre c. 515 et 185 avant J-C., seul l’aspect, la forme du flan et des variations stylistiques et iconographiques vont permettre de différencier les différents groupes de tétradrachmes et d’établir leur fourchette chronologique.

En revanche le droit avec la tête d’Athéna à droite, coiffée du casque attique à cimier, orné de trois feuilles d’olivier et d’une palmette avec collier et boucles d’oreilles, caractérise les monnaies de la phase standardisée, correspondant à notre période historique. Les XXXIX planches à la fin de l’ouvrage de C. Flament nous offrent un panorama de la diversité de ce monnayage qu’il répartit en trois groupes dont seuls les deux derniers nous concernent. Pour le deuxième groupe (c. 450-420 avant J.-C.), C. Flament a isolé 49 types de portraits différents et 34 pour le troisième groupe (c. 420-405 avant J.-C.). Dans le même ordre d’idée, pour les revers, il place les séries a à g entre 450 et 440 avant J.-C., encore archaïsantes, puis h à m et n à t, pour la période comprise entre 440 et 420 avant J.-C., soit quinze types de revers au total pour le groupe 2 et seulement cinq pour le groupe 3. Des tableaux p. 109-111 regroupent les principales caractéristiques pour les revers et pages 112-117 pour les droits. Mais avant ce travail magistral, de C. Flament, il faut signaler deux études plus anciennes, celle de Chester Starr, Athenian Coinage, 480-449 BC, Oxford, 1970 et celui de Jean Svoronos (1863-1922), Corpus of the Ancient Coins of Athens, Ares, Chicago, 1975, réimpression de l’original en français publié en 1923 et complété des index de Berhendt Pick (1861-1940) en 1925 et 1926 et seules les planches ont été publiés (115 au total pour l’ensemble du monnayage athénien) qui avaient été des pionniers dans ce type d’entreprise, sans oublier le travail initial de C. E. Beulé, Les monnaies d’Athènes, Paris, 1858.

Ces tétradrachmes d’Athènes ont été frappés en très grosse quantité avec de l’argent provenant des mines du Laurion, mais aussi avec les contributions versées par les membres de la Ligue de Délos (477-404 avant J.-C.). Athènes avec la création de la Ligue attico-délienne imposa un tribut à chaque cité alliée à verser au Trésor de la Ligue qui fut finalement rapatrié dans la cité Attique. Ce tribut, parfois imposé par la force, provoqua des révoltes et des sécessions, souvent militairement réprimées. Le début de la guerre du Péloponnèse qui opposa Sparte et ses alliées à Athènes appauvrit le Trésor. Les travaux évergétiques d’embellissement de la cité avec la reconstruction du Parthénon, engagée par Périclès (495-429 avant J.-C.) obérèrent les finances de la cité. Le coût de la guerre et les défaites qu’elles entraînèrent, ajoutées à la défection de nombreux alliés, finirent par ruiner Athènes et obligèrent même la cité, pour la première fois, à frapper des monnaies d’or en 406-405 avant J.-C., issues de la fonte des trésors sacrés et finalement à fabriquer des tétradrachmes de mauvais aloi, à la fin de la période, avant la chute d’Athènes.

La production de tétradrachmes athéniens semble avoir été colossale au cours de la seconde moitié du V^e siècle avant J.-C., correspondant à une production annuelle de 1 000 talents, soit 1,5 million de drachmes soit 375 000 tétradrachmes/an, soit une production totale entre 15 et 20 millions de pièces pour la période considérée.

Nous allons essayer d’appliquer ces différentes données à nos cinq tétradrachmes dont les prix de départ fluctuent entre 250 et 1 200€. Mais avant, il nous faut décrire complètement doit et revers et en fournir les caractéristiques techniques.

Le tétradrachme athénien valant quatre drachmes ou 24 oboles (1 drachme = 6 oboles) est frappé selon l’étalon attique d’une masse d’environ 17,30 g pour le tétradrachme, de très bon argent, allié à un peu de plomb (mines du Laurion). L’axe des coins est normalement à 9 heures, plus rarement à 3, ce qui permet parfois d’identifier les imitations ou les productions à l’extérieur d’Athènes (Égypte ou Levant). La pièce se décrit de la manière suivante :

A/ Anépigraphe
Tête d’Athéna à droite, coiffée du casque attique à cimier, orné de trois feuilles d’olivier et d’une palmette avec collier et boucles d’oreilles.

R/ ΑΘΕ
(d’Athènes)
Chouette debout à droite, la tête de face ; derrière, une branche d’olivier et un croissant ; le tout dans les restes d’un carré creux.

Tétradrachme, Attique Athènes, c. 420-405 av. J.-C. Flament groupe III (Ar, 17,14 g, 26,50 mm, 9h)
HGCS 4/ 1597 – Flament groupe III/ 25-RIIId
Magnifique exemplaire sur un flan idéalement centré des deux côtés. Superbe chouette, finement détaillée. Très beau portrait d’Athéna. Patine grise avec des reflets dorés.

SPL     1 200€/ 2 000€

Tétradrachme, Attique Athènes, c. 440-420 av. J.-C., Flament groupe III (Ar, 17,16 g, 24 mm, 1h)
HGCS 4/ 1597 – Flament groupe III.9-RIIId
Superbe exemplaire, centré des deux côtés. Revers finement détaillé. Joli portrait d’Athéna, bien venu à la frappe. Patine grise.

SUP     ​600€/ 1 200€

Cet exemplaire provient de la Live Auction du 8 mars 2022 (bgr_707320).

Tétradrachme, Attique Athènes, c. 440-420 av. J.-C., Flament groupe III (Ar, 17,11 g, 23 mm, 9h)
HGCS 4/ 1597
Monnaie centrée des deux côtés à l’usure régulière. Joli portrait d’Athéna. Patine grise.
Contremarque au droit et au revers. Marque de démonétisation au droit et au revers.

TTB     ​250€ / 450€

Tétradrachme, Attique Athènes, c. 440-420 av. J.-C., Flament groupe III (Ar, 16,83 g, 23 mm, 9h)
HGCS 4/ 1597
Bel exemplaire, centré des deux côtés. Joli portrait d’Athéna. Revers à l’usure régulière. Patine grise.

TTB+/ TTB     ​400€ / 650€

Tétradrachme, Attique Athènes, c. 440-420 av. J.-C., Flament groupe III (Ar, 16,99 g, 23 mm, 8 h)
HGCS 4/ 1597
Monnaie idéalement centrée. Très beau portrait d’Athéna, bien venu à la frappe. Usure plus marquée au revers. Patine grise.
Deux contremarques au revers, marques de poinçons au droit. Une marque de démonétisation au droit et au revers.

TTB+/ TTB     ​400€ / 650€

Le 23 septembre, vous aurez donc le choix pour placer un tétradrachme d’Athènes dans vos plateaux. Autrement, si vous n’avez pas été assez chanceux ou généreux, vous pourrez toujours vous reporter sur la boutique où, outre la trentaine de tétradrachmes de cette période, vous pourrez découvrir un tétradrachme archaïque frappé entre 500 et 480 avant J.-C.

Autrement, un tétradrachme stéphanophore dit du « Nouveau style » pour compléter votre sélection, pourrait vous offrir une solution de repli (bgr_1031864). Dernière opportunité, vous pourrez toujours chercher dans votre porte-monnaie, la pièce grecque de 1€ (€ 074900) dont plus de 200 millions de pièces ont été frappées depuis 2002 dont 150 millions pour le premier modèle (2002-2006) et qui reprend au droit, le revers du tétradrachme d’Athènes, tout un symbole et une Histoire, une Enquête au sens où Hérodote (484-425 av. J-C.) l’a écrit.

Marie BRILLANT & Laurent SCHMITT