20 FRANCS OR MARIANNE COQ : SI CE N’EST POINT CARRÉ, C’EST DONC PINAY ?

INTRODUCTION

L’examen attentif d’une centaine de pièces de 20 francs or au type Marianne Coq met en évidence un fait intrigant : le point gravé après le mot « Française » est de forme rectangulaire sur les exemplaires présentant par ailleurs les caractéristiques des refrappes Pinay et de forme carrée sur les autres (frappes d’origine). Cet article se propose de faire le point sur ce constat.

LES CONSTATATIONS

Les pièces de 20 francs or Marianne Coq présentent quatre points de ponctuation : trois sur le revers et un seul sur l’avers.

Sur le revers, c’est un point de forme carrée qui sépare chaque mot de la devise républicaine « Liberté Égalité Fraternité» :

Sur l’avers, l’unique point gravé est placé juste après le mot «Française». Sa présence peut d’ailleurs étonner (quelle utilité ?) d’autant plus que la place à cet endroit est contrainte en raison de la proximité de la signature du graveur « J.C. Chaplain ».

Mis à part cette question, l’attention est surtout attirée par la forme variable de ce point, tantôt nettement carrée comme sur le revers, tantôt indéniablement rectangulaire comme illustré ci-dessous :

point carré (ici sur frappe d’origine 1913)

point rectangulaire (ici sur refrappe Pinay millésimée 1909)

Ce constat est d’autant plus intrigant qu’une telle dichotomie n’est pas observée sur le revers où tous les points gravés autour du coq sont invariablement carrés.

Si, sur des agrandissements identiques, on compare la taille du point carré à celle du point rectangulaire, on constate qu’il faut enlever 10 à 20 % de la surface du carré pour obtenir celle du rectangle. En effet, le grand côté du rectangle est de longueur comparable à celle des quatre côtés du carré alors que le petit côté du même rectangle est nettement plus petit :

Il est également intéressant d’étudier la répartition des deux types de points en fonction des millésimes.

On constate alors que les points carrés sont observés quel que soit le millésime de la pièce (1899 à 1914) alors que le point rectangulaire n’apparaît qu’à partir du millésime 1907.

Ceci dit, les fréquences d’observation des deux types de points sont bien différentes :
- 1899 à 1906 : uniquement des points carrés ;
- 1907 à 1914 : une prédominance de points rectangulaires et une minorité de points carrés avec, pour ce dernier, une fréquence allant decrescendo jusqu’à 1914.

Or la période 1907 – 1914 est très particulière dans l’histoire de la pièce de 20 francs or Marianne-Coq car :
- c’est celle pendant laquelle la tranche chrétienne (« Dieu protège la France ») est remplacée par la tranche républicaine (« Liberté Égalité Fraternité »);
- c’est également celle qui correspond à tous les faux millésimes des refrappes Pinay (réalisées entre 1951 et 1960).

Au final, ces constatations amènent à émettre l’hypothèse que :
- le point carré est l’apanage de toutes les frappes d’origine réalisées entre 1899 et 1914 ;
- le point rectangulaire est celui des seules refrappes Pinay, faussement millésimées 1907 à 1914.

La photo ci-dessous illustre le résultat du pointage personnel réalisé sur une centaine de pièces. Il n’a pas mis en évidence de point rectangulaire sur les pièces millésimées entre 1899 et 1906 :

Si on présente la même hypothèse sous la forme d’un tableau, on obtient :

* sur un échantillonnage de 100 pièces (à confirmer donc sur un panel plus large)

** Si, pour une raison ou une autre, la reconnaissance du rectangle s’avère trop difficile (salissures, usure, rayures, choc, frappe molle ou défectueuse, etc.), il est utile de savoir que les refrappes présentent, en même temps que le point rectangulaire, la version la plus courte de la variété dite « à longue queue » (cf article et photos dans Bulletin Numismatique n°234, pp 50-51). La présence concomitante des deux critères est en faveur d’une refrappe (voir illustration ci-dessous) et en défaveur d’une frappe d’origine :

CONCLUSION

Sur l’avers de la pièce de 20 francs or, l’effigie de Marianne est entourée des mots « République Française » dont la gravure se conclut par un point. La forme de ce dernier varie, tantôt carrée, tantôt rectangulaire.

Un pointage personnel sur une centaine de pièces montre que :
- sur les pièces millésimées de 1899 à 1906, seule la forme carrée est observée ;
- sur les pièces millésimées de 1907 à 1914, les deux formes carrée et rectangulaire sont observées.

On émet l’hypothèse que :
- le point carré est l’apanage de toutes les frappes d’origine, de 1899 à 1914 ;
- le point rectangulaire est celui des seules refrappes Pinay (faussement millésimées 1907 à 1914).

La rigueur commande bien sûr que cette hypothèse soit testée sur un plus large échantillonnage et qu’elle recueille l’assentiment de la communauté numismatique. Sa validation en ferait un argument supplémentaire permettant de différencier les refrappes Pinay des frappes d’origine, argument qui viendrait s’ajouter à ceux déjà bien connus (couleur rougeâtre, aspect presque neuf, frappe nette).

Jean-Luc GRIPPARI