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2 Euro commémorative Allemagne – 2020 : Agenouillement de Willy Brandt

| 07/01/2021
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50e ANNIVERSAIRE DE L’AGENOUILLEMENT DE WILLY BRANDT
À VARSOVIE LE 7 DÉCEMBRE 1970

Depuis 2004, les États membres de la zone euro frappent des 2 euros commémoratives pour mettre à l’honneur les temps forts de leur histoire. Plus d’une fois, ces pièces se sont inspirées des conflits armés qui ont secoué l’Europe. Pour ne citer que des créations françaises, on notera la D-DAY, celle émise pour les 70 ans de l’appel du 18 juin, ou encore le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Outre-Rhin, le ministère allemand des Finances a présenté récemment une nouvelle commémorative dont le symbole est particulièrement fort. À l’occasion du cinquantenaire de l’agenouillement de Willy Brandt à Varsovie, une 2 euros commémorative circulante revient sur un moment fondateur de l’histoire moderne de notre continent.

« Je jure de consacrer mes forces au bien du peuple allemand ». La formule consacrée résonne dans un Bundestag bondé, qui retient son souffle. Willy Brandt prête serment le 21 octobre 1969. Il a été élu quelques semaines auparavant à la Chancellerie. La scène se déroule à Bonn. Dans le sillon de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne scindée en deux se fait malgré elle le point focal d’un nouveau conflit, la Guerre froide.

Réformiste, Willy Brandt défend très tôt l’idée d’une ouverture face au bloc communiste. Élu maire de Berlin en 1956, il est aux premières loges du théâtre des tensions est-ouest qui électrisent l’après-guerre. Il s’attache à y mettre en œuvre sa « politique des petits pas » faite de discussions, de rencontres. En 1963, il accueille le président américain J. F. Kennedy, dont le discours fera date. Ich bin ein Berliner. Willy Brandt, lui aussi, est berlinois d’adoption. Né à Lübeck en 1913, il a combattu infatigablement le nazisme dès la première heure. Il n’a que 16 ans lorsqu’il adhère au parti social-démocrate, le SPD. « Hitler n’est pas l’Allemagne », écrira-t-il plus tard, en exil en Norvège puis en Suède.

La Chancellerie lui échappe en 1961, puis de nouveau en 1965. Peu importe, il obtient en 1966 le ministère des Affaires étrangères. Également vice-chancelier, sa double charge lui laisse la latitude nécessaire pour intensifier au niveau national la politique qu’il s’est appliqué à mettre en œuvre jusqu’alors à l’échelon local. 1969 marque un tournant dans sa carrière. Cette fois, les urnes parlent en sa faveur. Les élections législatives le placent à la tête de la République fédérale d’Allemagne.

Au sommet du pouvoir exécutif, il poursuit sa politique d’ouverture sur la scène internationale. Il vise bien sûr l’Allemagne de l’Est, mais aussi plus largement l’Europe de l’Est dans sa globalité. Grand défenseur de l’Europe, il convainc la France, l’Angleterre ou encore les États-Unis de reconnaître la RDA. Sa vision est claire : unifier pour pacifier. Bien que très contesté par l’électorat allemand le plus conservateur, il prône la désescalade, engage les réformes et modernise son pays.

En décembre 1970, le chancelier fédéral fraîchement élu se rend en République populaire de Pologne communiste. 30 ans après l’invasion de l’outre-Oder par les troupes hitlériennes, son déplacement est un événement, la première visite officielle de l’exécutif fédéral depuis la Seconde Guerre mondiale. Le point d’orgue du voyage sera la signature du Traité de Varsovie. Comme prévu, les parties prennent l’engagement de renoncer à la violence et reconnaissent officiellement la ligne Oder-Neisse, frontière héritée de la conférence de Potsdam de 1945.

Le 7 décembre au matin, accompagné de sa délégation et suivi d’un cortège de journalistes, le quatrième chancelier de la RFA se fait déposer rue Ludwika Zamenhofa. Un bloc de béton s’érige dans la froidure morne de l’hiver continental. Il commémore le soulèvement du ghetto juif de Varsovie et honore la mémoire de ses victimes, si nombreuses. Au printemps 1943, la Shoah, inexorable, multiplie ses déportations de masse, décimant la population entassée dans l’insalubrité la plus noire. Mais derrière l’enceinte de barbelés, une résistance juive armée embrase bientôt les rues affamées du ghetto. Entre le 19 avril et le 16 mai, la répression implacable ordonnée par Himmler fait couler à flots le sang des insurgés. Il faudra pas moins de quatre semaines à la police allemande et aux forces SS pour mater l’insurrection. Ceux qui n’ont pas été brûlés vifs ou gazés seront déportés pour mourir dans les camps de concentration et d’extermination de Poniatowa et de Trawniki, de Treblinka et de Majdanek.

Le moment est solennel et doit confirmer le rapprochement des deux pays. Un dépôt de gerbe est prévu. Le chancelier fédéral s’avance dans le silence. Lui qui est né Herbert Frahm avant de changer de nom aux heures les plus sombres de sa nation. Lui qui a combattu infatigablement le nazisme jusqu’à se voir déchu de sa nationalité. Il est là. Il connaît l’innommable démon de la folie humaine. Les noms des victimes s’écrivent sous ses yeux. Le fracas du destin lui cogne les tempes. Il n’a pas participé à l’horreur du nazisme, mais incarne aujourd’hui une nation toute entière et son passé. Dans un geste de pardon, il s’agenouille longuement sur les marches de l’imposant mémorial.

Inattendue, l’initiative sera vivement commentée côté ouest. Certains seront surpris, d’autres foudroyés de rage par ce qu’ils qualifieront d’infâme trahison. Si le geste est largement passé sous silence à l’Est, où le temps du pardon peine à se frayer un chemin entre les blessures du passé et l’âcreté d’une idéologie arc-boutée contre un Occident honni, la photo fera le tour du monde. « J’ai fait ce que font les hommes quand les mots font défaut », confiera-t-il plus tard. Le symbole marquera le début de son Ostpolitik. Dans la droite ligne de son combat politique, celle-ci engagera une dynamique d’ouverture et ouvrira le long chemin de la réconciliation. Elle lui vaudra aussi d’être désigné « Man of the Year » par le Time de janvier 1971, et surtout de se voir décerner le prix Nobel de la paix quelques mois plus tard.

Dessiné par le graveur Bodo Broschat, le droit de la monnaie figure le chancelier de dos, agenouillé face au monument trapézoïdal, œuvre de Nathan Papaport. À droite, la sculpture intitulée Combat, symbole du génocide, avec à son pied une gerbe de fleurs. Au premier plan, une menorah décorée de sculptures de lions rappelle les flambeaux dressés de part et d’autre du monument. Au revers, face commune des 2 euros, la carte de l’Europe dépourvue de frontières. Frappée à 30 millions d’exemplaires, elle porte la légende 50 JAHRE KNIEFFAL (50 ans de l’agenouillement). Sur la tranche, la mention « EINIGKEIT UND RECHT UND FREIHEIT » (Unité, Justice et Liberté) et une représentation de l’aigle fédéral.

Véhicules pédagogiques et ciment de la construction européenne, les modèles de 2 euros commémoratives émis depuis 2004 sont aujourd’hui au nombre de 376. Ces monnaies sont autant d’instantanés de notre histoire commune. Elles viennent enrichir les thématiques de nos collections, mais sont l’occasion aussi, peut-être, de puiser dans notre passé commun les réponses aux questions qui agitent le monde d’aujourd’hui.

Une monnaie à collectionner ou à offrir…

Philippe CORNU

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