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THE SILVER CROWNS OF FRANCE DE GEORGE SOBIN : UNE ÉTUDE D'YVES BLOT

| 12/08/2020
Informations

Le titre du livre est en anglais car l’auteur de ce livre publié en 1974 est américain.
George Sobin était un numismate américain, il collectionnait les monnaies françaises, mais voyant le peu de littérature numismatique disponible et récente, il décida alors de faire une étude de tous les écus et les monnaies de 5 Francs de 1641 à 1973.

Cet ouvrage compte 260 pages et reste de nos jours l’unique étude de ce type réalisée sur les monnaies françaises, d’où son énorme intérêt pour les numismates.

Pour les écus de 1641 à 1793 il fit le recensement de ceux apparus en vente aux enchères (à partir des catalogues sur une période d’environ 50 ans) ou à prix fixe, ceux disponibles chez les professionnels, ainsi que ceux existant dans quelques collections privées et dans les musées. À partir de ces informations, il dressa des tableaux par type, atelier et année où il indique le nombre d’exemplaires rencontrés et dans un autre tableau il donne un prix d’estimation pour 3 ou 4 qualités différentes. L’historique lié à chaque type est présent, ainsi que des commentaires très intéressants de l’auteur (variétés rencontrées, rareté des monnaies…).

Pour les monnaies de 5 Francs Union et Force et jusqu’en 1973, l’auteur donne la quantité frappée par type et année à la place du relevé fait pour les monnaies de frappes antérieures.

Finalement, Sobin, dans l’appendice, donne des informations très intéressantes quant à la rareté des monnaies, donnant un chiffre estimé de survie, et il présente la première étude sur les variantes des 5 Francs Union et Force.

Le travail réalisé a été énorme, beaucoup d’heures de travail, de recherche, de rédaction avec comme résultat un très bon ouvrage de référence qui ne devrait pas manquer dans les bibliothèques des collectionneurs. Il faut reconnaitre que c’est assez étonnant de savoir que l’auteur de cette étude est un numismate américain.

Bien que ce livre ait été publié cela fait presque 50 ans, il est toujours intéressant et d’actualité, car les chiffres n’ont pas vraiment évolué et les constats sont pratiquement les mêmes. L’idée principale était de présenter un bref historique pour chaque type d’écus ainsi que pour les pièces de 5 francs et dans le cas des écus de réaliser une évaluation de la rareté réelle pour chacun des types. C’est le même travail que font les numismates passionnés pour bâtir leurs collections. Ils font de la recherche à travers des catalogues de ventes, des ouvrages numismatiques, des bibliothèques, internet…

Il est possible qu’au départ M. Sobin ait voulu faire la même étude pour les écus et les 5 Francs, mais il a dû se rendre compte que le travail de relever des données était beaucoup trop important pour les monnaies de 5 francs et il a probablement abandonné cette idée.

Pour les écus royaux, l’information est très complète car sont répertoriées les très rares monnaies du Béarn, du Dauphiné, de Navarre et de Flandre, dont l’information est très restreinte. Le travail correspondant à cette partie a été énorme et il a dû y passer de nombreuses années.

Si aujourd’hui je fais référence à cette étude, c’est parce que je ne partage pas l’avis de l’auteur quant aux taux de survie des monnaies et je vous présente ci-dessous mon raisonnement.

Les écus Royaux de 1641 à 1794

Dans l'étude réalisée par M. Sobin avant 1974, celui-ci a référencé 24 000 écus de la période 1641 à 1794 et il a estimé la population totale existante sur cette période à 150 000 écus. Parmi ses commentaires, sur une période de 25 ans, il a calculé le nombre d’écus apparaissant sur le marché à moins de 1 000 monnaies par an.

Après avoir examiné rapidement les catalogues d’années récentes 2016, 2015, 2014 des ventes réalisées à Drouot et à Monaco, nous arrivons difficilement à un total de 150 écus apparus par an, c’est-à-dire très loin des 1 000 monnaies dont parlait George Sobin et nous constatons également que le nombre diminue au fur et à mesure que l’on avance dans le temps en tenant compte des ventes des années 80 ou 90. Il y a une sorte de tarissement de l’offre sans prendre en compte la qualité proposée.

Conclusion :
M. Sobin avait référencé 24 000 écus sur la période 1641 à 1794, mais nous sommes en désaccord avec son estimation de 150 000 écus et nous pensons que la population totale existante de nos jours serait au maximum de 60 000 écus. Parmi cette population un grand nombre d’écus sont dans un état B ou TB et il faut plutôt estimer la quantité d’écus « collectionnables » à 5 000/10 000.

En fait, pour bâtir une collection moyenne et/ou grande composée de plusieurs dizaines d’écus, il faut compter entre 10 ans et 25 ans et en supposant que 50% de ces collections soient vendues quand le collectionneur est en vie, cela voudrait dire que cette collection apparaitra sur le marché au plus tard 25 ans après le début de celle-ci. Dans le cas où ce sont les héritiers qui vendent, il faut compter en général entre 5 et 10 ans de plus, donc ce type de collection apparaitra sur le marché 35 ans après avoir été commencée, dans le pire des cas (il faut exclure bien évidemment les collections qui sont mises de côté pendant de nombreuses années, mais cela représente peut-être 10% du total).

George Sobin par exemple a collectionné sur une période de 30 ans et sa collection a été dispersée en 1977 et 1982, c’est-à-dire 8 ans après la publication de son livre. On arrive ainsi à 38 ans entre le moment où il a commencé sa collection et le moment où il l’a vendue. La collection d’écus royaux de Sobin dispersée en 1977 comptait 1 322 écus, ce qui est exceptionnel, car de nos jours, une collection a rarement plus de 100 écus.

Nous expliquons cela pour « montrer » que 75% à 80% des collections « importantes » apparaissent sur le marché dans une période comprise entre 20 et 40 ans, or dans l’étude réalisée par Sobin, celui-ci a référencé les catalogues de ventes sur une période de 30/40 ans, c’est-à-dire bien au-delà du temps de rotation d’une collection et il y a donc deux choses à remarquer :
• Il est sûr que parmi les 24 000 écus recensés par Sobin, certains l’ont été deux fois et plus, ce qui voudrait dire que la quantité réelle d’écus recensés serait inférieure à 24 000 écus.
• La grande majorité des collections ont été recensées par Sobin et le chiffre estimé de 150 000 écus est vraiment surestimé. Nous pensons que 50 000 écus est vraiment envisageable, avec un grand maximum de 60 000 écus.

Dans l’appendice II, l’auteur nous donne des informations très intéressantes, entre autres, l’indice de rareté qu’il divise en deux périodes, de 1641 à 1794 et de 1794 à 1878.

Dans la période 1641 à 1794, on peut confirmer ce qui était connu depuis très longtemps, c’est-à-dire la rareté extrême de certains écus du Béarn, du Dauphiné et de Navarre.

En faisant la somme des monnaies recensées par règne, tous ateliers inclus, on arrive aux chiffres suivants :
• Louis XIII 429 monnaies
• Louis XIV 6 466 monnaies + 985 monnaies (Béarn, Dauphiné…)
• Louis XV 8 185 + 842 monnaies (Béarn…)
• Louis XVI 4 756 + 1 717 monnaies (écu constitutionnel)
• Révolution 1793-1794 708 monnaies

Il faut remarquer que sur 9 027 écus de Louis XV, 5 708 sont des écus aux lauriers et au bandeau et pour Louis XVI le seul type aux lauriers constitue les 4 756 monnaies recensées.

Avec l’apparition aux USA des maisons de grading dans les années 80 et bien que l’ouverture de bureaux de ces maisons en France ait pris beaucoup de temps, nous pouvons aujourd’hui approfondir l’étude réalisée par Sobin en calculant le taux de survie des monnaies de qualité supérieure pour tous les types. Nous allons nous limiter dans cet article à quelques types pris au hasard :
L’écu à la mèche courte avec un magnifique portrait enfantin de Louis XIV qui marque le début de son règne qui sera très long, le dernier écu à l’effigie de Louis XV dit à la vieille tête (il faut remarquer qu’entre ces deux écus 130 années ce sont écoulées) et finalement le dernier des écus royaux à l’effigie de Louis XVI, connu comme l’écu constitutionnel de 1792 ; nous vous présentons les résultats dans le tableau suivant :

Si, d’un autre côté, nous tenons compte des chiffres de recensement et d’estimation fait par Sobin, nous aurons évidemment un taux de survie bien plus élevé car, dans ce cas, la qualité de la monnaie n’est pas prise en compte, mais cela permet de comparer et de réaliser à quel point les écus de très belle qualité sont rares. Dans le tableau suivant, nous présentons ces résultats :

Note : Sobin, dans son étude, a recensé 24 000 écus et a estimé la quantité maximum existante de nos jours à 150 000 monnaies, ce qui donnerait un coefficient de 150 000/24 000 = 6,25. Nous avons donc utilisé ce coefficient pour le calcul correspondant à la colonne « Estimé Sobin ».

À partir de ces deux tableaux, nous pouvons établir un certain nombre de conclusions très intéressantes :

• Le taux de survie estimé par Sobin nous semble trop élevé par rapport au taux de survie gradé de belle qualité. Par exemple pour l’écu à la vieille tête le rapport est de 564 000 à 2 100, c’est-à-dire un rapport de 268, ce qui voudrait dire que sur 268 écus actuellement existants, un seul serait de belle qualité. Cela nous semble disproportionné, car avec le temps, il est logique de penser que les monnaies les plus usées ont été très probablement refondues car invendables et il est donc resté sur le marché numismatique les plus « beaux » exemplaires. Si par contre nous recalculons en prenant 50 000 monnaies au lieu de 150 000, le rapport est de 1 à 3 et par conséquent nous aurions un exemplaire de qualité pour 89 monnaies, ce qui semble plus cohérent.

• Le taux de survie des écus en qualité supérieure est vraiment infime par rapport aux quantités frappées ! Quand on sait qu’un seul écu de « qualité » sur 100 000, 200 000 ou 500 000 écus frappés existe de nos jours, on se rend compte de la rareté réelle de ces monnaies.

• Les catalogues n’ont pas intégré encore cette réalité et c’est bien pour cela que lors de ventes aux enchères, lorsque l’on voit un écu vraiment beau, le prix dépasse les 10 000 euros.

Les monnaies de 5 francs de la Révolution à 1878

De la période 1794-1878, Sobin n’a pas fait de recensement mais il apporte des informations importantes à savoir.

• Les monnaies antérieures à 1830 ont été refondues massivement étant donné leur teneur en or.

• Dans les années 1850 et 1860, une importante quantité d’écus et de monnaies de 5 francs ont été refondues en raison d’une augmentation du prix de l’argent (métal).

Ces deux évènements expliqueraient donc la rareté des monnaies selon leurs dates, avec des monnaies pas courantes malgré des frappes d’époque importantes et des quantités abondantes pour la série frappée à partir de 1870.

Sobin estime le rapport de survie de 1 à 500 pour les monnaies jusqu’à Napoléon I (et probablement Louis XVIII) et jusqu’à 1 exemplaire sur 5 à partir de la série Hercule de 1870.

Nous ne partageons pas ces avis, car dans les deux cas, le taux de survie nous semble élevé. Par exemple, pour Napoléon I, la 5 francs empire (1809 – 1815) a été frappée à 126 millions d’exemplaires. Une survie de 1/500 de 126 millions d’exemplaires donnerait donc 252 000 monnaies existantes de nos jours. Bien que cette monnaie soit très courante de nos jours, nous doutons fort qu’il existe une quantité si élevée. Quelques professionnels en France peuvent en avoir 200 ou peut-être 300 en stock, mais ce n’est vraiment pas la majorité, bien au contraire. Nous tablerions plutôt sur 100 monnaies par professionnel. Avec 150 professionnels en France, cela fait 15 000 monnaies. Il y aurait donc 237 000 monnaies en mains privées et musées. En estimant qu’il y ait 5 000 monnaies dans les musées, il en resterait 232 000 dans les collections et en supposant qu’il y ait 23 000 collectionneurs, cela ferait 10 monnaies dans chaque collection, ce qui est très improbable. Nous compterions plutôt sur 5 000 pièces dans les collections « spécialisées » et en moyenne 2 exemplaires dans 20 000 collections.

En tout, nous aurions donc un total de :
15 000 + 5 000 + 5 000 + 40 000 = 65 000 monnaies.

Le taux de survie serait donc de :
65 000/126 millions = 1/2 000.

D’autre part, si l’on considère que les soit-disant 252 000 pièces de 5 francs au type de Napoléon I apparaissent une seule fois sur le marché numismatique sur une période de 75 ans, cela voudrait dire que 252 000/75 = 3 360 pièces de ce type apparaîtraient chaque année sur le marché numismatique mondial, c’est-à-dire 280 monnaies par mois, chose dont nous doutons énormément.

Un taux de survie de 1/2 000 ou inférieur, nous semble donc très probable et bien sûr beaucoup plus bas que le chiffre estimé par Sobin qui était de 1/500.

Un calcul semblable avec les 5 francs de Louis XVIII (1816 – 1824) avec 104 millions de monnaies frappées, donnerait très probablement le même taux ou peut-être encore un taux plus élevé.

Pour les 5 francs récentes, le taux de survie selon Sobin monterait jusqu’à 1 pièce sur 5, ce qui nous semble également très élevé. Si l’on choisit la 5 francs Hercule 1873A qui est une pièce que l’on trouve très facilement de nos jours, celle-ci a été frappée à 27 millions d’exemplaires et un taux de survie de 1/5 signifierait donc qu’il existe de nos jours 5,4 millions de pièces, ce qui est énorme. Si l’on choisit dans la même série la 5 francs 1878A qui a été frappée à 1154 exemplaires, un taux de survie de 1/5 voudrait dire qu’il y a 230 monnaies en existence de nos jours, or c’est une monnaie très rare connue à peut-être 20 exemplaires au plus, donc un taux de survie de 1/50.

Nous abordons un sujet en relation avec le taux de survie des monnaies de 5 francs dans un article intitulé : Incidence des grandes refontes des monnaies en argent du XIXe siècle.
Je tiens à signaler que l’ouvrage de George Sobin a été publié cela fait 46 ans et par conséquent, il est fort probable que de nombreuses pièces en argent et aussi en or aient été refondues pendant ce lapse de temps, ce qui viendrait donc « justifier » en partie les nouvelles estimations des taux de survie.

Finalement, bien que nous ne soyons pas d’accord avec les estimations de Sobin, ce sont des estimations qui n’enlèvent rien à l’énorme travail qu’il a réalisé, ainsi qu’à l’importance de celui-ci. C’est un ouvrage indispensable pour les amateurs d’écu royaux et il reste très intéressant et d’actualité pour les monnaies de 5 francs.

La collection George Sobin

La vente de la partie correspondante aux écus royaux a eu lieu les 7 et 8 mars 1977 à Chicago par Joseph Lepczyk et c’est la plus importante vente d’écus jamais réalisée, avec 1 336 monnaies.

Etant donné la quantité de monnaie, le catalogue de la vente fut organisé par atelier de frappe et non pas par ordre chronologique des monnaies.

La description des monnaies utilisait le numéro de référence utilisé par Sobin dans son livre, avec une description claire et concise de l’état de la monnaie avec des précisions comme : Nettoyage, incrustation, retouche.

Les monnaies de 5 francs de Sobin furent vendues ultérieurement plus discrètement.

Nous vous présentons quelques monnaies de cette collection.

   

   

Yves BLOT

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