CONSTANTINIANA DAFNE, UN CASQUE EN PLUS

Il est une monnaie dont l’interprétation de la légende de revers m’a toujours laissé dubitatif : le type CONSTANTINIANA DAFNE frappé à Constantinople pour l’empereur Constantin I. La légende est censée se rapporter à un fort construit sur le Danube, thèse qui a tout d’abord été émise par des numismates du XVIII^e siècle citant l’historien Procope. Ce dernier, vers l’année 550, parle d’un fort sur le Danube nommé Dafné, construit par Constantin I, détruit par les barbares et restauré par l’empereur Justinien.

Buste colossal de Constantin I^er, bronze IV^e siècle, musées du Capitole.

Henri Cohen, pour sa part, semblait déjà douter de cette traduction en indiquant à propos de cette monnaie que « Le sens de CONSTANTINIANA DAFNE n’a pas été expliqué jusqu’à présent. D’anciens numismates ont cru que cette médaille pouvait avoir rapport à Daphné, faubourg d’Antioche que Constantin aurait peut être orné d’édifices. L’opinion de Gretzer, que Spanheim a adoptée et qu’Eckhel semble accueillir, est qu’elle rappelle Daphné, château que Procope dit que Constantin fit construire sur les rives du Danube ». 
Victor Clark, éminent numismate pour la période constantinienne a réussi, dans un long article en anglais disponible en ligne sur son site « CONSTANTINANA DAFNE, Constantinian Victory »⁽¹⁾ à démontrer que l’allégorie au revers est relative, non pas à une construction qu’il aurait été aisé de représenter pour les graveurs de l’époque (fig. 1 & 2), mais aux victoires de Constantin I, DAFNE en grec signifiant « lauriers ». 
Michel Galléazi, dans son dictionnaire latin-français, a d’ailleurs lui-même souligné deux acceptations : « la forteresse constantinienne (de Dafné), ou les lauriers constantiniens ». À l’entrée Dafné il indique « … mot grec pour les lauriers » .

Fig. 1 : Ae4, A/ POP ROMANVS, buste lauré et drapé du Peuple romain à gauche, une corne d’abondance sur l’épaule, R/ Anépigraphe, pont avec deux tourelles au-dessus d’une rivière, CONS / S dans le champ – Constantinople – 330 - RIC.21 – Cohen 1 – NBD 71695 

Fig.2 : multiple de 2 solidi Constantin I^er A/ IMP CONSTANTINVS P F AVG, buste radié, drapé et cuirassé à droite, R/ AVGG – GLORIA, Porte de Trèves fermée, 7 tours formant l’enceinte de la ville, au-dessus de la porte statue de l’empereur debout à gauche tenant un sceptre et levant la main ; un captif assis de part et d’autre de la porte ; devant rivière et un pont la traversant, PTRE à l’exergue – Trèves – 313/315 – Le RIC indique un buste C3 (radié), il est lauré sur la planche de photographies - RIC.1 – Staatliche Museen zu Berlin – NBD 35082

Tête colossale de Constantin I^er - IV^e siècle, musées du Capitole.

Les victoires dont il s’agit sont, en particulier, celles sur Licinius I^er qui vont permettre une réunification de l’orient et de l’occident sous l’autorité du seul Constantin.
À la lecture de l’article de V. Clark, tout semble beaucoup plus évident, le revers est la représentation classique des victoires de l’empereur qui sont la base, le garant de son pouvoir.
Cette monnaie présente une victoire assise sur un autel, tenant une palme dans chaque main, sous elle se trouve un bouclier, elle pose le pied sur un captif à genou, mains liées dans le dos et se retournant vers elle. Devant la divinité se trouve un trophée d’armes composé d’une armure sommée d’un casque, flanquée d’un bouclier de part et d’autre et fichée sur une pique. L’ensemble ne fait guère penser à un ouvrage défensif. 
On a ici rassemblé des éléments qui sont souvent représentés seuls sur les monnaies : Victoire tenant un palme, trophée au pied duquel sont des captifs, autel sur lequel repose un bouclier où sont inscrits des vœux pour le ou les princes régnants … Ici les artistes semblent avoir synthétisé cet ensemble de représentations en une seule.
Le seul détail insignifiant, en apparence, est le « point » de centrage situé sous le bras droit de la victoire. J’ai remarqué sur de nombreux exemplaires une similitude entre ce point et le casque qui se trouve au sommet du trophée d’armes :

     
NBD 74491 & NBD 74492

J’ai tout d’abord pensé que le graveur avait utilisé un poinçon similaire pour le casque et le motif central et avait fait l’économie d’une gravure supplémentaire. Cependant, les deux éléments ne sont pas toujours similaires et il est de nombreux cas où le point de centrage est un casque plus élaboré, parfois avec un cimier.

    
NBD 64540, 68190, 2 casques à cimier

La gravure des célébrations des victoires de l’empereur Constantin est donc faite autour d’un casque, qui a servi de point de repère central. Aucun élément du revers n’échappe à la célébration des victoires constantiniennes, pas même le plus trivial.

Un exemple non exhaustif des casques représentés au revers du type CONSTANTINIANA DAFNE.

D. BERTHOD

1 - http://www.constantinethegreatcoins.com/DAFNE/

Bibliographie

• Bruun, Patrick M. « The Roman Imperial Coinage », volume VII, Spink and Son Ltd, Londres, 1966
• Cohen Henri, « Description historique des monnaies frappées sous l’empire Romain », volume VII, seconde édition, Paris, Rolin & Feuardent, 1888
• Galléazzi Michel, « Dictionnaire Latin – Français appliqué aux inscriptions monétaires romaines », Revigny-sur-Ornain, 1994
• NBD : nummus bible database : https://www.nummus-bible-database.com/