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Un projet de loi contraire à la diffusion des informations archéologiques

| 28/09/2015
Informations

Aujourd'hui, 28 septembre 2015, à partir de 16 heures, sera examiné à l'Assemblée nationale le projet de loi Culture : Liberté de la création, architecture et patrimoine.

 

http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/liberte_creation_architecture_patrimoine.asp

En quoi ce projet concerne-t-il la numismatique ? L'article L541-4 prévoit l'attribution présumée à l'État de toute découverte de mobilier http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/liberte_creation_architecture_patrimoine.asparchéologique mis au jour fortuitement sur tout terrain acheté après la promulgation de la loi. Il est certain qu'une telle mesure n'incitera plus les inventeurs de découvertes fortuites à les déclarer. L'effet sera grandement dommageable à la connaissance historique.

L'équipe de Cgb.fr s'est mobilisée depuis près de deux ans contre ce projet. Vous trouverez ci-après plusieurs remarques sur cet article de loi et ses conséquences.

 

Commentaires sur l'article L 541-4 du code du patrimoine.

L'appropriation de découvertes fortuites au profit de l’État n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact très poussée ; la réaction de la population au regard de telles découvertes a tout bonnement été éludée. Actuellement, l'objet mobilier archéologique issu d'une découverte fortuite, appartient pour moitié au propriétaire du terrain, pour moitié à l'inventeur. Cette situation incite l'inventeur à déclarer sa découverte et a pour effet de faire remonter de nombreuses informations aux Services Régionaux de l'Archéologie tout en permettant de localiser de nouveaux sites pouvant faire l'objet de prescription. Il n'est pas inutile de rappeler que les cartes archéologiques dressées en France l'ont été (et le sont) en grande partie à partir d'informations fournies par des particuliers ayant découvert un objet archéologique mobilier (objet lithique, monnaie, poterie...).

En cas d'appropriation de la part de l'État, il est certain que les inventeurs ne prendront plus la peine de signaler leurs découvertes et les sites archéologiques associés. Les particuliers devront engager une démarche de déclaration de leur découverte débouchant sur une saisie par l'État de leur bien, déclaration pouvant engendrer l'immobilisation du terrain ! Cette situation pénalisante pour l'inventeur, s'accompagnera d'une baisse des déclarations de découvertes fortuites, et d'une augmentation des destructions volontaires de sites archéologiques comme cela se produit trop fréquemment chez certains aménageurs. Il en découlera une situation contraire au but recherché de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique du 16 janvier 1992 et aux objectifs présentés en préambule du présent projet de loi :

« En ne distinguant plus selon les circonstances de la découverte et en mettant fin au régime de partage de propriété, cette mesure a également pour objectif de simplifier et de rationaliser l'action des services de l'État chargés de l'archéologie en recentrant leurs missions sur la gestion scientifique et patrimoniale de ce patrimoine » (Projet de loi, 2.2.4.2, Objectifs poursuivis, p. 118).

Sous couvert de simplification, le projet de loi propose d'attribuer à l'État l'ensemble du mobilier archéologique découvert sur un terrain acquis après la promulgation de la loi. Loin d'offrir une simplification, cette situation aura pour effet de complexifier le système d'attribution des biens archéologiques en créant des statuts juridiques différents en fonction de la date d'acquisition du terrain sur lequel ils ont été découverts. Nous n'évoquerons même pas le statut des terrains dont le titre de propriété est issu d'un héritage et non pas par acquisition volontaire.

Dans la pratique, l'adoption de l'article L 541-4 aura pour effet de créer deux régimes de propriétés distincts en fonction de la date d'acquisition d'un terrain consacrant une situation de rupture du principe d'égalité des citoyens, l'un des trois piliers de notre Constitution : « la loi doit être la même pour tous », article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, composante du « bloc de constitutionnalité » de la décision du 16 juillet 1971.

La loi actuelle prévoit un délai d'étude de cinq ans maximum pour les biens archéologiques découverts fortuitement. Il est inquiétant de voir que plus aucun délai ne figure dans la loi pour l'étude de ces biens. Sans obligation légale d'étude, ces objets archéologiques seront stockés et pas nécessairement étudiés ou publiés. Cette situation risque de s'avérer pénalisante pour la communauté scientifique des historiens et des archéologues et est contraire à l'esprit de la préservation et de diffusion des informations archéologiques prôné par la convention européenne dite « de Malte ».

Cet article aura pour effet d'engendrer un certain nombre d'incertitudes quant au statut de l'inventeur, et sur la propriété des biens archéologiques découverts. Au moment d'une découverte fortuite réalisée chez un tiers, l'inventeur ne saura pas s'il est propriétaire de la moitié de l'ensemble découvert, ou s'il en sera dépossédé parce que le terrain aura été acheté après la promulgation de la nouvelle loi. Pour les inventeurs cette situation n'est guère engageante et crée un flou qui n'est guère propice à inciter à la déclaration de découvertes fortuites. De plus les inventeurs de biens archéologiques seront tentés de déclarer un lieu de découverte différent du lieu de découverte effectif. Les cartes archéologiques s'en trouveront ainsi faussées et de telles déclarations ne permettront pas une intervention archéologique sur le site. Il sera alors impossible de rattacher cette découverte à un contexte archéologique précis.

 

En fonction de la date d'acquisition du terrain, il y aurait dorénavant deux cas de figure pour les inventeurs :

1 - des inventeurs pouvant revendiquer la moitié de la propriété sur le bien découvert,

2 - des inventeurs déchus de toute propriété. Force est de constater que cet article porte atteinte au principe fondamental d'égalité des citoyens inscrit dans la Constitution.

L'article L 541-4 du présent projet de loi n'est pas sans soulever d'autres problèmes. L'une des finalités de cet article sous-entend l'appropriation de l'ensemble des biens mobiliers archéologiques par extinction progressive du droit de revendication à la suite de cession de terrain.

Imaginons le cas de figure d'un bien archéologique découvert par un particulier sur un terrain acquis par l’État avant la promulgation de la loi (forêt domaniale, réserve naturelle...), terrains détenus depuis plusieurs siècles parfois. Paradoxalement, dans ce cas, la moitié du bien reviendra à l'inventeur ! Le même cas de figure est envisageable pour des terrains possédés avant la promulgation de loi par des personnes morales (associations, Universités, collectivités locales...).

Pour des terrains détenus par une Société Civile Immobilière (SCI), le régime de propriété risque de s'avérer encore plus complexe et donner lieu à des situations inextricables. Pour une SCI ayant acheté un terrain avant la promulgation de la loi, en cas de découverte fortuite, le mobilier archéologique devra-t-il revenir pour moitié aux seuls actionnaires de la SCI détenteurs d'actions avant la promulgation de la loi, ou à l'ensemble des actionnaires au moment du fait générateur, la découverte ? Un risque d'inconstitutionnalité peut être soulevé par risque de rupture d'égalité des citoyens devant la loi. Bien d'autres questions pourraient être soulevées : en cas de découverte fortuite sur un terrain appartenant à une SCI et acquis avant la promulgation de la loi, mais dont il n'existe plus d'actionnaires vivants, l'inventeur sera-t-il en droit de revendiquer la moitié de la propriété de sa découverte ? Quel statut pour les terrains issus d'héritages après la promulgation de la loi ? Seront-ils considérés comme de nouvelles acquisitions ?

Certains cas peuvent apparaître problématiques. Il y a quelques années, un dépôt monétaire du XVIIe siècle a été découvert dans le pied d'un meuble de la même période jeté dans la décharge publique d'Issy-les-Moulineaux. Celui-ci est aujourd'hui conservé au Musée de la carte à jouer de la ville. Il en est de même pour un dépôt monétaire de monnaies gauloises d'or cachées dans une armoire des années 1970 et acheté dans une brocante à Auray. Dans ces deux cas, une déclaration et une étude ont été adressées aux Services Régionaux de l'Archéologie. Au regard de l'article L 541-4, le statut de ces biens archéologiques apparaît incertain.

 

Dans sa rédaction actuelle, l'article L 541-4 du projet de loi patrimoine est particulièrement propice à engendrer de nombreuses procédures contentieuses. Le risque tient aussi au fait que de telles procédures s'accompagneront certainement d'une question prioritaire de constitutionnalité sur la propriété de ces biens, avec possibilité de porter l'affaire devant le Parlement européen afin de respecter l'article I du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Paris, 20 mars 1952). Si d'aventure il était donné raison aux inventeurs de découvertes fortuites par le biais d'une QPC ou au niveau européen, l' État français aurait obligation de rendre les objets qu'il se serait approprié après la promulgation de la loi. La gestion d'une telle situation risquerait de s'avérer particulièrement compliquée.

 

Pour mémoire :

• Avis du Conseil d'État en date du 2 juillet 2015 (N° 390.121 ; NOR : MCCB1511777L) :

« Pour les biens mobiliers, il lui est apparu que la présomption de propriété publique qui a pour effet de placer, en application de l'article L. 2112-1 du code de la propriété des personnes publiques, l'ensemble de ces biens sous un statut de domanialité publique, comportait des conséquences pratiques excessives, eu égard à la définition très large du patrimoine archéologique donnée à l'article L. 510-1 du code du patrimoine et aux contraintes qui s'imposent à l'autorité publique dans la gestion du domaine public. S'il est en effet possible de considérer légitime le fait de placer sous ce statut l'ensemble des objets trouvés lors d'opérations de fouilles autorisées par l'État ou exécutées par lui et de fouilles préventives, dans la mesure où celles-ci sont placées sous le contrôle de l'État, il n'en va pas de même pour les objets découverts fortuitement en dehors de toute intervention de l'État. Pour les objets mis au jour, le Conseil d'État a estimé que leur appropriation publique devait être subordonnée à la reconnaissance de leur intérêt scientifique pour l'archéologie. »

• Avis du Conseil Économique Social et Environnemental en date du 22 juin 2015  (2015-17

NOR : CESL1100017X :

« Le CESE regrette que la réforme du droit de l’archéologie ait été entreprise sans concertation préalable significative et déplore son manque de réflexion de fond. Cela est particulièrement le cas pour la modification du droit de propriété par rapport aux trésors « inventés ». Sont en effet exclus les « biens archéologiques » des dispositions de l’article 716 du code civil qui, globalement, partage la propriété de la découverte fortuite d’un « trésor » entre la personne l’ayant découvert (baptisée « inventeur ») et l’Etat, et de l’article 552 qui établit la primauté de la propriété du sol sur la propriété du « dessous » et du « dessus ».

Si cela témoigne d’une intention louable de protection et de contrôle des biens archéologiques, éléments essentiels du patrimoine culturel, le risque d’une telle mesure est de conduire les inventeurs à ne plus déclarer leurs découvertes.

Le CESE témoigne donc de son inquiétude par rapport à une telle disposition de l’avant-projet de loi qui pourrait conduire à des effets pervers, en fragilisant la protection et la valorisation des trésors archéologiques découverts fortuitement.

 

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