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Pitre Pierre-Louis Athénas (Paris 1752 - Nantes 1829)

| 07/09/2015
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Pitre Pierre-Louis Athénas (Paris 1752 - Nantes 1829), Directeur de la Monnaie de Nantes, mais pas que…

 

 

Sans toujours le savoir, les numismates connaissent Pitre Pierre-Louis Athénas, ou du moins en recherchent-il les productions reconnaissables à l’ancre de marine, marque qu’il prit pour différent lorsqu’il assuma la charge de Directeur de la Monnaie de Nantes au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Mais derrière le différent, qu’en était-il de l’homme… ?

 

L’unique portrait connu de Pierre-Louis Athénas

Musée Dobrée inv. 956.1.526 © Grand Patrimoine de Loire-Atlantique

 

Pierre-Louis Athénas naît en 1752 à Paris, rue Mouffetard, où son père tient une droguerie.

Probablement influencé par son père et, passant de surcroît son enfance à mi-chemin entre le jardin du Roy et celui des Pharmaciens de Paris, rue de l’Arbalète, hauts-lieux de l’enseignement des sciences naturelles, le jeune Pierre-Louis s’intéresse très tôt à la chimie et devient apprenti à l’apothicairerie de Saint-Germain-des-Prés. Il fréquente les cours de Guillaume-François Rouelle (1703-1770), qui rassemblent alors les plus grands noms de cette science, dont le malheureux Lavoisier (1743-1794), ou l’Angevin Joseph Proust (1754-1826). C’est peut-être grâce à ce dernier que Pierre-Louis Athénas fait la connaissance du prieur de Saint-Aubin d’Angers, dom Malherbe (1733-1827). Cette rencontre va changer le destin du jeune chimiste parisien. Dom Malherbe, bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, est l'auteur d'un procédé original pour extraire la soude (carbonate de sodium) du sel marin. Or, sa nomination en qualité de professeur de philosophie à l’abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés ne lui permet pas d’aller au Croisic (L.-A.) où il devait réaliser lui-même les essais exigés par l’Académie des sciences pour reconnaître le bien-fondé de son nouveau procédé et lui accorder le privilège permettant l’exploitation. A la recherche d’un chimiste pour le remplacer dans cette tâche primordiale, dom Malherbe s’adresse à Pierre-Louis Athénas et le prend comme associé.

C’est ainsi qu’en 1777, Pierre-Louis Athénas arrive en Bretagne, conduit par l’avantage que présente alors l’exonération de la Gabelle, impôt sur le sel, privilège de l’ancien duché. Tandis qu’il progresse dans la technique des fours grâce aux conseils de Pierre-Clément Grignon (1723-1784)1, métallurgiste bourguignon de renom envoyé par l’Académie des sciences pour vérifier les essais, il met à profit les richesses minières de la région nantaise et développe une autre façon d’obtenir de la soude.  En employant des pyrites dont le sous-sol abonde, cette technique permet en effet d’éviter l’achat du soufre (fort cher et d’importation italienne) obligatoire dans le procédé de Malherbe. Athénas présente cette innovation à l’Académie des sciences en 1784.

Malheureusement, Athénas et Malherbe doivent rapidement faire face à une concurrence effrénée d’entrepreneurs qui, en raison de la franchise sur le sel, viennent  tous installer leurs fabriques dans la région croisicaise. En outre, à peine les deux associés obtiennent-ils enfin un privilège de quinze ans et l’autorisation officielle de construire leur manufacture à Bouguenais, au sud de Nantes, qu’ils apprennent la mort de leur principal financier.

Athénas diversifie alors son activité. Parallèlement à une distillation ambulante d’eau de vie, il parvient à maintenir tant bien que mal une usine d’acide sulfurique et de produits dérivés.

Durant la Révolution, Athénas fait son entrée parmi l’élite nantaise. Il devient l’ami du maire de Nantes et premier président du tout nouveau Département de la Loire-Inférieure, Christophe Clair Danyel de Kervégan (1735-1817), dont il prononcera même l’éloge funèbre. Brièvement enfermé en juin 1794 pour avoir partagé des opinions hostiles à Robespierre de Jean-Baptiste Darbefeuille (1756-1831), chirurgien en chef de l’Hôtel Dieu de Nantes, « le citoyen Athénas, physicien utile à la chose publique, sera mis en liberté ». Sélectionné parmi les hommes de talent, dont la Convention thermidorienne réclame la liste aux départements, il fait partie du jury de l’Ecole centrale créée à Nantes en 1795. Peu après, le 28 pluviose an V (16 février 1797), il devient Directeur de la Monnaie. Malgré les bouleversements politiques, il exerce cette charge jusqu’au 13 janvier 1818. Le 3 juin 1800 (14 prairial an VIII), le Premier Consul Bonaparte le nomme Conseil Général du Département de la Loire-Inférieure. Enfin, en 1803, il est nommé secrétaire de la Chambre de commerce de Nantes.

Les conseillers généraux de Loire-Inférieure nommés par le Premier Consul2

Athénas y est dument mentionné comme Directeur de la Monnoye

ADLA 2M79 © Archives Départementales de Loire-Atlantique

Parallèlement, il va trouver dès 1798, dans l’Institut départemental des sciences et des arts de la Loire-Inférieure, le moyen de faire valoir l’éclectisme de ses dons. Durant la vingtaine d’années que couvre sa participation aux travaux de l’Institut, il se révèle tour à tour latiniste érudit en discutant la dénomination et le lieu des communes de la région à partir de leur citation dans les textes latins, minéralogiste par la découverte d’une mine d’étain à Piriac (L.-A.), agronome en acclimatant en Loire-Inférieure des plantes fourragères exotiques, ingénieur par la conception d’une charrue à défricher qui porte son nom3, archéologue enfin, étudiant les antiquités du département. On lui doit de nombreux mémoires, notamment publiés dans le Lycée Armoricain, sur des découvertes archéologiques de la région nantaise comme ces haches de bronze trouvées à Saint-Jean-de-Boiseau, ou ces trois épées de bronze mises au jour dans les marais de Montoir de Bretagne. On lui doit aussi la description du menhir dit « des Pierres-Frites » à Basse-Goulaine ou la découverte en 1821 à Saint-Jean-de-Boiseau d’un dépôt de huit haches à talon du Bronze Moyen. Il figure ainsi parmi les fondateurs de l’archéologie en Bretagne, et le muséum d’histoire naturelle de Nantes conserve quelques unes de ses découvertes.

Si bien que, comme le constate le docteur Fréteau, président de la Société académique de Nantes en 1818 : « Monsieur Athénas que sa vaste érudition rend propre à traiter toutes sortes de sujets » est aussi bien sollicité pour faire des rapports sur des questions de chimie, d’industrie et d’agriculture que pour mener des débats portant sur l’Histoire, les Belles-lettres et les Beaux-arts.

Aussi, lorsque « ce savant modeste et laborieux, d’esprit souple et inventif », comme le décrit la notice que lui consacre le Dictionnaire de biographie française, meurt à Nantes le 22 mars 1829, c’est l’un des derniers représentants des Lumières qui s’éteint.

 

Que nous reste-t-il aujourd’hui de ce brillant esprit ?

Des monnaies, souvent rares… Un unique portrait gravé, réalisé par le dessinateur Victor Guerry, et le nom d’une rue, que beaucoup confondent avec la déesse grecque. Reliant la rue Voltaire à la Place de la Monnaie, elle borde le dernier atelier monétaire de Nantes4, celui qu’il n’a jamais dirigé.

  

Pièce de 5 francs au buste habillé de Louis XVIII frappée à Nantes en 1815. Elle porte l’ancre de marine, différent de Pierre-Louis Athénas, Directeur de l’atelier. 

Musée Dobrée inv. 2002.10.2 © Grand Patrimoine de Loire-Atlantique

 

 

 

Plaque de la rue Athénas à Nantes

 

Bibliographie :

  • Daniel Cariou, « Pitre Pierre-Louis Athénas (Paris 1752-Nantes 1829), Directeur de la Monnaie de Nantes », Annales de la Société Bretonne de Numismatique et d’Histoire 2000, page 58.

  • Anne-Claire Deré, « Pierre-Louis Athénas », Annales de Nantes et du Pays Nantais, 1998, page 19.

  • Robert Lesage, « Sur les traces des préhistoriens disparus de la Loire-Atlantique », Bulletin de la Société Nantaise de Préhistoire n° 24 - étude 2006, page 40.

  • http://www.amisdufranc.org/archives_monetaires/spip.php?article276

 

 

 

Gildas Salaün

1 Ami de Buffon et maître de forges à Bayard-sur-Marne (H.-M.), Grignon collabore à l’Encyclopédie.

2 Je remercie Sylvie Bagrin de m’avoir signalé ce précieux document.

3 Cette invention lui vaut le prix de mécanique de l’Institut Royal de France le 7 juin 1823.

4 Gildas Salaün, La nouvelle Monnaie de Nantes, quand on battait monnaie au Muséum, Nantes, 2006.

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