Je reçois ce jour dans
l'excellent Coin Weekly d'Ursula Kampman une information qui est bien plus importante que ce qu'elle semble à première vue : une simple confirmation que les fonctionnaires de Bruxelles considèrent les citoyens européens comme des animaux stupides uniquement bons à être dirigés à la baguette, comme le berger conduit ses moutons.
Pour les non-anglophones, la Commission Européenne a lancé une consultation publique sur la question de savoir si des modifications devaient être apportées aux règles de rapatriation des biens culturels dans leurs pays d'origine.
A première vue, on ne comprend pas.
On savait que la Commission s'occupait de la forme des concombres et surtout pas des dettes des pays de l'Europe du Sud mais se préoccuper de la rapatriation des biens culturels ?? La politique culturelle et juridique n'est-elle pas encore l'apanage des États ?
Tout s'explique quand on regarde les dates.
Personne du côté des collectionneurs n'a été prévenu de l'existence de cette enquête 'publique' qui se terminait le 5 mars (il semble que l'Association Internationale des Numismates Professionnels n'a été informée que le 2 mars).
C'est se moquer du monde.
De toute évidence, l'organisateur de cette escroquerie intellectuelle l'a planifiée pour que tous les archéos névrotiques d'Europe soient informés en temps utile, s'expriment, tartinent et en rajoutent, alors que les collectionneurs et professionnels ne pourraient pas réagir.
Il sera alors facile de présenter bientôt un rapport exigeant l'existence d'une preuve d'origine légitime pour tout bien culturel - oui, un potin des Senons est un bien culturel - à quiconque aurait en main un tel objet.
Faute de telle preuve d'existence légitime, par exemple celle demandée par UNIDROIT 1970, 35 ans de présence prouvée sur le marché commercial, confiscation et rapatriation dans le pays d'origine.
Nous y voilà.
Et cette consultation publique montrera que 99% des intervenants le réclament !!
C'est le fameux retournement de la charge de la preuve dont nous avons expliqué à quel point elle était le point crucial de la question 'À qui appartient le passé' ?
Il est amusant de constater que ceux qui nous dirigent font des progrès.
Staline disait que, en démocratie, celui qui exprimait son opinion était celui qui comptait les bulletins.
En Bruxellie, celui qui exprime son opinion est celui qui organise l'élection.
Que faire ?
Pour quoi ?
Pour éviter que la Commission Européenne publie un beau matin un texte exigeant
- de tous les collectionneurs européens de justifier l'origine de ce qui se trouve dans leurs collections.
- de tous les professionnels européens de justifier l'origine de ce qui se trouve dans leurs plateaux.
Et prouver que cela ne vient pas... pas de quoi, au fait ?
N'importe quelle monnaie de nos collections ou plateaux, ayant plus de trois siècles, est passée par la case 'enfoui dans la terre' sinon, elle aurait été refondue entre temps par un atelier monétaire quelconque.
Si l'on remonte dans le temps, tout vient de la terre et il n'y a pas de preuve possible d'une autre origine. Réclamer que nous prouvions que nos monnaies, vos monnaies, viennent d'une source ''légitime'' est impossible car à la fin du fil conducteur des propriétaire successifs, il y a toujours la terre.
L'enfoui dans la terre est effectivement la source première et incontournable : qui pourra prouver que c'est sorti de la terre il y a deux siècles ou il y a cinq minutes ? Si par défaut de preuve, tout est confiscable, nous allons vefrs le plus grand désastre patrimonial et culturel depuis la deuxième guerre mondiale.
L'enfoui dans la terre est le territoire que revendique une certaine catégorie d'archéologues qui préfèrent savoir que tous les braconniers seront lachés sans aucune retenue par un texte aussi stupide que celui que nous pouvons craindre, mais que les principes seront saufs.
Pragmatisme est pourtant un mot français !
Pourtant, nous avons en Europe l'exemple du
Portable Antiquities Scheme qui fonctionne admirablement et fourni des résultats inimaginables de richesse ; derniers chiffres
- 490,693 enregistrements de découverte
- 772,856 objets
- 20,553 participants
une source incomparable d'informations : qui dans les pays qui n'ont pas adopté cette organisation peut montrer 5% de cette quantité d'information ?
Nos descendants nous maudiront de ne pas avoir adopté le Portable Antiquities Scheme car nous auront laissé massacrer notre sol sans enregistrer ce qu'il avait à dire.
Et que l'on ne vienne pas me dire que j'ai quoique ce soit contre les archéologues, je suis simplement réaliste. Que nos gouvernements centuplent le budget de l'archéologie et je commencerais de croire que la participation du public à la quête du passé est inutile. D'ici là, une collaboration intelligente est absolument nécessaire.
