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L’INCARNATION DU PROJET DE DUPRÉ...

| 22/11/2019
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L’INCARNATION DU PROJET DE DUPRÉ POUR CE QUI AURAIT DÛ ÊTRE
LA PREMIÈRE PIÈCE EN OR DU SYSTÈME DÉCIMAL

PARTIE 1

Si le décret du 1er août 1793 instaure le système décimal, c’est celui du 18 germinal An 3 (7 avril 1795) qui remplace l’unité des monnaies « la livre » par « le franc ». Quelques mois plus tard, le 28 thermidor, soit le 15 août 1795, une nouvelle création monétaire métallique est décidée.

Outre deux lois sur l’émission de monnaies en bronze épuré (cuivre) et en argent (voir leurs retranscriptions dans l’ouvrage « Le Franc, les Monnaies, les Archives » pages 136 et 137), une loi prévoit également une monnaie d’or :
« I. Il sera fabriqué des pièces d’or.
II. Le titre sera de neuf parties de ce métal pur et d’une partie d’alliage.
III. La tolérance du titre sera de trois millièmes en dehors du titre fixé par l’article précédent.
IV. Chaque pièce sera à la taille de dix grammes.
V. La tolérance du poids sera d’un quatre-centième en dedans et d’un quatre-centième en dehors du poids fixé par l’article précédent.
VI. Ces pièces auront pour type la figure de la Paix unie à l’Abondance, avec la légende ; Paix et Abondance.
VII. Sur le revers seront gravées deux branches entrelacées, l’une de chêne, l’autre d’olivier, avec la légende : République française.
Au centre, on lira le poids de la pièce.
L’exergue exprimera, en chiffres arabes, l’an de l’ère républicaine.
Au-dessous sera gravé le signe indicatif de l’atelier où elle aura été fabriquée.
 »

La pièce en or ne fut jamais produite, pas même à l’état de frappe d’essai. Jusqu’à la vente de Bonhams, en avril 2014, nous n’avions aucune idée de ce à quoi aurait pu ressembler cette pièce. Heureusement, un dessin de Dupré de la 10 grammes en or faisait partie de cette vente. L’association des Amis du Franc est parvenue à racheter ce dessin à l’acheteur américain, rapatriant ainsi en France ce joyau de notre histoire numismatique. Depuis, nous avons retrouvé un autre dessin équivalent présent dans le fonds Dupré de la BNF. Le dessin est au dos d’un autre dessin et n’est pas présenté de manière visible dans l’album [BNF / Rés. ms. 70100] !

Dessin acheté par l’Association des Amis du Franc


2 dessins détenus par la BNF présents sur les deux côtés d’une même feuille.
La feuille est collée dans le registre mais on voit par transparence
que le dessin du verso est proche de celui acheté par l’association.

Au-delà de la beauté du trait, l’observateur est interpellé par la date présente, l’an 5, alors que la loi date de la fin de l’an 3. La retranscription de la lettre du 24 floréal an 5 (13 mai 1797) de Dupré au Citoyen Thibault représentant du Peuple, membre du Conseil des Cinq-Cents [BNF/Rés.Ms.10030 PAR MON F°(3)]  nous éclaire : Depuis le jour où j’ai conféré avec vous relativement aux types des pièces d’or et d’argent, je me suis occupé d’en former les desseins et quelque désir que j’aie eu de satisfaire plutôt à votre empressement à cet égard il m’a été impossible de vous rendre compte plus promptement du résultat de mon travail. Je vous adresse aujourd’hui les descriptions de ces types ainsi que je vous l’ai promis et demain matin je vous en ferai voir les dessins.

Type de la Pièce d’or

Déjà la Convention Nationale par le décret proposé au mois de thermidor an 3 à la suite d’un rapport sur les monnaies avait statué par l’article 6 que la pièce d’or représenterait la figure de la paix unie à celle de l’abondance. En m’attachant à suivre cette idée j’ai cherché à éviter la complication que deux figurent présentent, en réunissant dans une seule les symboles propres à caractériser cette même idée. Ainsi donc :

Le type de la pièce d’or consistera en une figure de femme assise ayant un maintien grave, tenant dans une main l’olivier de la Paix, et de l’autre s’appuyant sur l’attribut caractéristique de l’abondance.

Légende : Paix et abondance

L’exergue exprimera en chiffres arabes l’an de l’ère républicaine

Le revers sera simplement une couronne de chêne au milieu de laquelle se lira la valeur de la pièce, au dessous sera le signe indicatif de l’atelier monétaire où elle aura été frappée.

La pièce d’or dessinée par Dupré en l’an 5 reste dans l’esprit de la loi du 28 thermidor mais se veut moins chargée : au lieu de deux figures (une pour la paix, l’autre pour l’abondance), une seule figure sera présente (celle d’une femme assise), la paix sera symbolisée par le rameau d’olivier et l’abondance par la corne du même nom. Au regard des contraintes technologiques et de production de l’époque pour les monnaies de petit module (le diamètre de la pièce d’or n’est pas fixé par la loi mais le poids de 10 g d’or limite la surface de gravure), le souci de simplification de la gravure est essentiel.

Ce qui frappe dans le projet de la pièce d’or, c’est qu’elle n’est pas exprimée en francs mais en poids !

Ceci est la traduction des tergiversations et tiraillements de l’époque. Il y a à la fois la volonté d’utiliser plusieurs étalons de métaux précieux : l’or et l’argent, mais on est encore loin du bi-métallisme. Le fait que seul l’argent soit exprimé en francs transforme de facto l’or en une marchandise dont la valeur peut évoluer au jour le jour et, par là même, rendre complexes les échanges commerciaux. Il faudra attendre la loi du 7 germinal an XI pour résoudre ce problème et avoir, pour le franc, un double étalon or et argent.

Nous ne savons pas encore si telle fut la raison finale de sa non-émission ou si le manque de matières premières en est la cause. En tout cas, ce projet ne fut pas incarné et les collectionneurs n’ont pas le plaisir de pouvoir l’observer dans leurs médailliers.

Enfin jusqu’à présent ! En effet, l’Association des Amis du Franc a décidé de créer une médaille à partir de ce dessin et de permettre ainsi à ses adhérents mais également à tout collectionneur de l’acquérir.

Pour relever le défi, il nous fallait un graveur de talent. Sur les conseils de Jean-Luc Maréchal, ancien maître graveur de la Monnaie de Paris, nous avons confié la création des matrices à Nicolas Salagnac, graveur médailleur, Meilleur Ouvrier de France.


Nicolas Salagnac - © Jean-Luc Mège - http://www.nicolas-salagnac.com

La deuxième partie de l’article, à paraître prochainement, sera consacrée au processus de création des matrices de cette médaille.

Le bureau des Amis du Franc
contact@amisdufranc.org

RÉFÉRENCES

• [BNF / Rés.Ms.10030 PAR MON F°(3)] Bibliothèque Nationale de France. Graveur des monnaies. Correspondance de Dupré. Registre II : du 23 août 1796 au 23 février 1798. Registre III : du 11 mars 1801 au 13 avril 1803. 1796-1803. 282 p. XVIIIe.

• [BNF / Rés.Ms.70100 DUP 8° & DUP F°] Bibliothèque Nationale de France. Dessins du graveur général Augustin Dupré.

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