Au XIXe siècle, les grandes expositions industrielles et commerciales, visant à la promotion des produits de l’industrie nationale et au développement du commerce, se multiplient. Les plus fameuses d’entre elles sont durablement restées dans les mémoires, comme celle organisée à Paris en 1889, pour laquelle fut construite la Tour Eiffel, ou encore celle de 1900, avec l’inauguration du métropolitain.
En province, les départements et les grandes villes contribuent pour les mêmes raisons à ce mouvement national. Lors de ces grandes fêtes, des médailles sont largement distribuées pour récompenser les meilleurs produits dans d’innombrables catégories. Et Nantes n’est pas en reste…
L’une des plus fameuses, mais aussi l’une des premières de ces grandes expositions nantaises se déroule durant le Second Empire en 1861. Pour accueillir cet événement d’ampleur nationale, trois immenses pavillons sont construits en plein centre ville, sur les promenades situées juste à l’arrière de la cathédrale. Un premier bâtiment, le plus modeste mais mesurant tout de même 60 mètres de long et 32 de large, héberge l’exposition des Beaux-Arts, sur la place de la Duchesse Anne. Les deux autres pavillons, longs de 82 mètres et larges de 25, se font face : l’un sur le Cours Saint-André, accueillant les tissus et les industries fines, l’autre sur le Cours Saint-Pierre, abritant les machines des grosses industries.
La construction de ces édifices temporaires devant être détruits à l’issue de l’exposition est confiée aux charpentiers Joseph Doury et Jean-Louis Josse, sous la conduite de Driollet, architecte-voyer de la Ville1. Même s’il n’en reste aucune trace aujourd’hui, la qualité architecturale et technique du pavillon situé sur le Cours Saint-Pierre apparaît sur une photographie rarissime prise depuis la rive opposée de la Loire (figure 1).
Figure 1 : pavillon de l’exposition générale de Nantes installé Cours Saint-Pierre en 1861 (photographie communiquée par Stéphane Pajot)
Or, beaucoup de numismates nantais connaissent ce bâtiment, car il apparaît magnifiquement représenté au revers d’une superbe médaille de 38 mm de diamètre (figure 2). Celle-ci est assez commune aujourd’hui encore, puisqu’on la rencontre régulièrement en bronze, un peu moins souvent en bronze doré, et très rarement en argent.
À l’avers de cette médaille apparaît logiquement le portrait de l’empereur Napoléon III, la tête nue, comme sur les monnaies d’alors, tandis que le revers porte la légende MÉDAILLE COMMÉMORATIVE DE L’EXPOSITION GÉNÉRALE DE NANTES 1861 et rappelle l’autorité locale F. FAVRE SÉNATEUR MAIRE2. Plein champ, se dresse en haut de marches un splendide bâtiment au fronton décoré de colonnades et de groupes statuaires à l’Antique.
Figure 2 : médaille commémorative de l’Exposition Générale de Nantes en bronze doré.
La comparaison entre la photographie précédente et le revers de cette médaille montre assez bien la finesse du détail et l’extrême qualité de la gravure signée « Hamel Rouen » (sous les marches de part et d’autre du millésime). Pourquoi être allé chercher un graveur en médailles à Rouen, alors qu’il y en avait à Nantes, notamment les établissements Charpentier ? Peut-être pour la renommée de l’artiste3 ? Quoiqu’il en soit, on ne peut que rendre hommage à la précision du travail d’Hamel qui prit même soin, avant de finaliser et de signer son œuvre, d’en vérifier la qualité par un « cliché » en prenant une empreinte en étain du coin en cours de réalisation (figure 3).
Figure 3 : ce document exceptionnel, unique même, est un cliché en étain du coin de revers. Hamel a réalisé cette empreinte intermédiaire pour vérifier la qualité et la précision de sa gravure avant de finaliser le coin. La signature HAMEL / ROUEN manque et la bordure n’est pas encore marquée par un profond listel, mais par un léger trait de construction.
Mais une autre médaille, beaucoup plus imposante, fut également commandée à Hamel à l’occasion de cette grande exposition nantaise (figure 4).
À l’avers, apparaît cette fois le portrait de l’impératrice Eugénie de Montijo, marraine de l’événement. Au revers, la légende EXPOSITION NATIONALE DE NANTES 1861 entoure un cartouche chargé d’un écu aux armes de la Ville de Nantes, surmonté d’une couronne murale et ceint de palmes tenues par un ruban portant la devise nantaise FAVET NEPTUNUS EUNTI (Neptune favorise ceux qui osent). En dessous, un cartouche permet de graver le nom du récipiendaire. À l’exergue, en toutes petites lettres, on retrouve à nouveau la signature HAMEL à ROUEN.
D’un diamètre de 53 mm, pour un poids compris entre 70 et 75 g, cette médaille se rencontre régulièrement en bronze, très rarement en argent, tandis que seulement deux exemplaires en or sont connus à ce jour.
Figure 4 : médaille offerte aux personnes primées durant l’exposition générale de Nantes de 1861.
Cette seconde médaille servait moins à perpétuer le souvenir de l’exposition qu’à honorer les personnes primées. Ainsi, comme cela se faisait, plusieurs récipiendaires ont exhibé cette médaille tel un trophée. Certaines sociétés l’ont figurée sur leurs enveloppes, leurs factures, leurs papiers à en-tête, comme élément décoratif, mais surtout comme gage de qualité de leur travail4 (figure 5). L’un d’eux, le magasin « Au Grand Maître » tenu par M. Boissière, allée Brancas, a même fait reproduire cette médaille pour l’incruster en façade au-dessus de sa vitrine principale… Et elle s'y trouve encore aujourd’hui !
Figure 5 : primé lors de l’exposition de 1861, le photographe mondain Jules Sébire, installé dans le célèbre Passage Pommeraye5, fait désormais apparaître sa médaille au recto de chaque carte de visite qu’il réalise.
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Gildas Salaün - Chargé des collections de numismatique, sigillographie, ethnographie africaine et océanienne. Grand patrimoine de Loire-Atlantique
Crédits photographiques : http://www.suffren-numismatique.com/fr/
1 Henri-Théodore Driollet est architecte-voyer de Nantes, de 1837 à sa mort en 1863. La ville lui doit de nombreux édifices et monuments, dont la fontaine monumentale qui orne toujours la Place Royale.
2 Ferdinand Favre (1779-1867), maire de Nantes de 1832 à 1865, sénateur du Second Empire de 1857 à 1867.
3 On lui doit par exemple les belles médailles de l’exposition régionale de Rouen en 1859.
4 Gildas Salaün, « Médailles et papier à en-tête de Nantes », Armor Numis n° 126, 2014, pages 69 à 74.
5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Passage_Pommeraye
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